Cum itaque dilecti
Le patriarche de Jérusalem doit subvenir aux besoins de ceux qui veulent se convertir
Patriarchae Jerosolimitano, apostolice sedis legato.
...Cum itaque dilecti filii Petrus et Andreas de Bethleem, fratres laici, latores presentium, sicut asserunt, de paganorum spurcitiis, aspirante Dei Filio, ad cultum redirent catholice puritatis, nec habeant unde valeant sustentari, nisi aliorum subsidio foveantur, fraternitatem tuam rogamus et hortamur attente per apostolica tibi scripta mandantes quatenus, si quod dicti laici baptizati vel reversi fuerint tibi constiterit, nondumque eis alibi sit provisum, ipsis in aliquo monasterio seu religioso loco patriarchatus Jerosolimitani, provisione simili auctoritate apostolica non gravato, facias in vite necessariis quoad vixerint provideri, ita tamen quod ipsi non vendant provisionem hujusmodi et servitiis loci a quo necessaria receperint, studeant immorari...
Datum apud Urbemveterem, III nonas aprilis, anno tertio.
Les régistres d'Urbain IV (1261-1264), ed. J.Guiraud, vol. 3 (Paris, 1904), n. 2518, 425.
Au Patriarche de Jérusalem, légat du Saint-Siège apostolique.
…Parce que donc les fils aimés Pierre et André de Bethléem, frères dans le siècle, qui ont porté la présente lettre, selon ce qu’ils ont rapporté, sont revenus au culte de la pureté catholique après l’immondice des païens, le Fils de Dieu les inspirant, et qu’ils n’ont pas de quoi et ne peuvent se sustenter, si ce n’est entretenus par le subside d’autrui, nous faisons appel à ta fraternité et t’encourageons attentivement en t’envoyant cet écrit apostolique, s’il est un fait établi pour toi que lesdits laïcs sont baptisés ou revenus (à la foi), et qu’ils n’ont nulle part ailleurs de provisions, à faire en sorte de leur fournir de quoi vivre dans n’importe quel monastère ou endroit religieux du patriarcat de Jérusalem, qui n’est pas accablé par une provision similaire par autorité apostolique, aussi longtemps qu’ils seront en vie, pourvu qu’eux-mêmes ne vendent en aucune manière de provisions et qu’ils s’appliquent à demeurer au service du lieu où ils reçoivent ce nécessaire.
Fait à Orvieto, le troisième jour avant les nones d’Avril, troisième année de notre règne.
C. Chauvin
Jacques Pantaléon a été Patriarche de Jérusalem de 1255 à 1261, avant d'être élu pape sous le nom d'Urbain IV. Cette lettre est adressée à son successeur, Guillaume d'Agen, et traite de la question des chrétiens qui ont apostasié pour l'Islam, et qui ensuite sont retournés au christianisme.
La conversion à l'Islam a dû se produire fréquemment parmi les croisés, sans doute le plus souvent pendant des batailles ou des sièges, ou bien après avoir été capturés par les forces musulmanes.1 Une lettre d'Alexandre III à l'archevêque de Tyr au XIIème siècle interdit à l'épouse d'un apostat de se remarier tant que son époux reste en vie. Ces deux lettres montrent également que certains apostats chrétiens souhaitaient retourner au christianisme. Un autre exemple du XIIème siècle peut être trouvé dans les anecdotes d'Oussama ibn Munqidh.2 D'après la lettre d'Urbain IV, les chrétiens de Saint-Jean-d'Acre étaient réticents à soutenir les apostats qui retournaient à la foi ; il a fallu également les admonester pour qu'ils supportassent les musulmans pauvres qui souhaitaient se convertir.3 D'après les livres de loi laïcs du royaume de Jérusalem, l'apostasie était un crime sérieux. Au chapitre 23 du Livre au Roi, écrit aux alentours de 1200, un chevalier pouvait être déshérité pour avoir commis l'apostasie, qui était considérée comme une trahison contre l'État ou contre toute la chrétienté. Seuls les catholiques romains pouvaient recevoir des fiefs du roi, un apostat perdait donc ses titres de propriété pour le reste de sa vie.4 Le chapitre 22 du Livre au Roi autorisait également un chevalier à retrouver ses propriétés à son retour de captivité, s'il jurait n'avoir pas fait acte d'apostasie pendant son absence. Quelques mois plus tard, Urbain envoya une autre lettre à Jérusalem sur un sujet similaire, les musulmans qui souhaitaient se convertir.
1 . B. Kedar, "Multidirectional conversion in the Frankish Levant", in J. Muldoon, Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages (Gainesville, 1997), repr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot, 2006), 194.
2 . Oussama ibn Munqidh, The Book of Contemplation: Islam and the Crusades, trans. P. Cobb (Penguin, 2008), p. 143.
3 . B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches Toward the Muslims (Princeton, 1988), 151.
4 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 435.
apostasie ; conversion au christianisme ; conversion à l'Islam
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252095, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252095/.