« yves-de-chartres-184 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Gauthier, bibliothécaire de Beauvais

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Galterio(a), Belvacensis Ecclesiae bibliothecario(1), salutem.

    Mandavit mihi fraternitas vestra quorumdam laicorum adversus Belvacensem Ecclesiam ortam esse calumniam, qui ob id judicium clericorum ejusdem Ecclesiae reprobant quod earum rerum sunt possessores pro quibus apud ipsos idem laici existunt petitores. Sed non sunt satis periti legum ecclesiasticarum, vel saecularium, qui hoc modo statum Ecclesiarum moliuntur evertere, cum et paginae decretales et leges imperiales et ecclesiasticae consuetudines(2) manifeste eis resistant, sine quibus res divinae et humanae tutae esse non possunt, si instrumenta sua deserunt quibus majores nostri eas tutas et incolumes esse sanxerunt.

    Primo enim in multis decretalibus sententiis legitur « omnes lites et contentiones in Ecclesiis in quibus ortae sunt primo esse discutiendas et terminandas(3) », nisi aut utraque pars ex consensu judices elegerit(4), vel altera pars majorem audientiam appellaverit(5). A filiis autem ipsius Ecclesiae in qua orta contentio est et non ab aliis terminandum esse judicium clamant plurimorum decreta pontificum, quae ita continent(6) : « Peregrina judicia generali sanctione prohibemus. » In quo bene consentiunt instituta imperialia quae dicunt res ecclesiasticas non esse juris humani, sed divini. Unde Justinianus in libro Constitutionum(b) secundo, capitulo primo(7) : « Nullius autem sunt res sacrae et religiosae et sanctae, quod enim divini juris est, id nullius in bonis est. Sacra enim sunt(c) quae rite et per pontifices Deo consecrata sunt, veluti aedes sacrae et dona quae rite ad ministerium Dei consecrata sunt, quae etiam per nostram constitutionem alienari et obligari prohibemus. »

    Cum ergo ratio et veritas(8) instituto religiosi principis sine ulla retractatione(9) conveniat, nihil obesse videtur quare clerici, qui de sorte sunt Domini, non possint de rebus sacris justum terminare(d) judicium, super quas nullum constat eos habere dominium. Praeterea generalis consuetudo Ecclesiae sic habet, quae, si non immobiliter servaretur, Ecclesia omnibus aut pene omnibus bonis suis privaretur. De tenenda autem consuetudine, quae legi non obsistit, plurima sanctorum Patrum exstat auctoritas. Dicit enim Augustinus in epistola ad Casulanum presbyterum(10) : « In his enim rebus de quibus nihil certi statuit Scriptura divina, mos populi Dei et instituta majorum pro lege tenenda sunt. » Et sicut praevaricatores legum divinarum, ita contemptores consuetudinum ecclesiasticarum coercendi sunt. Gregorius(e) universis episcopis Numidis(11) : « Nos consuetudinem quae contra fidem catholicam nihil usurpare dignoscitur immotam permanere concedimus. » Isidorus, Etymologiarum libro quinto, capitulo tertio(12) : « Mos est vetustate probata consuetudo, sive lex non scripta. » Item(13) : « Consuetudo autem est jus quoddam a majoribus institutum(f), quod pro lege suscipitur cum deficit lex. Nec differt utrum scriptura an ratione consistat. » Codicum(g) libro octavo, titulo secundo(14) : « Consuetudinis ususque longaevi non vilis auctoritas est ; verum non usque adeo sui valitura(h) momento ut aut rationem vincat aut legem. »

    Potest in hunc modum vestra prudentia multa de authenticis scripturis eligere, quibus poterit adversus Ecclesiam laicorum latratus obstruere. Valete.


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    Gualterio AM, Galterio V, Gauterio T 

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    Institutionum éd. Ju

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    ea autem sacra sunt éd

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    determinare éd. Ju

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    etiam éd. Ju

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    constitutum V 

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    Et Codicis éd

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    adeo valituram AMVT.


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    Voir lettre 123.

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    Remarquer l'ordre des autorités avancées.

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    Code théodosien, 9, 1, 5. Lex rom. Wisig., 3, 6. Fabien, ep. 3, c. 28, Fausses décrétales, éd. Hinschius p. 168. Damase, ep. 3, c. 19, ibid., p. 505-506. Capitula Angilramni, c. 47. Benoît le Lévite 3, 365. Yves, Décret 6, 347.

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    Expression empruntée au 3e concile de Carthage, c. 10.

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    Expression empruntée à Étienne, ep. 2, c. 7, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 185. En cas de difficulté dans le procès, l'appel au siège romain est conseillé, Éleuthère, c. 2, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 125. Yves, Décret 6, 316 (Gratien, 3, 6, 7).

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    Décret présent dans les écrits de nombreux papes, entre autres Fabien, Félix, Jules, Sixte III, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 168, 202, 470, 563. Yves, Décret 5, 248, 260 et 6, 331 (Gratien, 3, 6, 4-15).

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    Institutes, 2, 1, § 7-8. Yves, Décret 3, 193. Même citation sans référence précise lettre 111. Tous les manuscrits consultés portent Constitutionum et nonInstitutionum.

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    Expression augustinienne, De baptismo contra Donastitas, l. 3, c. 8, 11,CSEL 51, p. 204. Yves, Décret 4, 208 ; Panormie 2, 165 (Gratien, D. 8, 4).

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    Sine ulla retractatione, Cicéron, Philippiques, 14, 38 ; ad Atticum, 13, 24, 2.

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    Augustin, ad Casulanum,ep. 36, 2, CCSL 31A, p. 130. Yves, Décret 4, 68 ; Panormie 2, 158 (Gratien, D. 11, 7).

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    Grégoire, Regestrum, I, 75, CC 140, p. 83-84. Yves, Décret 4, 204 (Gratien, D. 12, 8).

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    Étymologies, 5, 3. Yves, Décret 4, 200 ; Panormie 2, 161 (Gratien, D. 1, 2-5).

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    Ibid.

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    Code, 8, 53, 2. Yves, Décret 4, 202 ; Panormie 2, 163 (Gratien, D. 11, 4).


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    a. Avranches, BM 243, 97rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 68rv


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    V. Vatican, Reg. Lat. 147, 21rv


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    T. Troyes, BM 1924, 27v-28v



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Gautier, bibliothécaire de l'Église de Beauvais, salut.

    Votre fraternité m'a fait savoir que s'était élevée contre l'Église de Beauvais une querelle de la part de certains laïcs, qui récusent le jugement des clercs de cette même Église pour la raison que ces derniers sont possesseurs de biens pour lesquels ces mêmes laïcs se trouvent demandeurs devant eux. Mais ils ne sont pas assez experts dans les lois ecclésiastiques ou séculières, eux qui s'efforcent de cette manière de renverser le statut des Églises, alors que s'opposent à eux d'évidence et les pages décrétales et les lois impériales et les coutumes ecclésiastiques, sans lesquelles les choses divines et humaines ne peuvent être assurées, si elles renoncent à leurs fondements par lesquels nos ancêtres ont établi qu'elles étaient assurées et intangibles.

    D'abord en effet on lit dans de nombreuses sentences décrétales que « tous les litiges et les différends doivent être débattus et réglés d'abord dans les églises dans lesquels ils sont nés », sauf si les deux parties ont choisi des juges d'un commun accord ou si l'une des parties a fait appel à une audience supérieure. Et les décrets de très nombreux pontifes proclament que le jugement doit être réglé par les fils de l'Église même où est né le différend et non pas par d'autres ; ils contiennent ceci : « Nous interdisons par un décret général les jugements rendus par des étrangers. » Sur ce point concordent bien les institutions impériales qui disent que les biens ecclésiastiques ne sont pas de droit humain mais de droit divin. Aussi Justinien, dans le second livre des Institutes, chapitre I : « Les choses sacrées, religieuses et saintes ne sont à personne parce que ce qui est de droit divin n'est la propriété de personne. Or sont sacrées les choses qui ont été consacrées à Dieu selon les rites et par les pontifes, comme les temples sacrés et les dons qui ont été consacrés au ministère de Dieu selon les rites, que par notre constitution nous interdisons même d'aliéner et d'engager. »

    Donc comme la raison et la vérité s'accordent sans hésitation aucune avec l'institution de ce prince religieux, rien ne paraît s'opposer à ce que des clercs, qui sont du Seigneur par leur condition, puissent rendre un jugement juste au sujet de choses sacrées sur lesquelles il est évident qu'ils n'ont aucun droit de propriété. En outre la coutume générale de l'Église le considère ainsi, et si elle n'était pas conservée de manière immuable l'Église serait privée de tous ou presque tous ses biens. Quant au devoir de s'en tenir à une coutume qui ne s'oppose pas à la loi, l'autorité des saints Pères le montre d'abondance. En effet Augustin dit dans sa lettre au prêtre Casulanus : « Dans ces affaires sur lesquelles l'Écriture divine n'a rien décidé de certain, la coutume du peuple et les institutions des anciens doivent être tenues pour loi. » Et comme ceux qui s'écartent des lois divines, de même ceux qui méprisent les coutumes ecclésiastiques doivent être punis. Grégoire à tous les évêques de Numidie : « Nous, nous acceptons que demeure immuable la coutume qui est reconnue ne rien s'arroger contre la foi catholique. » Isidore au livre cinq , chapitre trois, des Étymologies : « La coutume est un usage approuvé par l'ancienneté, ou bien une loi non écrite. » Également : « La coutume est un certain droit institué par les anciens, qui est tenu pour loi quand la loi fait défaut. Qu'il s'appuie sur l'écrit ou sur la raison ne fait pas de différence. » Dans le huitième livre du Code, titre second : « L'autorité de la coutume ou d'une longue pratique n'est pas méprisable ; mais elle ne doit pas être d'une importance telle qu'elle l'emporte sur la raison ou sur la loi. »

    Votre prudence peut choisir de nombreux textes tirés des écrits authentiques, grâce auxquels elle pourra faire taire les aboiements des laïcs contre l'Église. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21122 (yves-de-chartres-184), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21122 (mise à jour : 21/09/2017).