Général
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Yves, évêque de Chartres
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Pascal 2, pape
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après 1107/05 - avant 1116
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[après mai 1107]
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Lettre
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Paschali, summo pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, debitam cum omni subjectione obedientiam.
Reversus a concilio Trecensi(1), filius noster Vulgrinus(2), Ecclesiae nostrae cancellarius, anxie conquestus est quod Dolensis Ecclesia(3), destinatis excellentiae vestrae quibusdam legatis suis, eum sibi in episcopum sub praesentia vestra elegerit et huic electioni ad eorum petitionem vestra paternitas assensum praebuerit nec ejus excusationibus, quamvis idoneis, adhuc aurem accommodare voluerit. Quamvis enim sit bene litteratus et bonis moribus ornatus, multis tamen allegationibus humiliter insufficientiam suam praetendens, dicit se potius multa gravia perpessurum quam onus episcopi hoc tempore subiturum(4). Novit autem vestra paternitas quia leges saeculi(5), dissentiente filiofamilias, sub ejus nomine sponsalia fieri non permittunt ; quanto magis in sponsalibus Ecclesiae(6) id observari(a) convenit, in quibus nisi sincera subveniat charitas, quid boni est quod per angariam(7) facere possit, sive facultates suas distribuendo, sive seipsum ad martyrium exponendo, humana imbecillitas ? Nemo enim invitus bonum facit, etiamsi bonum est quod facit(8). Unde nos admonet Spiritus sanctus in Cantico canticorum(9) : « Adjuro vos, filiae Iherusalem, nolite suscitare dilectam, neque evigilare, donec ipsa velit. » Ne igitur(b) nostro Jacob amanti Rachel, nocte supponatis Liam(10), nisi forte Rachel mandragoras primogeniti Liae concupiscat et hac mercede conductum Jacob cum Lia dormire permittat(11). Tali enim ordine posset de tali copula merces boni operis provenire et fortitudo, quae plurimum necessaria est omni regimini ad tolerandos ejusdem regiminis labores, exuberare. Et ne diu verbis oneremus sanctitatem vestram, flexis genibus cordis(c), opportune et importune(12) imploramus clementiam vestram ut nullis vinculis obedientiae praedictum fratrem constringatis, cujus saluti, quantum possumus, providere debemus, quia eum de sacro fonte suscepimus(13), qui etiam elegit magis in loco humili salvari quam in alto periclitari(14). Valete.
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observare V
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nec ergo T
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om. V.
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Voir lettre précédente.
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Vulgrin était chancelier de l'Église de Chartres quand il fut élu évêque de Dol, charge qu'il refusa. Il reprit sa charge de chancelier, sous laquelle il apparaît dans une charte de 1115,
Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. I, p. 103, n. 2. Il souscrit les chartes 23 (vers 1099), 32 (3 févr. 1114) dans leCartulaire de Notre-Dame, p. 103, 118 et dans leCartulaire de Saint-Père, ch. 5 (1107), p. 265. Voir aussi lettre 178.
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Dol-en-Bretagne, ch. lieu cant., arr. Saint-Malo, Ille-et-Villaine, archevêché de 848 à 1199, date à laquelle il fut rattaché à la province de Tours (Lyonnaise 3). C'est Baudri, abbé de Saint-Pierre de Bourgueil, qui devint archevêque de Dol en 1107 (lettres 268-269 de Pascal II, en 1109,
PL163, col. 251-253.) Suspendu temporairement en 1120, il se retira au prieuré normand de Saint-Samson-sur-Risle. Il mourut à Préaux le 5 janvier 1130. Voir aussi lettre 66.
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Un évêque ne peut être élu malgré lui.
Ut nullus invitus ordinetur episcopus, lettre de Léon à Anastase, c. 4. Yves, Décret 5, 347 (Gratien, D. 63, 36).Ut nemo crescere compellatur invitus, Grégoire le Grand,ep. Natali episcopo, Yves,Décret6, 379 (Gratien, D. 74, 2).
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Digeste, 23, 1, 13. Yves,Décret8, 21 et 16, 183 ;Panormie6, 12.
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Sur la comparaison du sacerdoce avec le mariage, voir décrets de Calixte I
er, c. 14,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 139. Yves,Décret3, 53 (Gratien, 7, 1, 39).
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Voir letrte 95.
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Nullum quippe bonum, nisi volontarium, Nicolasep.omnibus episcopis in regno Ludovici. Yves,Décret6, 356 (Gratien, 20, 3, 4).
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Cant. 2, 7.
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Gen. 29, 23-30.
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Gen. 30, 16. Le fils de Lia est Ruben. Cet épisode apparaît déjà dans les lettres 4, 17, 25, 40.
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II Tim. 4, 2.
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Métaphore soulignant des liens privilégiés,
ita diligere debet homo eum qui se suscepit ex sacro fonte, sicut patrem, Nicolasad consulta Burgarorum, c. 2. Yves,Décret1, 135 et 9, 34 ;Panormie6, 123 (Gratien, 30, 3, 1 et 3).
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Topos, voir lettres 26, 88.
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a. Avranches, BM 243, 94rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 65v-66
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 20v
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T. Troyes, BM 1924, 26v-27
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Au. Auxerre, BM 69, 69v-70
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À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, l'obéissance qui lui est due avec une totale soumission.
Revenu du concile de Troyes, notre fils Vulgrin, chancelier de notre église, a déploré plein d'angoisse que l'Église de Dol, par certains de ses représentants qui avaient été envoyés à votre excellence, l'ait choisi comme évêque pour elle en votre présence et que votre paternité ait sur leur demande accordé son assentiment à cette élection et n'ait pas voulu jusqu'ici prêter l'oreille à ses excuses, bien qu'elles soient justifiées. En effet, bien qu'il soit tout à fait lettré et orné de bonnes mœurs, en invoquant humblement son incapacité par de nombreux arguments, il se dit néanmoins prêt à supporter de nombreux dommages plutôt que de subir la charge d'évêque en ce moment. Or votre paternité sait que les lois du siècle ne permettent pas que lorsque le fils de famille n'est pas d'accord des noces soient faites en son nom ; combien plus convient-il que cela soit observé dans les noces de l'Église : si en elles n'entre pas une charité sincère, qu'y a-t-il de bon que puisse faire la faiblesse humaine par service obligatoire, soit qu'elle distribue ses biens, soit qu'elle s'expose elle-même au martyre ? Personne en effet ne fait le bien à contrecœur, même si ce qu'il fait est bon. Aussi l'Esprit Saint nous conseille-t-il dans le Cantique des Cantiques : « Je vous adjure, filles de Jérusalem, ne faites pas lever ma bien-aimée, ne la réveillez pas, tant qu'elle ne le veut pas elle-même. » Donc à notre Jacob qui aime Rachel, ne substituez pas Lia pendant la nuit, à moins que Rachel ne désire les mandragores du fils premier-né de Lia et ne permette à Jacob engagé par ce marché de dormir avec Lia. Dans une telle disposition en effet, il pourrait résulter d'une telle liaison la récompense d'une bonne œuvre et pourrait abonder le courage, qui est tout à fait nécessaire à tout gouvernement pour supporter les labeurs de ce même gouvernement. Et pour ne pas surcharger longtemps de mots votre sainteté, les genoux du cœur fléchis, nous implorons à temps et à contretemps votre clémence pour que vous ne contraigniez par aucun lien d'obéissance ledit frère au salut de qui nous devons veiller, autant que nous pouvons, parce que nous l'avons reçu de la fontaine sacrée, lui qui a même choisi d'être sauvé dans un endroit humble plutôt que d'être en péril en un lieu élevé. Adieu.