Général
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Yves, évêque de Chartres
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Richard, évêque d'Albano
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circa 1107
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[1107]
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Lettre
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Richardo, Dei gratia Albanensium episcopo(1), Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, salutem et debitum Romanae Ecclesiae servitium.
Intelligens in vobis pro gratia divinitus collata fervere zelum justitiae, veritatem quam novi de causa Vigeliacensis et Belvacensis monasterii Sancti Luciani(2) sollicitudini vestrae intimare curavi. Buglensis ecclesia(3), de qua nunc controversia est inter praedicta monasteria, olim fuit juris monasterii Sancti Luciani. Sed, cum Normannorum persecutio(4) monasteria Belvacensis territorii devastasset et in solitudinem redegisset, bona monasteriorum propter defensionem terrae ex magna parte in usus laicorum distracta sunt. Antequam autem illa vastitas plene reformari potuisset, in Buglensi ecclesia quidam canonici ordinati fuerunt. Et ita per successiones usque ad tempora Guidonis(a), Belvacensis episcopi(5), et Hugonis, Buglensis comitis(6), canonici canonicis successerunt.
Hugo autem comes, habito consilio cum Guidone episcopo, praedictam ecclesiam Sancto Luciano reddidit(7), sibi et praedecessoribus suis indulgentiam postulans qui eam injuste detinuerant. Sed abbas praedicti monasterii Sancti Luciani, contradicentibus clericis praedictae ecclesiae, pro sua simplicitate distulit aliquanto tempore monachos suos ibi ordinare, exspectans ut cum pace clericorum posset omnia transigere. Et quia praedictus comes, posthabito discretionis moderamine, monachos quomodocumque(b) festinabat intrudere, Vigeliacenses monachos, qui ibi prope habebant cellam unam(8), vocari fecit et eis, reclamantibus clericis et monachis Sancti Luciani, absque consensu episcopi, ecclesiam quae jam sua non erat, concessit. Postea vero, ductus poenitentia cum a multis argueretur, eamdem ecclesiam beato Luciano reddidit. Sed quia monachi Sancti Luciani rem quamvis suam absque judicibus ab invasoribus acceperunt, in concilio Exolidunensi(9) adjudicata est Vigeliacensibus sola vestitura, usque ad tempus legitimae discussionis. Neque ulla finitiva sententia ibi data est quae monachis Sancti Luciani suam justitiam auferret et monachis Vigeliacensibus praedictam ecclesiam perpetuo habendam adjudicaret. Hujus negotii ordinem, utpote Belvacensis, ita processisse cognovi et qui in Exolidunensi concilio huic discussioni interfui haec, si praesens essem, vera esse probare possem. Et ideo ea vobis scripsi ut, cognita veritate, melius sciatis cui parti aurem inclinare securius audeatis(10). Valete.
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Widonis MT
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quocumque modo M.
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Voir lettres 109, 127, 133, 141, 144 pour sa première légation. Il accompagna fin 1106 et début 1107 Pascal II dans son voyage en France et il y resta jusqu'en 1111. Th. Schieffer,
Die päpstlichen Legaten in Frankreich, p. 178-184. A. Fliche,La réforme grégorienne, Histoire d el'Église, t. 8, p. 404-405. Entre 1107/1108 et 1110, il présida plusieurs conciles, O. Pontal, p. 253-255.
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Abbaye Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, arr. Avallon, Yonne. Après le meurtre de l'abbé Artaud en 1106, l'abbé est Renaud de Semur, 1106-1125, qui devint archevêque de Lyon de 1125 à sa mort en 1128.
Monumenta Vizeliacensia, R.B.C. Huygens éd.,CCCM42. A.-A. Cherest,Vézelay, Ėtude historique, p. 143-147.GC9, 778-779.Claire Fons, L'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais. Etudes historique et archéologique, Thèse Ecole des chartes, Paris, 1975. Les abbés étaient Thibaud en 1075, au moment de la restitution de l'église de Bulles et, à l'époque de la lettre d'Yves, c'estGiroldusouGerardus, 1100-1126.
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Bulles, cant. et arr. Clermont, Oise, à l'est de Beauvais. D'après P. Louvet,
Histoire et antiquités du Beauvaisis, 1631, t. 1, p. 632-633, c'est une donation de Childebert. C'est un faux forgé par les moines qui en attribuent la donation à Chilpéric, F. Vercauteren, « Étude critique d'un diplôme attribué à Chilpéric Ier»,Revue belge de philologie et d'histoire, t. 7, 1928, p. 83-112, cité par O. Guyotjeannin,Episcopus et comes, p. 71, n. 17.
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Il s'agit des invasions normandes du IX
esiècle.
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Guy, ancien doyen de Saint-Quentin-en-Vermandois, puis archidiacre de Laon, devint évêque de Beauvais en 1063/64. Parmi ses nombreuses fondations, on retient en 1069 celle de Saint-Quentin de Beauvais, où il installa Yves comme
praefectus. Il favorisa aussi les restitutions d'églises, comme celle de Bulles dont il est question ici. Néanmoins accusé de simonie il quitta son poste et se retira à Cluny en 1085. O. Guyotjeannin,op. cit., p. 70-72.
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Hugues I
er, seigneur de Bulles et de Dammartin (Dammartin-en-Goëlle, cant., arr. de Meaux, Seine-et-Marne) restitua en 1075 à Saint-Lucien de Beauvais les églises de Bulles, P. Louvet,Histoire du Beauvoisis,I, 630-634. Les chanoines qui les occupaient protestèrent au concile d'Issoudun en 1081, d'Achery,Spicilegium,III, 128. Parti en Terre-Sainte, Hugues y fut fait prisonnier, et sa rançon ayant été fournie par les Bénédictins du Bois-Saint-Michel, dépendant de Vézelay, il fonda à son retour le prieuré de St-Leu d'Esserent où il mourut le 13 septembre 1105 ou 1106. Hugues II, qui est comte au moment de la lettre, lui succéda jusqu'en 1111.Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs, monastère parisien, éd. J. Depoin, t. 1, Ligugé-Paris, 1912, acte 40 (1089-1090), n. 10.
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Charte de restitution de 1075, éditée par J.-B. Souchet,
PL162, col. 480. Voir aussi O. Guyotjeannin,op. cit., p. 103-104. On a ici un exemple de l'application du mouvement de restitution des églises ordonné par la réforme, mais avec les problèmes qui pouvaient en découler !
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Il n'est pas fait mention dans le Cartulaire de Vézelay de
cellasituée en ce lieu.
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Concile d'Issoudun, 18 mars 1081, O. Pontal,
Les conciles, p. 185. Le concile est aussi cité lettre 268.
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Vézelay garda l'église de Bulles, d'après L. Merlet. Il n'y a pas de trace de cette conclusion dans les Monumenta Vizeliacensia ; Bulles n'apparaît que dans l'étude de A.-A. Chérest citée supra.
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a. Avranches, BM 243, 96rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 67rv
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T. Troyes, BM 1924, 27rv
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À Richard, par la grâce de Dieu évêque d'Albano, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, salut et service dû à l'Église romaine.
Reconnaissant qu'en vous bouillonne le zèle de la justice en raison de la grâce qui vous a été accordée par Dieu, j'ai pris soin de communiquer à votre sollicitude la vérité que je connais concernant la cause des monastères de Vézelay et de Saint-Lucien de Beauvais. L'église de Bulles, sur laquelle porte maintenant la contestation entre les monastères susdits, fut autrefois de la juridiction du monastère de Saint-Lucien. Mais, comme la persécution des Normands avait ravagé les monastères du territoire de Beauvais et les avait fait retourner en déserts, les biens des monastères furent, pour la défense de la terre, en grande partie détournés à l'usage des laïcs. Or avant que cette dévastation ne puisse être complètement réparée, des chanoines furent ordonnés dans l'église de Bulles. Et ainsi régulièrement jusqu'à l'époque de Guy, évêque de Beauvais, et d'Hugues, comte de Bulles, des chanoines succédèrent aux chanoines.
Or le comte Hugues, ayant tenu conseil avec l'évêque Guy, rendit ladite église à Saint-Lucien, implorant le pardon pour lui et pour ses prédécesseurs qui l'avaient détenue injustement. Mais l'abbé dudit monastère de Saint-Lucien, comme les clercs de ladite église s'y opposaient, différa quelque temps, par bonté, d'y installer ses moines, attendant de pouvoir tout régler en faisant la paix avec les clercs. Et parce que ledit comte, passant outre cette conduite circonspecte, était pressé d'introduire des moines de n'importe quelle manière, il fit venir des moines de Vézelay, qui avaient auprès de là une cella et il leur concéda, malgré les réclamations des clercs et des moines de Saint-Lucien et sans le consentement de l'évêque, l'église qui n'était déjà plus à lui. Mais ensuite, amené à se repentir parce qu'il avait été critiqué par beaucoup, il rendit cette même église à Saint-Lucien. Mais parce que les moines de Saint-Lucien reçurent ce bien de leurs usurpateurs sans jugement, quoique ce fût le leur, ce bien fut au concile d'Issoudun attribué aux moines de Vézelay par la seule investiture, jusqu'au moment d'une enquête légitime. Et aucune sentence définitive n'y fut donnée qui enlevât aux moines de Saint-Lucien leur propre droit ou qui attribuât aux moines de Vézelay de tenir ladite église perpétuellement. Comme clerc de Beauvais, je sais que l'affaire s'est déroulée ainsi et moi, qui ai participé à cette discussion au concile d'Issoudun, je pourrais prouver, si j'étais présent, que cela est vrai. Et la raison pour laquelle je vous l'ai écrit, c'est pour qu'une fois la vérité connue vous sachiez mieux à quel parti oser prêter plus sûrement l'oreille. Adieu.