« yves-de-chartres-147 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Pascal 2, pape

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    après 1104/09 - avant 1116


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    [après l'automne 1104]

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    Lettre

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    Paschali, summo pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, debitam cum sinceritate obedientiam.

    Quoniam patres nostri antecessores vestri in multis negotiis aliqua severitati detraxerunt in quibus salus minime periclitabatur(1), ut majoribus malis amovendis operam darent(2), ea fiducia, flexis genibus cordis, majestati apostolicae supplicamus ut erga Ecclesiam Carnotensem misericordiae viscera(3) effundatis et pacem diu turbatam, quae bene olentem Ecclesiae florem cum provectu bonorum fructuum concutit et discutit, eidem Ecclesiae reformare studeatis. Ita enim haec res ex vestro tantum pendet arbitrio ut ex verbis illius centurionis evangelici secure sanctitati vestrae dicere possimus : « Dic tantum verbo et sanabitur puer meus(4). » Jam enim tandem crebris persuasionibus, publicis et privatis precibus, multa mora, multa lima, ad hoc corda Carnotensium clericorum Deo donante infleximus quatenus apud paternitatem vestram fideliter intercedant ut conditionarios de familia Carnotensis comitis, qui de legitimo conjugio nati fuerint(5), et regios fiscalinos, pro quibus similis perturbatio fieri posset, de privilegio quod eidem Ecclesiae fecistis de non admittendis conditionariis excipiatis et in eumdem statum in quo erant ante privilegium redire jubeatis(6). Nec(a) enim hoc impedit sacramentum clericorum quod super hac re antea fecerant, quia cognoscunt, tam majores quam minores, et publice fatentur se sacramentum illud hac conditione fecisse ut possent instituto suo et profutura adjicere et nocitura excipere. Aliter quippe damna, scandala, perturbationes intus et foris, contentiones, irae, rixae(7), quae omnia ista de causa orta sunt et quotidie oriuntur sedari non possunt. Haec autem omnia Deo faciente cessabunt si vigilantia vestra, manentibus in sua stabilitate his qui in privilegio sunt, ea tantum quae Ecclesia dispensari postulat paterna provisione dispensaverit et ea quae cohibenda sunt apostolica censura cohibuerit.

    Haec omnia in propria persona putavi me posse dicere sanctitati vestrae ; sed a capite autumni ita gravis me vexavit infirmitas et debilitavit ut non tantum prolixum iter, sed nec breve adhuc valeam arripere. Unde misi vobis vice mea domnum Bernerium, monasterii Bonaevallensis abbatem(8), boni testimonii virum et Romanae Ecclesiae bene notum, qui et necessaria nostra vobis insinuet et ea quae ei commisimus a sanctitate vestra nobis reportet. Miserunt etiam canonici vice sua domnum Goselinum(9)(b) presbyterum et concanonicum suum, qui commune votum concanonicorum suorum vobis sincera veritate denuntiet et quod sanctitas vestra inde statuerit eis renuntiet. Excusatos etiam volumus esse apud sanctitatem vestram decanum et cantorem(10) a vobis invitatos, quos jam gravat aetas et irruentium perturbationum importunitas. Valete.


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    non éd., neque M 

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    Gauslinum A, Guaslinum M, G. T, Gauslenum Au.


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    D'après Yves, Prologue, § 15, éd. citée, p. 78.

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    Ibid, § 5, p. 68.

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    Luc. 1, 78 et Col. 3, 12.

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    Luc. 7, 7.

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    Voir lettres 126 et 133.

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    La condamnation très ferme de Pascal II est contenue dans la bulle du 23 novembre 1103 citée lettre 126 ; est-ce le privilegium auquel il est fait référence ici et qui aurait été décrété entre la lettre 126 et celle-ci ? La datation pourrait faire pencher pour cette hypothèse. L'expression d'Yves de non admittendis conditionariis, et celle de Pascal ad repellendos conditionarios se répondent, mais dans quel ordre ? L. Merlet pense que la bulle de Pascal est une réponse à cette lettre 147, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. 1, p. 112, charte n° 28, n. 2.

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    Contentiones… rixae, Gal. 5, 20.

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    Voir lettre 78.

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    Plusieurs Goscelinus apparaissent vers cette date dans le Cartulaire de Notre-Dame, archidiacre, ch. 23, 32 (t. I, p. 103, 118), prévôt, ch. 23 (t. I, p. 102-103), sous-doyen, ch. 22 (t. I, p. 100, t. III, p. 137). L. Merlet pense qu'il s'agit du capicerius, membre de la famille de Lèves, parent des évêques Geoffroy et Goslin, successeurs d'Yves, qui appparaît dans le Nécrologe de Chartres, t. III, p. 200.

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    Le doyen est Ernaud, voir lettre 182, et le chantre Hilduin, voir lettres 121 et 182, où il est aussi traité de vieillard.


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    a. Avranches, BM 243, 82v-83


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 56v


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    T. Troyes, BM 1924, 119v-120v


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    Au. Auxerre, BM 69, 57-58



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    À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, l'obéissance qui lui est due avec sincérité.

    Puisque nos pères vos prédécesseurs se sont détournés de leur sévérité dans de nombreuses affaires où le salut n'était nullement en danger, pour donner l'occasion d'éloigner de plus grands maux, avec cette confiance nous supplions votre majesté apostolique, les genoux du cœur fléchis, de répandre envers l'Église de Chartres les sentiments de la miséricorde et de vous appliquer à rétablir pour cette Église la paix longtemps troublée par une agitation qui détruit et déchire la fleur bien odorante de l'Église ainsi que la croissance de bons fruits. En effet cette affaire dépend tellement de votre avis que nous pouvons dire avec certitude à votre sainteté, d'après les mots de ce centurion de l'Évangile : « Dis seulement une parole et mon enfant sera guéri. » Déjà en effet, par de fréquentes argumentations, par des prières publiques et privées, beaucoup de temps, beaucoup de coups de lime, nous avons enfin fléchi, avec le don de Dieu, les cœurs des clercs de Chartres vers ce but : qu'ils intercèdent fidèlement auprès de votre paternité pour que les hommes de condition servile de l'entourage du comte de Chartres, qui seraient nés de mariages légitimes, et les hommes du fisc royal, pour lesquels pourrait survenir semblable trouble, soient exceptés du privilège que vous avez fait à la même Église sur l'interdiction d'admettre les hommes de condition servile et que vous ordonniez qu'ils reviennent dans l'état même où ils étaient avant le privilège. Car ceci ne contredit pas le serment que les clercs avaient fait auparavant sur ce sujet, parce qu'ils reconnaissent, autant les plus grands que les plus petits, et avouent publiquement qu'ils avaient fait ce serment à cette condition qu'ils puissent de leur propre décision et ajouter ce qui serait utile et retrancher ce qui serait inutile. Sinon, assurément, dommages, scandales, troubles à l'intérieur et à l'extérieur, rivalités, colères, rixes, toutes choses qui sont nées de cette affaire et naissent chaque jour ne peuvent être apaisées. Or tout ceci cessera, grâce à Dieu, si, tout en maintenant en leur état ceux qui sont concernés par ce privilège, votre vigilance accorde avec une prévoyance paternelle une dispense sur le seul point pour lequel l'Église réclame qu'il y ait dispense, et si la censure apostolique empêche ce qui doit être empêché.

    Tout cela, j'ai pensé que je pouvais le dire en personne à votre sainteté ; mais depuis le début de l'automne une grave maladie m'a secoué et affaibli au point que je ne peux encore envisager non seulement un long voyage mais pas même un court. Aussi vous ai-je envoyé à ma place le seigneur Bernier, abbé du monastère de Bonneval, homme de bon témoignage et bien connu de l'Église romaine, qui vous informera de nos besoins et nous rapportera de la part de votre sainteté ce que nous lui avons confié. Les chanoines aussi ont envoyé en délégation le seigneur Goscelin, prêtre et leur collègue chanoine, qui vous apportera le vœu commun de leur congrégation avec une vérité sincère et leur rapportera ce que votre sainteté aura décidé. Nous voulons aussi que soient excusés auprès de votre sainteté le doyen et le chantre que vous aviez invités, déjà accablés par l'âge et par l'importunité des troubles qui surgissent. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21084 (yves-de-chartres-147), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21084 (mise à jour : 21/09/2017).