Général
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Yves, évêque de Chartres
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Gautier, prévôt de Saint-Pierre de Lesterps
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circa 1098
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[1098]
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Lettre
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Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, Galterio(a), Stirpensis Ecclesiae praeposito(1), et pusillo gregi(2) sibi commisso, salutem et orationum suffragia.
Quantum intellexi ex litteris ex vestra parte mihi nuper oblatis, graviter fert vestra fraternitas quod Lemovicensis episcopus(3), in synodo agens, interdixit omnibus regularibus clericis et regimen parochiarum et confessionem poenitentium(4). Qui rectius quidem fecisset, si omnes sacerdotes ad regularem vitam invitasset, quam regulariter viventes a dominicarum ovium custodia penitus removisset, quibus tanto plus displicet aliena malitia, quanto longius discesserunt a sua. Haec tamen prohibitio, licet aliquo forsitan livore canonici ordinis facta esse videatur, quanto salubrior, tanto fraternitati vestrae debet esse acceptior. Vos enim eo per viam Dei expeditius inceditis, si alienorum criminum deprimentes fasciculos cum quotidianis vestrorum excessuum lapsibus non portetis.
Hoc vero interim ad inquisita respondeo quia clerici regulares ab hoc officio nec penitus sunt removendi, nec ad hoc officium indiscrete admovendi. Nam si penitus removentur, canonico ordini indigna fit injuria, cui tanto securius est credenda correctio vitae alienae, quanto majorem diligentiam adhibuit vitae suae corrigendae. Si vero indiscrete regularibus clericis hoc onus imponitur, in quibusdam ecclesiastica disciplina frangitur, et ipsi fratres, qui in claustris, tanquam in castris, contra tentationes fortiter stabant et vincebant, cum soli ad pugnam prodeunt in tentationibus facile superantur. Unde ait beatus Hieronymus(5) : « Remotio viri castitatis arma collocat, construit in melioribus castra pudoris. »
Si qui ergo sunt in collegio vestro viri prudentes et maturi et igne tentationum examinati quibus hoc onus imponi velitis, eos deducite ante praesentiam episcopi, ut ab eo curam(b) animarum suscipiant, sine cujus arbitrio, si meministis, secundum canonicas sanctiones(6), nec criminales poenitentias quilibet presbyter potest injungere nec, peracta poenitentia, poenitentes sacris altaribus reconciliare. Sic enim facientes, et episcopali reverentiae quod suum est deferetis, et canonicae institutionis nulla dispendia facietis, qui ideo canonici appellati estis quod canonicas regulas vos velle observare caeteris arctius devovistis.
Quod vero voluistis ut Lemovicensi episcopo aliqua super hoc negotio scriberem, interim ea de causa distuli, quia ille domnus ignotus est mihi(7) ; et opportunum tempus exspecto, ut de his et similibus quod ratio et auctoritas dictaverit inter nos viva voce disseramus. Vale.
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Gualtero M, Gauterio al.
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curas éd.
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Saint-Pierrre de Lesterps, abbaye d'Augustins, cant. Confolens-Sud, arr. Confolens, Charente, diocèse de Limoges. Le premier abbé en 1032 fut Gautier, mort en 1070, canonisé en 1073. Gautier à qui est adressée la lettre est prévôt depuis 1093. On ne sait pas la date de sa mort.
GCII, 620. L'église avait déjà fait l'objet d'une bénédiction en 1091 ; puis des travaux importants d'aggrandisement sont attribués à Rannulfe, abbé de 1110 à 1140, R. Crozet, dansCongrès archéologique de Charente, 1995, p. 1-17.
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Luc. 12, 32.
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Sans doute Guillaume d'Uriel, ancien prieur de Saint-Martial de Limoges, évêque de 1098 à 1100, plutôt que Umbaud, 1087-déposé en 1096.
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La lettre 213 traite du même sujet. Le concile de Nîmes de 1096, c. 2 et 3, permet aux moines prêtres d'accomplir l'office des clercs. Yves,
Décret7, 22 (Gratien, 16, 1, 24-25).
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Ps. Jérôme,
Ad Oceanum, de vita clerorum, lettre 42, c. 5,PL30, col. 289.
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3
econcile de Carthage, c. 32 :Ut presbyter inconsulto episcopo non reconciliet poenitentem, nisi, absentia episcopi, necessitate compellente.Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 299. Yves,Décret15, 4 et 84 (Gratien, 26, 6, 14).
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Cette remarque confirme qu'il s'agit du nouvel évêque, Guillaume.
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a. Avranches, BM 243, 45v-46
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 29v-30
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T. Troyes, BM 1924, 93rv
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Au. Auxerre, BM 69, 34-35
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Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, à Gautier, prévôt de l'Église de Lesterps, et au petit troupeau qui lui a été confié, salut et suffrages de ses prières.
Autant que je l'ai compris d'après la lettre qui m'a été récemment apportée de votre part, votre fraternité supporte difficilement que l'évêque de Limoges, agissant en synode, ait interdit à tous les clercs réguliers et le gouvernement des paroisses et la confession des pénitents. Il aurait assurément agi plus sagement s'il avait invité tous les prêtres à la vie régulière plutôt que d'écarter tout à fait de la garde des brebis du Seigneur ceux qui vivent selon la règle, à qui déplaît d'autant plus la méchanceté d'autrui qu'ils se sont écartés davantage de la leur. Cependant cette interdiction, bien qu'elle semble avoir peut-être été faite par quelque jalousie envers l'ordre canonial, doit être d'autant plus acceptée de votre fraternité qu'elle est plus salutaire. Car vous avancerez par la voie de Dieu bien plus facilement si vous ne portez pas, avec les chutes quotidiennes de vos propres écarts, les fardeaux accablants des crimes d'autrui.
Mais toutefois je réponds à vos questions que les clercs réguliers ne doivent pas être démis absolument de cet office ni être admis à cet office sans discernement. Car s'ils sont démis absolument, c'est une injure imméritée faite à l'ordre canonial, à qui on doit faire confiance pour la correction de la vie d'autrui avec d'autant plus d'assurance qu'il a montré une plus grande diligence à corriger la sienne. Mais si cette charge est imposée sans discernement aux clercs réguliers, la discipline ecclésiastique est brisée en certains points et ces frères mêmes qui dans les cloîtres, comme dans des forteresses, se dressaient courageusement contre les tentations et étaient vainqueurs, quand ils s'avancent seuls au combat, sont facilement dominés dans les tentations. Aussi le bienheureux Jérôme dit-il : « La solitude de l'homme met en place les armes de la chasteté, dresse aux meilleurs endroits le camp de la pudeur. »
S'il y a donc dans votre collège des hommes prudents et mûrs, éprouvés par le feu des tentations, auxquels vous voulez que soit imposé ce fardeau, conduisez-les en présence de l'évêque pour qu'il reçoivent de lui le soin des âmes, lui sans la décision de qui, si vous vous souvenez, selon les prescriptions canoniques, aucun prêtre ne peut imposer les pénitences pour les péchés ni, une fois la pénitence accomplie, réconcilier les pénitents avec les autels sacrés. Car en agissant ainsi vous procurerez à la révérence épiscopale ce qui lui appartient et vous ne ferez aucun dommage à l'institution canoniale, vous qui avez été appelés chanoines parce que vous avez fait le vœu de vouloir observer plus strictement que tous les autres les règles canoniques.
Quant au fait que vous vouliez que j'écrive quelques mots à l'évêque de Limoges sur cette affaire, j'ai différé jusqu'ici de le faire, parce que ce seigneur m'est inconnu ; et j'attends le moment opportun pour que sur ces choses et sur d'autres semblables nous nous entretenions de vive voix de ce que la raison et l'autorité auront commandé. Adieu.