« yves-de-chartres-231 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Pons, abbé de Cluny

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    après 1109 - avant 1116


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    [après 1109]

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Pontio, venerabili Cluniacensium abbati(1), in regimine sibi commisso placere summo rectori

    Quaesivit a parvitate mea prudens diligentia et diligens prudentia vestra quid mihi significare videatur calicis elevatio et ejusdem repositio, quid significant illae consignationes quae fiunt super calicem et intra et extra, quae praetermissa videntur in libello quem composui de convenientia veteris et novi sacerdotii(2). Quae ideo praetermissa mihi videntur(a) quia ad illam convenientiam de qua in opusculo illo agebatur parum aut nihil pertinere videbantur.

    Cum vero per se ista considerantur, mysticum aliquid continere videntur, praeter illas consignationes quae distincte ante istas in tribus locis frequentantur. In his enim specialiter intenditur ut illa dona, quae jam vocantur sacrificia, in Christi corpus et sanguinem commutentur vel commutata salutaria nobis efficiantur. Cum autem panis et calix adhibito diacono elevatur, exaltatio Christi corporis in cruce commemoratur ; quod vero cum hostia jam consecrata intra vel supra calicem signum crucis imprimitur, a latere calicis orientali usque ad occidentalem et a septentrionali usque ad australem, hoc figurari intelligimus quod ante passionem Dominus discipulis suis praedixit in commendationem suae passionis(3) : « Cum exaltatus fuero a terra, omnia traham ad me ipsum ». Hostia quoque, quae juxta calicem consignatur, sic debet esse posita ut sua et calicis positione dextrum Christi latus repraesentet, de quo manavit sanguis redemptionis et aqua baptismatis(4), quae utraque in calice contineri prudentia vestra non ignorat. At cum cooperante diacono calix deponitur et hostia in suo loco reponitur et corporali palla cooperitur, hoc commemoratur quod Joseph et Nicodemus, accepta licentia a Pilato, corpus Christi de cruce deposuerunt et venerabiliter sepulturae mandaverunt(5). Haec de iis(b) sentio, non respuens si quis de eis(c) altiora et secretiora(d) ex auctoritate vel divina inspiratione dicere valuerit.

    De monacho qui in ignem cadendi juveni causa fuit non voluntate, sed casu, non videtur mihi esse criminale quod fecit, testante beato Augustino et dicente(6) : « Peccatum adeo est voluntarium ut, si non sit voluntarium, constet non esse peccatum. » Unde si ad tempus monachus ille ab officio est suspensus vel ab aliqua promotione dilatus, congruum mihi videretur(e) ut et levitas ejus impunita non remaneret et exemplum a simili levitate cavendi consortibus fieret. Ex sola ergo prudentia vestra pendet ut, secundum qualitatem vitae et scientiae(f), aut eum omnino suspendatis aut in sacris eum ordinibus ministrare concedatis.

    De caetero, si monachi illius transgressionem qui se propter epilepsiam curandam eunuchizavit secundum rigorem canonum animadvertere vultis(7), nec ad altiorem gradum promoveri poterit, nec in eo in quo erat ordine ministrabit, quod, sicut bene nostis, ei non interdiceretur si esset sectus a medicis(8). Si enim secundum Nicaenos canones(9) illi ab ecclesiasticis officiis removentur qui se abscindunt(g) obtentu servandae castitatis, multo magis illi removendi sunt qui se eunuchizant causa curandae corporalis aegritudinis. Verum quia, sicut rigor commissus est rectoribus ad servandum pro necessitate locorum et temporum aut pro consideratione appetendorum commodorum aut vitandorum incommodorum, sic dispensationes eisdem permissae sunt quae Ecclesiae Dei non generent scandalum pro honestate personarum aut pro utilitate rerum publicarum(10). In quibus omnibus adhibenda est rectorum diligentia, ut nec nocitura concedant, nec profutura prohibeant. Sicut enim aegroti aliquando servatis legibus medicinae minime curantur, qui remissis competenter legibus sanarentur, ita in curandis morbis animarum considerandum est quibus prosit rigor disciplinae et quibus moderatio indulgentiae. In quibus omnibus summa consilii est, quam habemus a patre Augustino dicente in tractatu de disciplina ecclesiastica(11) : « Habe charitatem, et fac quidquid vis ; si parcis, parce cum charitate ; si corripis, corripe cum charitate. »

    Haec breviter ad proposita vestra pro intellectu meo respondi, quia, veniente ad nos portitore litterarum vestrarum, ego aliquantulum aegrotabam et portitor litterarum ad reditum festinabat. Vale.


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    om. éd.

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    his AM 

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    sacratiora AM 

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    videtur AM 

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    conscientiae M 

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    abscidunt AM.


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    Pons de Melgueil sucéda à Hugues en 1109. La lettre 127 de Geoffroy de Vendôme, que l'on peut dater de 1111, éd. citée, p. 254, lui est adressée. Partisan d'un renouveau à Cluny et dénoncé à Rome par les conservateurs, il fut contraint par Calixte II à se démettre de sa charge en 1122. Il tenta en 1126 de reprendre le siège abbatial et échoua ; il fut remplacé par Hugues de Martigny, qui mourut trois ou cinq mois après son élection, puis par Pierre le Vénérable. G. Tellenbach, « La chute de l'abbé Pons de Cluny et sa signification historique », dans Annales du Midi, t. 76, 1964, p. 355-362. H.E.J. Cowdrey, « Two studies in Cluniac history 1049-1126 », dans Studi gregoriani, t. 11, 1978, p. 5-298. P. Zerbi, « Intorno allo scisma di Ponzio, abate di Cluny (1122-1126)  », dans Studi storici in onore di Ottorino Bertolini, Pise, 1972, p. 835-891. A.H. Bredero, Cluny et Citeaux au douzième siècle, Amsterdam, 1985, p. 40 et sq., pense que le désordre qui se fit jour sous l'abbatiat de Pons était la conséquence de la politique de son prédécesseur.

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    Il s'agit très certainement de l'opuscule édité sous le nom de sermon 5, ou Opusculum de convenientia veteris et novi sacrificii,PL 162, col. 535-562. Après avoir relevé les nombreux passages de l'Ancien Testament annonçant la venue du Christ, Yves passe en revue les différentes parties de la messe pour expliquer la signification des gestes. Ceux de la consécration sont commentés col. 553-559. Les questions posées par Pons ne sont effectivement pas évoquées sauf, brièvement, le signe de croix sur le calice, col. 556.

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    Joh. 12, 32.

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    Joh. 19, 34.

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    Joh. 19, 38-40.

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    De vera religione, cap. 14, § 27, CCSL 32, p. 204, Nunc vero usque adeo peccatum voluntarium est malum, ut nullo modo sit peccatum, si non sit voluntarium. L'idée est reprise dans les Retractationes, PL 32, livre 1, cap. 13, § 5. Le texte n'est pas dans le Décret d'Yves.

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    D'après les Canons des apôtres, c. 22, 23 (Gratien, D. 55, 4), cet acte est assimilé à un homicide.

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    Le concile de Nicée, voir note suivante, admet que le clerc qui a été castré par des médecins pour des raisons médicales ou mutilé par des barbares demeure clerc. Les décrets de Martin de Braga, c. 215, reprennent la distinction entre l'homme sain et l'homme malade, Yves, Décret 6, 374 (Gratien, D. 55, 9). La question de Pons vient de ce que la situation de son clerc, qui est malade mais qui a agi de lui-même, n'est pas prévue.

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    Concile de Nicée, c. 1, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 258. Yves, Coll. Trip. A II, 1, 1(Gratien, 55, 7).

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    Voir lettres 144, 171.

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    Citation libre d'Augustin, Commentaire de la première épître de saint Jean, traité 7, 8, Sources chrétiennes, 75, p. 328-329. Dans Prologue, § 4, éd. citée, p. 66-67, le texte est cité sous la même forme que dans cette lettre, avec seulement l'inversion de si corripis et si parcis. La phrase y annonçant la citation est : Augustinus de disciplina ecclesiastica tractans, ce qui est plus exact, car il ne s'agit pas d'un tractatus.


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    a. Avranches, BM 243, 119v-120


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 83v-84



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Pons, vénérable abbé de Cluny, plaire au très haut gouverneur dans le gouvernement qui lui a été confié.

    Votre prudente diligence et votre diligente prudence ont demandé à ma petitesse ce que me paraît signifier l'élévation du calice et sa déposition, ce que signifient ces signes de croix qui se font sur le calice à l'intérieur comme à l'extérieur, sujets qui paraissent avoir été omis dans le libelle que j'ai composé sur la concordance entre l'ancien et le nouveau sacerdoce. J'avais jugé bon de les omettre parce qu'ils me paraissaient concerner peu ou nullement cette concordance dont il était question dans cet opuscule.

    Mais quand on considère ces actions en elles-mêmes, on voit qu'elles contiennent quelque chose de mystique, outre ces signes de croix qui sont répétés séparément avant elles en trois endroits. Car en ceux-ci on donne spécialement à entendre que ces dons, qui sont déjà appelés sacrifices, sont changés en corps et sang du Christ et même que, changés, ils deviennent pour nous salutaires. Or quand le pain et le calice sont élevés avec l'aide du diacre, on rappelle l'exaltation du corps du Christ sur la croix ; mais quand, avec l'hostie déjà consacrée, le signe de croix est imprimé à l'intérieur et au-dessus du calice, du côté oriental du calice jusqu'au côté occidental et du septentrional à l'austral, nous comprenons qu'est figuré le fait qu'avant sa passion le Seigneur a dit à ses disciples en manifestation de sa passion : « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai toute chose à moi-même. » L'hostie aussi, qui est marquée du signe de la croix près du calice, doit être placée de sorte que par sa position et celle du calice elle figure le côté droit du Christ, d'où coulèrent le sang de la rédemption et l'eau du baptême, qui, votre prudence ne l'ignore pas, sont contenus l'un et l'autre dans le calice. Mais quand avec l'aide du diacre le calice est déposé et l'hostie remise à sa place et couverte du linge corporal, on rappelle par là que Joseph et Nicodème, en ayant reçu la permission de Pilate, descendirent le corps du Christ de la croix et le confièrent avec vénération à la sépulture. Voici ce que je pense sur ces points, ne rejetant pas que quelqu'un puisse dire sur le sujet des choses plus élevées et plus profondes [sacrées] dictées par l'autorité ou l'inspiration divine.

    En ce qui concerne le moine qui a été cause de la chute d'un jeune homme dans le feu non par sa volonté mais par accident, il ne me semble pas que ce qu'il a fait soit criminel, comme en témoigne le bienheureux Augustin quand il dit : « Le péché est tellement l'œuvre de la volonté que, s'il n'y a pas volonté, il est évident qu'il n'y a pas de péché. » Par conséquent si ce moine a été un moment suspendu de son office ou retardé dans une quelconque promotion, il me semblerait convenable que sa légèreté ne demeurât pas impunie et qu'il fût pour ses confrères un exemple invitant à se garder de semblable légèreté. Il dépend donc de votre seule prudence que, selon la qualité de sa vie et de sa [con]science, ou vous le suspendiez tout à fait ou vous lui permettiez d'exercer son ministère dans les ordres sacrés.

    Pour l'autre affaire, si vous voulez châtier selon la rigueur des canons la transgression de ce moine qui s'est castré pour se guérir de l'épilepsie, il ne pourra être promu à un plus haut grade et il n'exercera plus son ministère dans l'ordre où il était, ce qui, comme vous le savez bien, ne lui aurait pas était interdit s'il avait été amputé par des médecins. Car si, selon les canons de Nicée, sont écartés des offices ecclésiastiques ceux qui se mutilent dans l'intention de conserver leur chasteté, combien plus doivent être écartés ceux qui se castrent pour soigner une maladie corporelle. Mais parce que, de même que la rigueur a été confiée aux dirigeants pour qu'ils l'observent selon la nécessité des lieux et des moments, ou en considération d'avantages à obtenir ou d'inconvénients à éviter, ainsi leur ont été permises, en fonction de l'honnêteté des personnes ou de l'utilité des affaires publiques, des dispenses qui ne génèrent pas de scandale pour l'Église de Dieu. Dans tout ceci, la diligence des dirigeants doit être employée de sorte qu'ils n'accordent pas ce qui peut nuire et qu'ils n'empêchent pas ce qui peut être utile. Car de même que parfois ne sont nullement soignés par l'observation des lois de la médecine des malades qui seraient guéris par un allégement approprié de ces lois, de même pour soigner les maladies des âmes il faut considérer à qui est utile la rigueur de la discipline et à qui la modération de l'indulgence. Sur tout ceci voici l'essentiel du conseil, que nous tenons de notre père Augustin qui dit dans le traité de la discipline ecclésiastique : « Aie la charité et fais ce que tu veux ; si tu épargnes, épargne avec charité ; si tu punis, punis avec charité. »

    J'ai brièvement répondu ceci à vos propos, selon mon point de vue, parce qu'au moment où arrivait auprès de nous le porteur de votre lettre j'étais moi-même un peu malade et le porteur de la lettre était pressé de repartir. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21169 (yves-de-chartres-231), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21169 (mise à jour : 21/09/2017).