« yves-de-chartres-180 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Léger, archevêque de Bourges

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    circa 1108


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    [1108]

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    Lettre

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    Leodegario, Dei gratia Bituricensium(a) archiepiscopo(1), Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et servitium.

    Placet admodum parvitati nostrae quod audivimus vos rigorem justitiae inreflexo(b) tramite(2) velle custodire. Sed, cum in pectore sacerdotis rationale affixum esse debeat et connexum superhumerali(3), condecens est ut rector sic moderationem justitiae teneat quatenus nec immoderatus rigor corrigendos desperatione misericordiae in profundum malorum dejiciat, vel(c) indiscreta misericordia arrogantiam augeat(4). Quod ideo suggero sanctitati vestrae quia audivi quosdam parrochianos vestros submurmurantes vos ita esse obligatum cum quibusdam parrochianis vestris ut nisi eorum consensu justitiam intendere vel remittere non valeatis(d) ; unde nuper contigit, ut audivimus, dura eorum obstinatione causam Arnulfi(e) Virsionensis(5) in curia vestra ita esse exasperatam ut in eadem causa facto judicio sedes apostolica sit appellata et finitiva ejusdem causae sententia usque ad apostolicam audientiam sit dilata. Quod quanta sit vexatio, quanta rerum expensa, quam incertus negotiorum exitus, tam experimento in vestris negotiis didicistis quam ex aliorum causis audistis.

    Consilium ergo quod per quosdam pacis amatores didici necessarium vobis scribere existimavi(f), videlicet ut per Radulfum Balgiacensem(6) aliquanto prolixas inducias detis praetaxato Arnulfo, non de minoranda justitia ecclesiastica, sed tantummodo de non ducenda super eum communia(7). Interim enim(g), sicut dixit praetaxatus Radulfus, eo mediante inter Arnulfum et ejus adversarios pax reformabitur, et justitia in nullo periclitabitur, et appellatio quae in curia vestra facta est sine vestra vel vestrorum vexatione ad nihilum redigetur. Vos itaque quod dico prudenti deliberatione pensate et, si vera sunt quae dicuntur, si meliora vobis non occurrunt, vos ipse(h) probate quia, suadente charitate, salva justitia placeret mihi pax vestra. Valete.


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    Bituricensi éd.

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    inflexo éd.

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    aut AAuT 

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    audeatis A 

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    Ranulfi A 

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    aestimavi TAu 

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    autem éd. Ju, namque TAu 

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    ipsum Au, ipsi éd.


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    Voir lettre 152.

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    Métaphore courante chez les Pères, ex. ne de justitiae tramite devians cadat, Grégoire, Moralia in Job, 20, 4, 11, en droit canonique, ex. ne a recto tramite inveniaris deviare, Zacharias, ep. ad Theodorum. Yves, Décret 1, 307 ; Panormie 6, 128. Rapprocher de tramite legum, lettre 169.

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    Ex. 28, 26-30. Les écrivains ecclésiastiques sont très nombreux à avoir utilisé ce texte aux significations symboliques multiples par exemple, potestatem et regnum, d'après Isidore de Séville, Quaestiones in vetus testamentum PL 83, col. 319, virtutem, ibid. col. 320.

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    Sur l'équilibre entre rigueur et indulgence, voir lettres 114, 161.

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    Vierzon, cant., arr., Cher. Arnoul II, seigneur de Vierzon. G. Devailly, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe , Paris, 1973, p. 357, 490. L'auteur date cette affaire de 1108.

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    Raoul est le fils de Lancelin II (voir lettre 172), époux de Mahaud de Vermandois, nièce de Philippe Ier. Suger, Vie de Louis VI le Gros, p. 147-149. La lettre 59 de Geoffroy de Vendôme, en 1104-1105, lui est adressée, éd. citée, p. 104-107. Voir aussi lettres 247, 248.

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    L'institution de la « trêve et commune », milice de chevaliers chargés de protéger les ecclésiastiques, les pauvres, les orphelins, en un mot les inermes, remonte au milieu du XIe siècle et cette milice de paix reparaît au début du XIIe siècle sous le nom de communia, G. Devailly, op. cit., p. 489-491.


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    a. Avranches, BM 243, 95v-96


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 67


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    T. Troyes, BM 1924, 107v


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    Au. Auxerre, BM 69, 71v-72


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    Ju. PL CLXII, col. 11-504, d'après Fr. Juret, Ivonis, Carnotensis episcopi, epistolae, 1585,



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    À Léger, par la grâce de Dieu archevêque des Bituriges, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, salut et service.

    Notre petitesse est pleinement satisfaite parce que nous avons appris que vous vouliez conserver la rigueur de la justice sur un chemin courbe. Mais comme le rational doit être fixé sur la poitrine du prêtre et attaché à l'huméral, il convient que celui qui dirige conserve la modération de la justice, pour qu'une rigueur démesurée ne jette pas ceux qui doivent être corrigés dans l'abîme des maux en les faisant désespérer de la miséricorde, ou pour qu'une miséricorde sans discernement n'augmente pas leur arrogance. La raison pour laquelle je représente ce point à votre sainteté est que j'ai entendu certains de vos paroissiens murmurer que vous étiez lié avec certains de vos paroissiens au point de ne pouvoir exercer la justice ou la remettre sans leur consentement ; aussi est-il arrivé récemment, avons-nous appris, que par leur opiniâtreté endurcie la cause d'Arnoul de Vierzon s'est tellement envenimée en votre cour qu'une fois le jugement rendu dans cette même cause il a fait appel au siège apostolique et que la sentence définitive de cette cause a été renvoyée devant l'audience apostolique. Quelle est l'importance de la vexation, quelle est celle des dépenses, combien incertaine est l'issue de ces affaires, vous l'avez autant appris par l'expérience dans vos affaires que vous l'avez entendu rapporter d'après les causes d'autrui.

    J'ai donc jugé nécessaire de vous transmettre ce conseil que j'ai appris de certains amis de la paix : accordez, par l'intermédiaire de Raoul de Beaugency, des délais un peu plus étendus audit Arnoul, non pas pour amoindrir la justice ecclésiastique mais seulement pour ne pas attirer sur lui les lois communes. Car entre temps, comme l'a dit ledit Raoul, la paix sera par sa médiation rétablie entre Arnoul et ses adversaires, la justice ne sera en rien compromise et l'appel qui a été fait en votre cour sera réduit à néant sans dommage pour vous ou pour les vôtres. C'est pourquoi quant à vous, pesez dans une prudente délibération ce que je vous dis et, si ce qu'on dit est vrai, si de meilleures solutions ne vous viennent pas à l'esprit, agréez-le vous-même, parce que, persuadé par la charité, je voudrais qu'une fois la justice sauve vous soyez en paix. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21118 (yves-de-chartres-180), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21118 (mise à jour : 21/09/2017).