« yves-de-chartres-154 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Robert, comte de Meulan

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    après 1105 - avant 1106


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    [1105/6]

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister(a), Roberto, comiti Mellentino(1), per viam vitae(2) incedere et ab ea non recedere.

    Quoniam ad ovile nobis commissum pertinere te credimus, licet laetis(b) pascuis abundes, nostrum tamen est aliquod sacrae admonitionis tibi pabulum ministrare et adversus lupos invisibiles tuam dilectionem praemunire(3). Cum enim gratiam inveneris in conspectu regis Anglorum(4), testantur multae ecclesiasticae personae quod plus ei placere studeas quam regi angelorum(5). Non(c) tamen culpamus ei placere in his quae Deo non displicent ; sed si quid molitur regia potestas adversus Dominum(d) et Christum ejus et Ecclesiam ejus, in mente habere debes quia Christi sanguine redemptus es, quia legibus Christi initiatus, per sacramenta Ecclesiae regeneratus es et illius es liber qui pro te se fecit servum (6), ut libertas tua nihil se debere intelligat alicui quo divinam offendat majestatem et Ecclesiae minuat libertatem.

    Quod ideo suademus nobilitati tuae ut praedictum regem sanis consiliis informes(7) et leges ecclesiasticas a sanctis Patribus traditas et a catholicis regibus confirmatas in nullo conturbes. Quae enim ratio, quae lex permittit ut Rannulfus, Dunelmensis episcopus, de ecclesia alterius regni ad aliam ecclesiam transeat(8) et, velut quadam moechatione, praesentiae suae vel filiorum suorum occupatione Luxoviensem ecclesiam per violentiam Anglici regis invadat ? Quod facere vel tolerare et contra legem est, et contra regem, quia non est hoc populo regimen praebere, sed discrimen augere(9). Quantum ergo ex tua sententia pendet ejus consilium, suade ei ut Ecclesiam Dei, quantum in se est, liberet nec de peccatis alienis sua multiplicet(10). Unde illi qui(e) de adventu ejus ad has partes(11) bona senserunt et bona praedixerunt, velint nolint, mutent serenitatem laudis in nubilum vituperationis. Non enim ad hoc instituuntur reges ut leges frangant, sed distortores legum(12) gladio, si aliter corrigi non possunt, feriant. Vale.


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    humilis minister éd.

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    latis M 

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    nec MTAu 

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    Deum M 

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    quidem qui ad has partes T, illi qui de eo ad has partes Au.


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    Robert Ier Preud'homme, comte de Meulan, voir lettre 143.

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    Ps. 15, 11.

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    Métaphores bibliques, d'après Psaumes et Evangiles.

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    Henri Ier, voir lettre 106.

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    Même jeu de mot, lettre 142.

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    Vocabulaire paulinien.

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    Robert de Meulan, regis Henrici familiaris consiliarius, d'après Robert de Thorigny, Chroniques, anno 1118, L. Delisle éd., p. 155, avait été excommunié par Pascal II en 1104 parce qu'il soutenait le roi dans sa politique d'investitures laïques. Pascal II signifie cette excommmunication et celle de ses complices à Anselme de Cantorbéry, lettre datée du 26 mars 1104, citée par Eadmer, Histoire des temps nouveaux, livre 4, p. 187-188. Une autre lettre du pape à Robert, lettre 145, PL 163, col. 154-155, ainsi qu'une d'Anselme, Eadmer,Histoire des temps nouveaux, p. 195, mettent le comte en garde à propos des dommages qu'il inflige à l'Église d'Angleterre. Mais en 1107 une lettre d'Anselme informe le pape de la conversion de Robert, ibid., p. 215.

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    Sur les transferts d'évêques, voir lettre 144. Sur Ranulfe, lettres 149, 153, 157 et 185.

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    Non est hoc consulere populo, sed nocere ; nec praestare regimen, sed augere discrimen, Léon, lettre aux évêques d'Afrique, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 622. Yves, Décret 5, 105 (Gratien, D. 61, 5). Même expression lettre 277.

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    Peccatis alienis sua multiplicet, d'après Prosper d'Aquitaine, De contemplativa vita, c. 10 (Gratien, 1, 2, 8).

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    Henri Ier a repris possession de la Normandie avec la victoire de Tinchebray en septembre 1106. Est-ce de cette campagne qu'il s'agit ? Il avait fait une première expédition en 1104.

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    L'expression est de Térence, bonorum extortor, legum distortor, Phormion, v. 373. On la trouve aussi chez Rathier de Vérone, Opusculum de nuptu cujusdam illicito, c. 3, PL 136, col. 570. Opusculum ualitatis conjectura, c. 11, ibid., col. 536.


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    a. Avranches, BM 243, 85


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 58v


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    T. Troyes, BM 1924, 122v-123


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    Au. Auxerre, BM 69, 61rv



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Robert, comte de Meulan, avancer sur les chemins de la vie et ne pas s'en écarter.

    Puisque nous croyons que tu appartiens au troupeau qui nous a été confié, bien que tu abondes en riches pâturages, il nous appartient cependant de te procurer quelque pâture d'admonition sacrée et de prémunir ta dilection contre les loups invisibles. En effet, comme tu as trouvé grâce au regard du roi des Angles, beaucoup de gens d'Église témoignent que tu t'appliques à lui plaire davantage qu'au roi des anges. Nous ne blâmons pas toutefois le fait de lui plaire dans les choses qui ne déplaisent pas à Dieu ; mais, si le pouvoir royal trame quelque chose contre le Seigneur et son Christ et contre son Église, tu dois avoir à l'esprit que tu as été racheté par le sang du Christ, que tu as été initié aux lois du Christ, régénéré par les sacrements de l'Église, et que tu es libre du fait de celui qui s'est fait esclave pour toi, de sorte que ta liberté comprenne qu'elle n'a aucune obligation envers quelqu'un qui lui ferait offenser la majesté divine et amoindrir la liberté de l'Église.

    C'est pourquoi nous conseillons à ta noblesse d'informer ledit roi par de sains conseils et de ne troubler en rien les lois ecclésiastiques transmises par les saints Pères et confirmées par les rois catholiques. En effet quelle raison, quelle loi permettent que Ranulfe, évêque de Durham, se transporte d'une église d'un autre royaume vers une autre église et, comme par une sorte d'adultère, par l'intrusion de sa présence ou de celle de ses fils, envahisse l'église de Lisieux grâce à la violence du roi anglais ? Agir ainsi ou le tolérer, c'est être et contre la loi et contre le roi, parce que ce n'est pas offrir une direction à ce peuple mais augmenter sa déroute. Dans la mesure donc où sa décision dépend de ton avis, persuade-le de libérer l'Église de Dieu autant qu'il est en son pouvoir et de ne pas multiplier ses péchés par ceux d'autrui. Sinon, ceux qui ont trouvé du bon et ont prédit du bon de son arrivée dans ces régions changeront bon gré mal gré la sérénité de leur louange en nuage de vitupération. Car les rois ne sont pas institués pour briser les lois, mais pour frapper du glaive ceux qui torturent les lois, s'ils ne peuvent être corrigés autrement. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21092 (yves-de-chartres-154), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21092 (mise à jour : 21/09/2017).