Général
-
Yves, évêque de Chartres
-
Daimbert, archevêque de Sens
-
après 1090 - avant 1116
-
n.c.
-
Lettre
-
Daimberto, Dei gratia Senonensium archiepiscopo, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, delectabiles exitus matutini et vesperae(1).
Sicut ex litteris vestris accepimus, undique sunt vobis angustiae quia, si raptores et sacrorum dierum violatores juste a vobis a communione separatos sine satisfactione in communionem recipitis, offenditis legem ; si in separatione eorum ab Ecclesia, sicut dignum est, perseveratis, offenditis regem(2). Qua in re, si adesset nobis spiritus fortitudinis sicut adest(a) spiritus consilii, severitatem disciplinae servandam esse censeremus(3). Sed, quia in hoc rigore gravium dissentionum periculum imminere sentitis, rem dispensatione(4) egere intelligimus. Et ideo non consilium nostrum, sed sanctorum Patrum ante oculos ponimus. Dicit enim Cyrillus episcopus ad Gennadium presbyterum et archimandritam(5) : « Dispensationes(b) rerum nonnumquam cogunt parum quid a debito quosdam foras exire, ut majus aliquid lucri faciant. Sicut enim hi qui mare navigant, tempestate urgente navique periclitante, quaedam exonerant ut caetera salva permaneant, ita et nos, cum non habemus salvandorum omnium negotiorum penitus certitudinem, despicimus ex his quaedam, ne cunctorum patiamur dispendia. » Unde et Augustinus in epistola ad Marcellinum(6) : « Soleo audire in potestate esse judicis mollire sententiam et mitius vindicare(c) quam leges. » Idem secundo(d) libro contra epistolam Parmeniani(7) : « Cum quisque fratrum et Christianorum in Ecclesiae societate constiturorum in aliquo tali peccato fuerit deprehensus ut anathemate dignus habeatur, fiat hoc ubi periculum schismatis nullum est. » Item(8) : « Quando cujusque crimen notum est et omnibus exsecrabile apparet ut vel nullos prorsus, vel non tales habeat defensores per quos possit schisma(9) contingere, non dormiat severitas disciplinae. »
Et quia dispensationes rerum temporalium regibus attributae sunt et basilei, id est fundamentum populi et caput(10), existunt, si aliquando potestate sibi concessa abutuntur(11), non sunt a nobis graviter exasperandi, sed ubi sacerdotum admonitionibus non acquieverint divino judicio sunt reservandi(12), ubi tanto districtius sunt puniendi quanto minus fuerint divinis admonitionibus obnoxii. Unde etiam(e) habetur in libro Capitulorum regalium auctoritate episcoporum constitutorum(13) : « Si quos culpatorum regia potestas aut in gratiam benignitatis receperit(f), aut mensae suae participes effecerit, hos etiam(g) sacerdotum et populorum conventus suscipere in ecclesiastica communione debebit, ut quod principalis pietas(h) recipit nec a sacerdotibus Dei extraneum habeatur. »
Ego itaque de mea infirmitate paternitati vestrae profiteor quia, si aliqua dispensatione faciente cogerer aliquem impoenitentem ad reconciliationem admittere, patenter dicerem ei : « Nolo te fallere, introitum hujus visibilis Ecclesiae cum tuo periculo te habere permitto, sed januam regni coelestis tali reconciliatione tibi aperire non valeo. Et ideo in tantum te absolvo quantum tua expetit accusatio et ad nos pertinet remissio. » Dicent forsitan fortiores fortiora(14), meliores meliora ; ergo pro mediocritate mea sic sentio, non legem in talibus praescribens, sed propter vitanda majora pericula Ecclesiae necessitati temporum, si commodius fieri non potest, cedendum esse intelligens(15). Valete.
-
om. V
-
dispensatores V
-
judicare AMVT
-
tertio éd.
-
acceperit V
-
et éd.
-
potestas V.
-
.om. éd.
-
D'après Ps. 64, 9.
-
Même dilemme lettre 137.
-
Is. 11, 2.
-
Sur le double sens de
dispensatio, voir l'introduction de J. Werckmeister auPrologued'Yves, p. 36.
-
Cyrille d'Alexandrie, lettre 56,
PG77, col. 319. Yves,Prologue, § 35, éd. citée, p. 101. Voir Yves lettres 144, 189 et 214.
-
Augustin, lettre 139 à Marcellin, § 2,
PL33, col. 536. Yves,Décret10, 2 ;Prologue, § 29, éd. citée, p. 93. Voir aussi Yves lettre 236.
-
Augustin,
Contra epistulam Parmeniani, livre 3, c. 2. Yves,Décret2, 97 ;Prologue, § 24, éd. citée, p. 89. Les manuscrits consultés portentsecundoet leProloguel'attribue aussi au deuxième livre et non au troisième.
-
Ibid.. Yves,Décret2, 97 ;Prologue, § 25, éd. citée, p. 89-90.
-
Nombre de textes patristiques et canoniques traduisent la peur du schisme et rappellent qu'il faut tout faire pour l'éviter. Voir l'introduction de J. Werckmeister au
Prologued'Yves, p. 34.
-
Yves part de l'étymologie supposée de
basileus(basis, base, fondement) et traduit parfundamentum populiCaput populiest une expression fréquente chez les Pères, appliquée au Christ ou aux rois.
-
Qui permissa sibi abutitur potestate, Simplicius,ep. ad Johannem Ravennati episcopum, 482, c. 1. Yves,Décret5, 140 (Gratien, D. 74, 7 et 11, 3, 63).
-
Voir lettre 96.
-
Douzième concile de Tolède, c. 3,
Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 414-415. Yves,Décret16, 344, avec référence auxCapitulaires, c. 383. Texte déjà cité à la fin de la lettre 62.
-
Noter les allitérations.
-
Cette fin de lettre contient encore plusieurs termes empruntés au
Prologue.
-
a. Avranches, BM 243, 92rv
-
M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 64rv
-
V. Vatican, Reg. Lat. 147, 19rv
-
T. Troyes, BM 1924, 24v-25
-
À Daimbert, par la grâce de Dieu archevêque des Sénonais, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, issues agréables le matin et le soir.
Comme nous l'avons appris par votre lettre, vous avez des difficultés de tous côtés parce que, si vous recevez dans la communion sans qu'ils aient fait satisfaction les usurpateurs et les violateurs des jours saints que vous avez justement écartés de la communion, vous offensez la loi ; si vous persévérez dans leur séparation d'avec l'Église, comme il est digne, vous offensez le roi. Dans cette affaire, si nous avions l'esprit de courage comme nous avons l'esprit de conseil, nous jugerions qu'il faut conserver la sévérité de la discipline. Mais, parce que dans cette rigueur vous sentez que menace le danger de graves dissensions, nous comprenons que l'affaire mérite ménagement. Et c'est pourquoi nous plaçons sous vos yeux non pas notre conseil mais celui des saints Pères. En effet l'évêque Cyrille dit à Gennade, prêtre et archimandrite : « La disposition des affaires en pousse parfois certains à s'écarter un peu de ce qu'ils devraient, pour faire quelque chose de plus avantageux. En effet, de même que ceux qui naviguent en pleine mer, si la tempête menace et si le navire est en péril, se débarrassent de certaines choses pour conserver le reste sauf, de même nous aussi, quand nous n'avons pas la certitude de sauver toutes les affaires, nous sacrifions certaines d'entre elles de peur de subir la perte de toutes. » Augustin également écrit dans la lettre à Marcellin : « J'ai coutume d'entendre dire qu'il est du pouvoir du juge d'adoucir la sentence et de punir avec plus d'indulgence que les lois. » Le même dans le deuxième livre contre la lettre de Parmenianum : « Lorsque l'un des frères et des chrétiens établis dans la société de l'Église aura été pris dans un péché tel qu'il paraît digne de l'anathème, que cela se fasse quand il n'y a aucun danger de schisme. » Et aussi : « Lorsque le crime de quelqu'un est notoire et apparaît à tous exécrable au point qu'il n'ait absolument aucun défenseur ou qu'il n'en ait pas qui puissent provoquer un schisme, que la rigueur de la discipline ne dorme pas. »
Et parce que la disposition des choses temporelles est attribuée aux rois et qu'ils sont les basilei, c'est-à-dire le fondement et la tête du peuple, si parfois ils abusent du pouvoir qui leur a été concédé, nous ne devons pas les accabler lourdement, mais quand ils ne se rendent pas aux admonitions des prêtres il faut les réserver au jugement divin, où ils doivent être punis d'autant plus sévèrement qu'ils auront été moins dociles aux admonitions divines. Aussi est-il dit dans le livre des Capitulaires royaux institués selon l'autorité des évêques : « Si le pouvoir royal ou bien a reçu dans la grâce de sa bienveillance ou bien a accueilli à sa table certains des coupables, l'assemblée des prêtres et des peuples devra les recevoir dans la communion ecclésiastique, pour que ce que la piété du prince reçoit ne soit pas tenu pour étranger par les prêtres de Dieu. »
C'est pourquoi pour ma part dans ma faiblesse j'avoue à votre paternité que si, du fait de certain ménagement, j'étais contraint d'admettre à la réconciliation quelque impénitent, je lui dirais ouvertement : « Je ne veux pas te tromper, je te permets d'avoir entrée dans cette église visible à tes risques et périls, mais je ne peux t'ouvrir la porte du royaume céleste avec une telle réconcialiation. Et ainsi je t'absous seulement dans la mesure où ton aveu le réclame et où la rémission dépend de nous. » De plus courageux diront peut-être des mots plus courageux, de meilleurs des mots meilleurs ; je pense donc ainsi selon ma médiocrité, ne prescrivant pas la loi sur de tels sujets, mais croyant que, pour éviter de plus grands périls à l'Église, il faut céder à la nécessité des temps, si on ne peut agir plus de manière plus appropriée. Adieu.