« yves-de-chartres-224 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Guy, abbé de Molesmes

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    après 1110 - avant 1116


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    [après 1110]

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Guidoni, Molismensis monasterii abbati(1), salutem in Domino.

    Frater iste praesentium portitor litterarum, cum litteris vestris ad nos veniens, quam inordinate vera celando, falsa profitendo, cum ordinandus examinaretur, ad sacerdotii culmen aspiraverit, lacrymabiliter nobis aperuit, consultius sibi aestimans ab inordinate accepto officio penitus cessare quam in eodem periculose ministrare. De cujus cordis anxietate et sollicita perquisitione quod sentio et quod de canonicis scripturis collegi fraternitati vestrae rescribo, quia licet inordinate accesserit ad sacrum ordinem, sacramenti tamen accepit sanctitatem ; sed tamen quamdiu in perversa intentione lucrorum temporalium perstitit, fictus et solo sacramento sacerdos fuit sibi ad perniciem, licet aliis ad salutem(2). Et si in eo rigor canonum servaretur, omni tempore ab inordinate accepto officio suspenderetur. Postquam vero, mutata intentione, quod deerat integritati sacerdotali ei gratia divina(a) contulit et sanctitati sacramenti novitatem vitae addidit et(b) impletum est in eo quod dicitur(3) : « Sacerdotes tui induantur justitiam », non jam fictus nec solo sacramento sacerdos fuit, et jam non tantum salutem aliorum, sed etiam suam(c), per sacerdotale ministerium potuit operari. Unde Augustinus in libro Contra epistolam Parmeniani(4) : « Hoc pene(d) in omnibus talibus quaestionibus intelligendum admonemus, quia scilicet(e) omnia sacramenta, cum obsint indigne tractantibus, prosunt tamen per eos digne sumentibus. » Idem(5)(f) : « Spiritus sanctus in Ecclesiae praeposito vel ministro sic inest ut, si fictus non est, operetur per eum et ejusdem mercedem in salutem sempiternam et eorum regenerationem vel aedificationem qui per eum sive(g) consecrantur, sive(h) evangelizantur. Si autem fictus est, desit quidem saluti ejus et auferat se a cogitationibus ejus quae sunt sine intellectu(6) ; ministerium tamen non deserat, quod per eum salutem operatur aliorum. »

    His et hujusmodi palam est praesentem fratrem ad sacri ordinis ministerium misericorditer posse admitti, nisi aliud lateat quod sacris canonibus obviare videatur. Verum ut tutius muniatur(7) ejus conscientia, exspectanda est ad hoc paterna obedientia, quatenus sanet hoc vera humilitas quod vitiavit ambitiosa cupiditas. Valete.


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    gratia omnia T 

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    om.

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    non tantum aliorum sed etiam propriam salutem TAu 

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    om. TAu 

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    secundum T 

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    item éd

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    vel TAu

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    voir g


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    Guy succéda à Robert, le fondateur de Molesme et de Cîteaux, mort le 29 avril 1110. Il mourut en 1132. Molesme, cne Laignes, cant. Montbard, Côte-d'Or, ancien diocèse de Langres. J. Laurent, Cartulaires de l'abbaye de Molesme, ancien diocèse de Langres (916-1250), Paris, 1907-1911. GC 4, 731.

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    La distinction entre vrai et faux prêtre est inspirée d'Augustin, Contra litteras Petiliani, l. 2, ch. 30, 69, CSEL 52, p. 58-59, voir lettre 73. Augustin illustre cette distinction avec la phrase du psaume 131, qu'Yves cite également, voir note infra. La doctrine des sacrements exposée dans cette lettre est augustinienne. L'opposition ad perniciem, ad salutem est partout chez Augustin.

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    Ps. 131, 9.

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    Augustin, Contra epistulam Parmeniani, livre 2, ch. 10, 22, CSEL 51, p. 70. Yves, Décret 2, 97 (Gratien, 1, 1, 78).

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    Ibid., livre 2, ch. 11, 24, éd. citée, p. 74. Yves, ibid. (Gratien, 1, 1, 98).

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    Sine intellectu, Matth. 15, 16.

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    Voir lettre 222.


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    a. Avranches, BM 243, 116v-117


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 85


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    T. Troyes, BM 1924, 116rv


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    Au. Auxerre, BM 69, 94v-95



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Guy, abbé du monastère de Molesme, salut dans le Seigneur.

    Ce frère porteur de la présente lettre, qui est venu auprès de nous avec votre lettre, nous a dévoilé dans les larmes de quelle manière irrégulière, en cachant le vrai, en avouant le faux tandis qu'il était examiné pour être ordonné, il a cherché à s'approcher du faîte du sacerdoce, estimant plus prudent pour lui de renoncer tout à fait à un office reçu irrégulièrement que de servir dans ce même office au prix de grands périls. Au sujet de l'anxiété de son cœur et de sa recherche inquiète, je réponds à votre fraternité ce que je pense et ce que j'ai recueilli parmi les écrits canoniques, à savoir que, bien qu'il ait accédé irrégulièrement à l'ordre sacré, il a cependant reçu la sainteté du sacrement ; mais cependant, aussi longtemps qu'il a persisté dans son intérêt pervers pour les profits temporels, il a été un prêtre simulé, prêtre par le seul sacrement, pour sa perte à lui, bien que pour le salut des autres. Et si sur ce point on observait la rigueur des canons, il serait suspendu définitivement d'un office reçu irrégulièrement. Mais après que, une fois son état d'esprit changé, la grâce divine lui eut apporté ce qui manquait à l'intégrité sacerdotale et eut ajouté à la sainteté du sacrement le renouveau de sa vie et que fut accompli en lui ce qui est dit : « Tes prêtres sont revêtus de justice », il ne fut plus un prêtre simulé, ni prêtre par le seul sacrement, et il put désormais opérer par le ministère sacerdotal non seulement le salut des autres mais également le sien. Aussi Augustin dans le livre Contre la lettre de Parménien : « Dans presque toutes les questions de ce genre nous conseillons de comprendre ceci, que tous les sacrements, alors qu'ils nuisent à ceux qui les administrent indignement, sont cependant utiles à ceux qui les reçoivent d'eux dignement. » Et aussi : « L'Esprit saint est présent dans le responsable ou le ministre de l'Église de sorte que, sice dernier ne simule pas, il opère par lui et sa propre récompense pour le salut éternel et la régénération ou l'édification de ceux qui sont par lui soit consacrés soit évangélisés. Mais s'il simule, qu'il perde assurément son salut et qu'il s'écarte de ses pensées qui sont sans intelligence ; cependant qu'il n'abandonne pas son ministère, parce que par lui s'opère le salut des autres. »

    D'après ces textes et d'autres du même genre, il est évident que le présent frère peut être admis miséricordieusement au ministère de l'ordre sacré, s'il n'y a rien d'autre de caché que l'on voie s'opposer aux sacrés canons. Mais pour que sa conscience soit fortifiée plus fermement, il doit attendre l'ordre paternel dans ce but : qu'une humilité vraie guérisse ce qu'une cupidité ambitieuse a corrompu. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21162 (yves-de-chartres-224), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21162 (mise à jour : 21/09/2017).