« yves-de-chartres-35 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Richer 2, archevêque de Sens

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    circa 1094/09


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    [septembre 1094]

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    Lettre

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    Richerio, Dei gratia sanctae matris Ecclesiae Senonensis archiepiscopo, Ivo, Ecclesiae Carnotensis servus, obedientiam secundum constitutiones Patrum, et caeteris episcopis in urbe Remensi congregatis(a)(1), fraternae dilectionis obsequium.

    Si divinae legis fuissetis memores, cujus debetis esse doctores atque tutores, non contra sanctorum Patrum instituta(b) me invitassetis ad concilium, praesertim cujus facinus ignoratis aut flagitium. Primo quia invitaverunt me quidam episcopi non comprovinciales mei, qui sine auctoritate apostolica mei judices esse non debent, cum peregrina judicia nullius esse momenti decretorum pariter et canonum generali sanctione decernat auctoritas(2). Secundo quia admonitione metropolitani mei protrahere nitimini causam meam extra provinciam, quod cum multis sanctionibus sanctorum Patrum(c) praecisum sit unam ex multis beati Stephani papae et martyris producam ad medium, quae tanquam gladius biceps utriusque intentionem reverberet, invitantis scilicet et accusantis. Dicit enim beatus papa(3) : « Ultra provinciae terminos accusandi licentia non progrediatur, sed omnis accusatio intra provinciam audiatur et a comprovincialibus terminetur, nisi ad apostolicam sedem fuerit tantum appellatum. » Et(4) : « Neganda est accusantibus licentia criminandi priusquam se crimine quo premuntur exuerint. » Postremo quia non de veritatis tramite, sed de odii fomite(5) mea procedit accusatio, apostolicam sedem appello(6), quod omnibus in crimine pulsatis apostolica concedit auctoritas, ut per se aut per vicarios suos, loco et tempore quod mihi praescripserit, causam meam discutiat et, cum peroratum fuerit, legitimam sententiam proferri praecipiat. Neque hoc bene mihi conscius(7) causa vitandi judicii facio, cum manifesta et brevis sit mea purgatio de crimine perjurii, qui nulli hodie viventium aliquando juramentum feci. Sed nolo exemplum esse caeteris recedendi ab ordine, neque sanum consilium est pro incerto commodo vel nullo certis periculis me opponere. Conductum enim a domino meo rege quaesivi nec habere potui.

    Quantum vero(d) ex intentatis minis intelligo, non liceret mihi in conventu vestro impune dicere veritatem, qui pro jam dicta veritate et apostolicae sedis obedientia tantam sentio jam severitatem ut perjurium arguar incurrisse et majestatem regiam minuisse. Quod, ut pace vestra dicam, rectius in eos retorqueri potest qui vulnus fomentis incurabile, tanquam pii medici, cauteriis competentibus dissimulant urere vel medicinali ferro praecidere. In qua sententia si mecum firmiter fuissetis, jam aegrotum nostrum ad sanitatem perduxissetis. Quod quamdiu differtis, videte si fidelitatem quam debetis pleniter(e) exhibetis, si officii vestri munus expletis. Faciat ergo dominus rex adversum parvitatem meam, quantum Deo permittente libuerit et licuerit, includat, excludat, proscribat ; inspirante Dei gratia et prosequente, decrevi pati pro lege Dei mei(8) nec ulla ratione cogente volo ei esse consentaneus in culpa, qui nolo esse consors in poena. Angelus magni consilii et spiritus fortitudinis sit vobiscum ut recta sapiatis et recta faciatis(9). Valete.


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    constitutis V 

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    instituta sanctorum patrum JV 

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    sanctorum patrum om. V 

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    autem J 

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    fideliter V.


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    Richer, voir lettre 2. Philippe Ier a convoqué le concile de Reims, 17 septembre 1094, pour faire accepter son mariage après la mort de sa femme Berthe. Y assistaient les évêques Renaud de Reims, Richer de Sens, Raoul de Tours, Geoffroy de Paris, Gautier de Meaux, Hugues de Soissons, Élinand de Laon, Radbod de Noyon, Gervin d'Amiens, Hugues de Senlis, O. Pontal, Les conciles, p. 222. Lambert d'Arras y fit sa profession le 21 septembre, Registre, éd. citée, G. 34, p. 158-161 ; Renaud de Reims en fait le compte rendu dans la lettre au comte de Flandre, G. 35.

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    Le peregrinum judicium est en effet condamné par de nombreux textes canoniques. Yves, Décret 5, 260 ; 6, 331, 347 ; Panormie 4, 33 (Gratien, 3, 6, 4, 12, 14, 18 ; 3, 9, 7). Voir lettres 75, 85, 184 où Yves donne des références précises.

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    Étienne, ep. 2, c. 10, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 185. Yves, Panormie 4, 33 (Gratien, 3, 6, 16).

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    Étienne, ep. 2, c. 11, ibid., p. 186. Yves, Décret 5, 274 ; Panormie 4, 67 (Gratien, 3, 11, 1).

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    Gen. 37, 8,odii fomitem.

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    L'appel au saint siège est la procédure courante, par exemple Fabien,Decreta c. 27 : Si quis vero episcopus judicem suspectum habuerit et gravari se viderit, libere sedem apostolicam appellet, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 185. Yves, Panormie 4, 120.

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    D'après I Cor. 4, 4.

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    Expression biblique, ex. Dan. 6, 5 ; I Cor. 9, 21.

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    Voir lettre 32.


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    a. Avranches, BM 243, 26rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 16v


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    J. Jesus College, Q.G.5, 12rv


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    V. Vatican, Reg. Lat. 147, 4v-5


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    T. Troyes, BM 1924, 47-48


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    Au. Auxerre, BM 69, 10v-11



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    À Richer, par la grâce de Dieu archevêque de la sainte mère l'Église de Sens, Yves, serviteur de l'Église de Chartres, obéissance selon les dispositions des Pères, et à tous les autres évêques réunis dans la ville de Reims, empressement d'une dilection fraternelle.

    Si vous vous étiez souvenus de la loi divine, dont vous devez être les docteurs et les défenseurs, vous ne m'auriez pas, à l'encontre les dispositions des saints Pères, invité au concile, surtout que vous ne connaissez de moi ni crime ni scandale. D'abord parce que m'ont invité certains évêques qui ne sont pas de ma province, qui ne doivent pas être mes juges sans autorité apostolique, puisque l'autorité des décrets ainsi que celle des canons décrètent par une décision générale que des jugements rendus par des étrangers ne sont d'aucune valeur. Deuxièmement parce que sur le conseil de mon métropolitain vous vous efforcez d'attirer ma cause hors de la province. Puisque cela a été retranché par de nombreuses décisions des saints Pères, j'en produirai une au grand jour, parmi beaucoup d'autres, du bienheureux Étienne pape et martyr, qui comme un glaive à double tranchant repousse l'intention de l'un et de l'autre, à savoir celui qui me cite et celui qui m'accuse. Le bienheureux pape dit en effet : « Que la possibilité d'accuser n'aille pas au-delà des limites de la province, mais que toute accusation soit entendue à l'intérieur de la province et soit réglée par les évêques de la province, à moins qu'il ne soit fait appel au siège apostolique. » Et : « Il faut refuser aux accusateurs la possibilité d'incriminer avant qu'ils ne soient lavés de l'accusation dont ils sont chargés. » Enfin, parce que mon accusation provient non du sentier de la vérité mais du foyer de la haine, j'en appelle au siège apostolique, ce que l'autorité apostolique accorde à tous ceux qui sont frappés d'accusation pour que, par elle-même ou par ses délégués, au lieu et au moment qui m'auront été prescrits, elle débatte de ma cause et, quand la plaidoierie aura eu lieu, ordonne que soit proférée la sentence légitime. Et en toute bonne conscience je n'agis pas ainsi pour éviter le jugement, puisque ma justification concernant le crime de parjure serait claire et rapide, moi qui n'ai jamais fait de serment à aucun des hommes actuellement vivants. Mais je ne veux pas donner aux autres l'exemple d'une dérobade à l'ordre et ce n'est pas non plus une saine décision que de m'exposer, pour un avantage incertain ou nul, à des périls certains. Car j'ai demandé à mon seigneur le roi un sauf-conduit et je n'ai pu l'avoir.

    Or, autant que je le comprends d'après les menaces qui me sont adressées, il ne me serait pas loisible de dire impunément la vérité dans votre assemblée, moi qui, pour avoir déjà dit la vérité et pour avoir obéi au siège apostolique, suis déjà victime d'une sévérité telle que je suis accusé d'avoir commis un parjure et d'avoir amoindri la majesté royale. Ce qui, pour le dire sauve votre paix, peut se retourner plus justement contre ceux qui, comme le feraient de pieux médecins, négligent de brûler avec les cautères adaptés ou d'inciser avec le fer médicinal une blessure qui ne peut se soigner avec des pansements. Si vous vous étiez tenus fermement avec moi dans cette résolution, vous auriez déjà ramené notre malade à la santé. Aussi longtemps que vous différez, voyez si vous témoignez pleinement la fidélité que vous devez, si vous remplissez la charge de votre office. Que le seigneur roi fasse donc contre ma petitesse autant qu'il lui sera loisible ou licite de le faire avec la permission de Dieu, qu'il emprisonne, exclue, proscrive ; la grâce de Dieu m'inspirant et me soutenant, j'ai décidé de souffrir pour la loi de mon Dieu et aucune raison ne me poussera à vouloir être d'accord dans la faute avec celui à qui je ne veux pas être associé dans le châtiment. Que l'ange du grand conseil et l'esprit de courage soient avec vous, pour que vous ayez le goût de ce qui est droit et fassiez ce qui est droit. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 20972 (yves-de-chartres-35), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/20972 (mise à jour : 21/09/2017).