« yves-de-chartres-205 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Guillaume, chevalier

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Guillelmo, nobili et strenuo militi, salutem.

    Missus a te clericus anxie et diligenter ex tua parte consuluit parvitatem meam quid sentirem super inhonesta suspicione quam conjecisti in uxorem tuam(1), opponens ei non esse ex te genitum quem peperit dum morareris in Anglia, propterea quod, computatis diebus qui sunt inter conceptum et partum, inventi sunt minus septem dies quam consuetudo credebatur habere parientium ; auges inde suspicionem tuam quod miles quem de concubitu uxoris tuae suspectum habebas, cum subiisset examinationem ferri candentis ad se purgandum, cauteriatus est ; nec ullus producitur accusator aut testis qui suspicioni tuae nisi de conjecturis ullum praebeat argumentum, pro quibus aliquem condemnare nec usus majorum, nec ulla legum concedit auctoritas.(2)

    Primo de conjectura dierum qui defuisse dicuntur, tibi respondeo quia nullum tibi certum faciunt argumentum, cum honestae mulieres et veteranae causa veritatis inquirendae a nobis interrogatae manifeste responderint non semper intra eumdem terminum(a) dierum contingere solere puerperium cum, secundum alacritatem naturae vel imbecillitatem, nunc paulo celerius, nunc paulo tardius post conceptum soleant contingere partus. Quod ex ratione seminum facile colligi potest, cum secundum aeris temperiem vel intemperiem quibusdam annis celerius, quibusdam tardius segetes maturescant ad messem.

    Simili modo cauterium militis nullum tibi certum praebet argumentum, cum per examinationem ferri candentis occulto Dei judicio multos videamus nocentes liberatos, multos innocentes saepe damnatos(3). Praeterea cum talis examinatio sit in Deum tentatio, non est mirum si divino auxilio deseritur cum incaute et sine judiciali sententia ab aliquo suscipitur. Unde beatus Augustinus defendens Abraham, quod uxorem suam finxit esse sororem(4), ita dicit(5) : « Quando habet homo quid faciat, non debet tentare Deum suum. » Unde Stephanus papa scribit Leuberto, Maguntino episcopo(6) : « Ferri candentis vel aquae ferventis examinatione confessionem extorqueri a quolibet sacri non censent canones ; et quod sanctorum Patrum documento sancitum non est superstitiosa adinventione non est praesumendum. Spontanea enim confessione, vel testium approbatione, publicata delicta habito prae oculis Dei timore, commissa sunt regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt judicio relinquenda qui solus novit corda filiorum hominum. » Hinc etiam cum ad singulare certamen propter similes suspiciones Teibergam(b) uxorem suam cogere vellet rex Lotharius, adversus eum ita scribit papa Nicolaus(7) : « Monomachiam vero in legem non assumimus quam praeceptam fuisse non reperimus ; quam licet iniisse quosdam legamus, sicut sanctum David et Goliam sacra pandit historia(8), nusquam tamen ut pro lege teneatur alicubi divina sanxit auctoritas, cum hoc et hujuscemodi sectantes Deum solummodo tentare videantur. »

    His et hujusmodi sententiis correptus, tempera zelum tuum ne te et uxorem tuam et sobolem tuam immoderata severitate trudas in infamiam quam sedare non poteris, cum aliquando, poenitentia ductus, multo sudore sedare studueris(9). Sufficiat ergo tibi cum juramento uxoris tuae probatarum personarum cum juramento testimonium, dicente Apostolo(10) : « Omnis controversiae eorum finis est juramentum. » Vale.


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    numerum MAu 

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    Teubergam Au.


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    Même problème lettres 252 et 280.

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    Sur la nécessité de condamner sur des preuves certaines, voir lettres 25, 51, 138, 140, 186. Décrets de Félix II, c. 15, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 490. Yves, Panormie, 4, 108 : Judices tales esse debent ut omni suspectione careant.

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    Sur les réticences d'Yves à l'égard de l'ordalie, voir lettre 74.

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    Gen. 20, 2.

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    Augustin, Contra Faustum Manichaeum, livre 22, c. 36, CSEL 25, p. 629-630, voir lettres 74, 183.

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    Étienne VI (886-889) à Luitbert, évêque de Mayence. Yves, Décret 10, 27 (Gratien, 2, 5, 20), voir lettre 74.

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    Décret de Nicolas Ier, tit. 20, c. 1 (867). Yves, Décret 8, 187 (Gratien, 2, 5, 22), voir lettre 74.

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    I Sam. ch. 17.

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    Noter les allitérations.

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    Hebr. 6, 16.


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    a. Avranches, BM 243, 108v-109


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 75v-76


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    T. Troyes, BM 1924, 35-36


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    Au. Auxerre, BM 69, 85rv



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Guillaume, noble et vaillant chevalier, salut.

    Le clerc que tu as envoyé a consulté de ta part ma petitesse avec inquiétude et attention pour savoir ce que je pensais du soupçon déshonorant que tu as conçu envers ton épouse, alléguant que celui qu'elle avait enfanté pendant que tu demeurais en Angleterre n'avait pas été conçu de toi, pour la raison que, si l'on comptait les jours écoulés entre la conception et l'accouchement, on trouvait sept jours de moins que ce que l'on considérait y avoir d'habitude pour les parturientes ; tu as en plus augmenté ton soupçon du fait que le chevalier que tu suspectais de concubinage avec ton épouse a été brûlé après avoir subi l'épreuve du fer rouge pour se disculper ; et aucun accusateur ou témoin ne s'est produit pour apporter quelque preuve à ton soupçon, fondé seulement sur des conjectures au nom desquelles ni l'usage des anciens, ni aucune autorité des lois n'accorde de condamner quelqu'un.

    D'abord à propos de la conjecture concernant les jours qui sont dits manquer, je te réponds qu'ils ne constituent pour toi aucun argument certain, puisque des femmes honnêtes et d'expérience, que nous avons interrogées pour rechercher la vérité, ont répondu clairement qu'il n'était pas habituel que l'accouchement se produise durant le même terme de jours, puisque, selon la vivacité ou la faiblesse de la nature, les accouchements ont l'habitude de se produire parfois un peu plus tôt, parfois un peu plus tard après la conception. Ce qui peut se comprendre facilement d'après ce qui arrive pour les semences, lorsque selon la clémence de l'air ou les intempéries les épis mûrissent pour la moisson certaines années plus tôt, certaines années plus tard.

    De la même manière la brûlure du chevalier ne te fournit aucun argument sûr, puisque par un jugement secret de Dieu nous voyons, par l'épreuve du fer rouge, beaucoup de coupables acquittés et souvent beaucoup d'innocents condamnés. En outre, comme une telle épreuve est une tentation contre Dieu, il n'est pas étonnant que le secours divin vienne à manquer quand elle est accomplie par quelqu'un imprudemment et sans une sentence judiciaire. Aussi le bienheureux Augustin, défendant Abraham parce qu'il avait fait croire que sa femme était sa sœur, dit ainsi : « Quand un homme a la possibilité d'agir, il ne doit pas tenter son Dieu. » Aussi le pape Étienne écrit-il à Lieutbert, évêque de Mayence : « Les saints canons ne jugent pas bon d'extorquer de quiconque une confession par l'épreuve du fer rouge ou de l'eau bouillante ; et ce qui n'a pas été ratifié par un enseignement des saints Pères ne doit pas être entrepris par une invention superstitieuse. En effet les délits rendus publics par une confession spontanée ou par la preuve de témoins ont été confiés aux responsables pour qu'ils les jugent, se tenant dans la crainte devant les yeux de Dieu ; mais les affaires cachées et inconnues doivent être laissées au jugement de celui qui seul connaît le cœur des hommes. » Pour cette raison, comme le roi Lothaire voulait, à cause de soupçons semblables, forcer son épouse Théberge au combat singulier, le pape Nicolas écrit ainsi contre lui : « Nous n'admettons pas comme loi le combat singulier que nous ne trouvons pas avoir été prescrit ; bien que nous lisions que certains s'y soient engagés, comme l'histoire sainte le relate à propos du saint David et de Goliath, l'autorité divine n'a cependant nulle part ailleurs prescrit qu'il soit tenu pour loi, puisque ceux qui suivent ces pratiques et d'autres du même genre semblent seulement tenter Dieu. »

    Pénétré de ces sentences et d'autres du même genre, tempère ton zèle pour ne pas vous pousser par une sévérité immodérée, toi, ta femme et ta descendance, à une infamie que tu ne pourras pas apaiser, même si un jour, guidé par la pénitence, tu t'appliques à grand peine à l'apaiser. Que te suffise donc avec le serment de ton épouse le témoignage de personnes loyales, selon la parole de l'Apôtre : « Le serment met un terme à toute controverse entre eux. » Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21143 (yves-de-chartres-205), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21143 (mise à jour : 21/09/2017).