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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 235]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Les raisons pour lesquelles les enfants peuvent déshériter leur parents

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres par quantes choses peut li fis deseriter par dreit son pere et sa mere de tout ce que que il ont. Celes raisons par quei les anfans pevent deseriter leur peres et leur meres si sont VII choses… … La septime raison si est, se li peres ou la mere se vont reneer en terre de Sarasins, ou devienent Juis ou Sarasins. Et de tous ses raisons que sont dites desus est dreit et raison dou faire, et par la lei et par lasise dou reaume de Jerusalem. Car ce si establi li rois Bauduin de Borc a cui Dieus pardoint.

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart:Adolf Krabbe, 1839), 269.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu'une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez pour quelles raisons un fils peut déshériter légalement son père et sa mère de toute sa propriété. Voici les sept raisons pour lesquelles les enfants peuvent déshériter leur père et leur mères… …La septième raison c'est que si le père ou la mère s'en va au pays des Sarrasins et renie sa foi, ou s'ils deviennent juifs ou sarrasins.1 Et il est légal et raisonnable de le faire pour toutes ces raisons, et cela est conforme à la loi et aux assises du Royaume de Jérusalem car c'est établi par le roi Baudouin de Bourg, que Dieu ait pitié de lui.

1 . Dans le manuscrit de Venise on lit « samaritains » au lieu du mot répété « sarrasins ».

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise dresse la liste des 7 raisons pour lesquelles des enfants peuvent déshériter leurs parents. L'apostasie mise à part, les autres raisons incluent les cas suivants : les parents qui essaient d'empoisonner ou de tuer leurs enfants, les parents qui empêchent leurs enfants de tester en toute légalité, le cas où les enfants étant emprisonnés par les musulmans leurs parents refusent de verser une rançon en échange, le cas où les parents sont des "Patalins", c'est-à-dire des Patarines ou des Cathares, une secte hérétique.

Signification historique

Cette assise ainsi que le chapitre qui la précède est similaire au chapitre 16 du Livre au Roi écrit vers 1200. Le Livre au Roi dresse la liste de 12 raisons pour lesquelles un homme lige peut être déshérité par le roi ; les catholiques étaient les seuls à pouvoir détenir des fiefs du roi, donc un apostat perdait la propriété de sa terre pour le reste de sa vie. 1 Le chapitre 234 des Assises des Bourgeois liste aussi les 12 raisons pour lesquelles les parents peuvent déshériter leurs enfants bien que les listes ne soient pas identiques et que le chapitre 234 n'inclue pas l'apostasie. L'apostasie est cependant l'une des 7 raisons additionnelles données dans le présent chapitre pour lesquelles les enfants peuvent déshériter leurs parents. Dans certaines circonstances les musulmans avaient le droit de posséder des propriétés dans le royaume mais ils ne pouvaient pas hériter d'une propriété de la main d'un chrétien et ainsi des parents chrétiens qui se convertissaient à l'islam ne pouvaient pas hériter des biens de leurs enfants si leurs enfants mouraient avant eux.2 Apostasie et conversion à l'islam étaient des choses qui se produisaient sans doute fréquemment chez les croisés même si très peu de témoignages l'attestent en dehors des textes légaux. Les chrétiens se convertissaient sans doute à l'islam pendant les batailles ou les sièges ou après avoir été capturés par les forces musulmanes afin d'éviter d'être tués ou réduits en esclaves. Il pouvait parfois arriver que des prisonniers chrétiens apostasient en captivité même si leur conversion pouvait n'être que temporaire et dénuée de sincérité, jusqu'à ce qu'ils puissent être sauvés ou libérés contre paiement d'une rançon.3 Des lettres papales d'Alexandre III au XIIe siècle (Propsosuisti nobis) et d'Urbain IV au XIIIe (Cum itaque dilecti) font allusion à des chrétiens de Jérusalem qui avaient apostasié et qui, plus tard, avaient désiré revenir au christianisme ; cette question constituait donc un problème pour l'Église.

D'après ce chapitre, la loi s'appliquait aussi à ceux qui apostasiaient pour rejoindre le judaïsme et la religion samaritaine bien que ces deux religions ne soient mentionnées nulle part ailleurs dans les assises des bourgeois en relation avec l'héritage de biens. Le Livre au Roi dit qu'un homme lige sera déshérité "s'il renonce à Dieu" mais ne précise pas au profit de quelle religion. Nous ignorons quel châtiment l'église aurait infligé à un apostat puisque les assises ne portent que sur l'effet de l'apostasie sur la propriété. Les Assises des Bourgeois attribuent cette loi à "Baudouin de Borc" et le Livre au Roi à "Baudouin second", c'est-à-dire le croisé Baudouin de Bourg qui devint le roi Baudouin II de Jérusalem (il régna de 1118 à 1131). Comme les listes sont différentes il est possible que Baudouin II ait créé deux lois sur le même sujet, l'une pour la noblesse et l'autre pour les bourgeois. La loi pour la bourgeoisie paraît avoir comporté deux parties et a dû être divisée en deux chapitres par le compilateur des assises puisque l'attribution à Baudouin n'est faite qu'à la fin du chapitre 235. Si l'attribution est correcte, cela signifierait que même aussi tôt que sous le règne de Baudouin, les bourgeois étaient déjà suffisamment organisés et influents pour que le roi publie des lois pour eux. Prawer a déjà noté que les bourgeois disposaient certainement de leurs propres cours au milieu du XIIe siècle.4 De manière intéressante, le chapitre précédent (si l'on considère qu'il formait une loi unique avec le présent chapitre) suggère qu'il y avait des Cathares dans le royaume au début du XIIe siècle. Les Cathares sont aussi mentionnés au chapitre 21 du Livre au Roi qui a été copié dans le texte du traité de Jean d'Ibelin au XIVe siècle. Il y avait peut-être des Cathares parmi les bourgeois dont beaucoup, comme le note Prawer, venaient probablement du Sud de la France 5 où l'hérésie cathare était le plus fermement ancrée. À peu près à l'époque où les assises des Bourgeois étaient composées, au milieu du XIIIe siècle, une croisade se déroulait contre eux en France même.

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 435.

2 . M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 258.

3 . B.Kedar, "Multidirectional conversion in the Frankish Levant", in Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages, ed. J.Muldoon (Gainesville, 1997), repr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot: Ashgate, Variorum Collected Studies Series, 2006), 194.

4 . J.Prawer, 264-277.

5 . J.Prawer, 382.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues via trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534) et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, “Assises de la Cour des Bourgeois”, in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royal des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, “Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou”, in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus (Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002).
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois (Rennes: Blin, 1839).
  • C.Sathas, “Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou”, in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • B.Kedar, “Multidirectional conversion in the Frankish Levant”, in Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages, ed. J.Muldoon (Gainesville, 1997), repr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot: Ashgate, Variorum Collected Studies Series, 2006), 190-99.
  • M.Nader, “Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem”, Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.
  • J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).

Mots-clés

apostasie ; apostasie ; conversion au judaïsme ; conversion à l'Islam ; Juifs/Judaïsme ; musulmans ; Samaritains ; testament

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136976, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136976/.

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