« yves-de-chartres-125 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Daimbert, archevêque de Sens

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Daimberto, Dei gratia Senonensium archiepiscopo, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, cum humili devotione servitium.

    De Hierosolymitanis(1) quorum uxores fornicatae sunt, bene mihi videtur sentire sanctitas vestra quia, secundum evangelicam et apostolicam doctrinam(2), oportet eos aut ad proprias uxores redire aut, eis viventibus, sine ulla carnis commixtione manere. Alioquin, hii qui nec(a) adulteras mulieres abhorrent adulteri reputabunturet adulterorum poena apud Deum judicabuntur, secundum illud Apostoli(3) : « Fornicatoreset adulteros judicabit Deus. » Unde Augustinus in libro De decem cordis(4) : « Non adulterabis id est non ibis ad alienam aliquam praeter uxorem tuam. » Idem in libro De nuptiis et concupiscentia(5) : « Usque adeo manent inter viventes semel inita jura nuptiarum, ut potius sint inter se conjuges, etiam separati, quam cum his quibus aliis adhaeserunt. » Et paulo post : « Manet inter viventes quoddam conjugale quod nec separatio, nec cum alio copulatio possit auferre. » Inde etiam Hieronymus ad Oceanum(6) : « Praecipit Dominus uxorem non debere dimitti excepta causa fornicationis et, si dimissa fuerit, manere innuptam. Quidquid viris praecipitur, hoc consequenter redundat ad feminas. Neque enim adultera uxor dimittenda est et vir moechus retinendus. »

    His et aliis hujus(b) modi auctoritatibus freti, si aliquando apud nos causa fornicationis tale divortium(7) contingit(c), censura ecclesiastica cogimus separatos vel sibi reconciliari, vel sine spe manere conjugii(8). Quod si hii qui debent uxores virtute praecedere volunt uxores victrices esse libidinis(9), ipsi autem vincuntur a libidine qui aliis mulieribus cupiunt adhaerere, monemus eos ut considerantes fragilitatem vasis muliebris(10) id infirmiori sexui indulgeant quod fortiori indulgeri desiderant. Dicit enim beatus Augustinus De sermone Domini in monte(11) : « Nihil enim(d) iniquius quam fornicationis causa dimittere uxorem si et ipse vir convincitur velle fornicari. Occurrit enim illud Apostoli(12) : “In quo enim alterum judicas, teipsum condemnas ; eadem enim agis quae judicas.” Quapropter quisquis fornicationis causa vult abjicere uxorem debet et ipse a fornicatione esse alienus. » Idem in libro De verbis Domini, tractatu XLVII(13)(e) : « Intactam quaeris, intactus esto. Puram quaeris, noli esse impurus. » Quod si reprehensibiles se esse(f) futuros formidant quod fornicarias mulieres recipiunt, audiant quid dicat Hieronymus in Explanatione Oseae(14) : « Non est culpandus Osee propheta si meretricem quam duxit convertit ad pudicitiam ; sed potius laudandus quod ex mala bonam fecerit ; non enim qui bonus permanet polluitur si societur malo, sed qui malus est in bonum vertitur si boni exempla sectetur. » Et quia non ignoranti legem loquor, haec pauca quae dicta sunt ad inquisita sufficere arbitror. Valete.


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    nunc AMJVTAu 

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    ejus éd.

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    contigerit éd.

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    om. JT 

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    XLVIII J 

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    om. M.


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    La législation s'attache à défendre les croisés en leur absence : la protection de leurs biens est assurée au concile de Clermont, Et eorum bonis usque ad reditum pax continua emulgata, fragments du concile de Clermont d'après Cencius-Baluze, c. 9, R. Somerville,Decreta Claromontensia, p. 124 et n. 14. La lettre de Pascal II, après le 15 août 1099, transcrite dans le registre de Lambert d'Arras, [105], éd. citée, p. 322-323, le rappelle (JL 5812. PL 163, l. 22, c. 43-44). Voir Yves, lettres 168, 169, 170, 173. Ici c'est aussi la protection de leur mariage qui est assurée.

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    Matth. 5, 32 et 19, 9. I Cor. 7.

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    Hebr. 13, 4.

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    Augustin, Sermo 9, De decem chordis, c. 3, PL 38, col. 77. Yves, Décret 8, 263 (Gratien, 32, 6, 5). Le texte porte non moechaberis, Ex. 20, 14, au lieu de non adulterabis.

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    Augustin, De nuptiis et concupiscentia, l. 1, c. 10, 11, Bibliothèque augustinienne 23, p. 78. Yves, Décret 8, 12 ; Panormie 6, 74 (Gratien, 32, 7, 28). Voir lettre 122.

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    Jérôme, Ad Oceanum de morte Fabiolae, lettre 77, 3, éd. J. Labourt, t. 4, p. 41. Yves, Décret 8, 240 ; Panormie 7, 3 (Gratien, 32, 5, 19). Voir lettre 122.

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    Interveniente divortio non aboletur confoederatio nuptialis, Augustin, De bono conjugali, c. 7, 7,CSEL 41, p. 197. Yves, Décret 8, 9 et 235 ; Panormie 7, 6 (Gratien, 32, 7, 1). En contradiction avec Matth. 19, 9 et 12e concile de Tolède, c. 8, voir lettre 122.

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    Il faut se réconcilier ou vivre dans la continence, concilium Milevitanum (concile de Mela), c. 17. Yves, Décret 8, 200 (Gratien, 32, 7, 5).

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    Adaptation libre du texte du sermon d'Augustin, voir note supra (Décret 8, 263).

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    D'après I Petr. 3, 7.

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    Augustin, De sermone Domini in monte, l. 1, c. 16, 47, CCSL 35, p. 53. Yves, Décret 8, 250 ; Panormie 7, 31 (Gratien, 32, 6, 1).

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    Rom. 2, 1.

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    Augustin, Sermo 132, De verbis Evangelii Johanni, c. 2, PL 38, col. 735-736. Yves, Décret 8, 45 (Gratien, 32, 6, 2).De verbis Domini est un recueil de sermons. Même citation lettres 155 et 188.

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    Jérôme, Commentarium in Osee, l. 1, 2, CCSL 76, p. 8 (PL 25, 823). Yves, Décret 8, 38 ; Panormie 6, 57 (Gratien, 32, 1, 14). Cette citation est reprise par Yves lettres 148, 155, 188.


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    a. Avranches, BM 243, 75rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 50v-51


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    J. Jesus College, Q.G.5, 24v-25


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    V. Vatican, Reg. Lat. 147, 18v-19


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    T. Troyes, BM 1924, 66rv


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    Au. Auxerre, BM 69, 48rv (le début manque)



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    À Daimbert, par la grâce de Dieu archevêque des Sénonais, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, le service accompagné d'un humble dévouement.

    À propos des croisés partis à Jérusalem dont les femmes ont forniqué, votre sainteté me semble avoir une bonne opinion parce que, selon la doctrine évangélique et apostolique, il faut que ceux-ci ou bien reviennent à leurs propres épouses ou bien, tant qu'elles sont en vie, demeurent sans aucune relation charnelle. Autrement, ceux qui ne s'écartent pas maintenant de leurs femmes adultères seront tenus pour adultères et seront jugés devant Dieu selon le châtiment des adultères, d'après la parole de l'Apôtre : « Dieu jugera les fornicateurs et les adultères. » Aussi Augustin dans le livre Des dix cordes : « Tu ne commettras pas d'adultère, c'est-à-dire tu n'iras pas vers une femme autre que ton épouse. » Le même dans le livre Des noces et de la concupiscence : « Les droits des noces conclus une seule fois demeurent toujours entre les vivants au point que les époux, même séparés, sont davantage liés entre eux qu'avec d'autres auxquels ils se seraient attachés. » Et peu après : « Il demeure entre les vivants un lien conjugal que ni la séparation ni la copulation avec un autre ne peut ôter. » Jérôme également à Oceanus : « Le Seigneur a prescrit qu'une épouse ne devait pas être répudiée, sauf pour raison de fornication, et si elle a été répudiée elle doit restée non mariée. Ce qui a été prescrit aux hommes rejaillit en conséquence sur les femmes. En effet on ne doit pas répudier une femme adultère et garder un mari infidèle. »

    Forts de ces autorités et d'autres du même genre, si parfois se produit chez nous un tel divorce pour cause de fornication, nous forçons par la censure ecclésiastique les gens séparés soit à se réconcilier soit à demeurer sans espoir de mariage. Et si ceux qui doivent précéder leurs épouses par la vertu veulent que leurs épouses soient victorieuses de leur désir, tandis qu'eux-mêmes en désirant s'attacher à d'autres femmes sont vaincus par le désir, nous leur conseillons de pardonner au sexe plus faible, en considérant la fragilité du vase féminin, ce qu'ils désirent voir pardonner au plus fort. Le bienheureux Augustin dit en effet Sur le sermon du Seigneur sur la montagne : « Il n'est en effet rien de plus inique que de répudier sa femme pour fornication si le mari aussi est lui-même convaincu de vouloir forniquer. Car on tombe sur ce mot de l'Apôtre :“Car en ce que tu juges autrui, tu te condamnes toi-même ; car tu fais les mêmes choses que celles que tu juges.” C'est pourquoi quiconque veut rejeter sa femme pour fornication doit lui aussi être étranger à la fornication. » Le même dans le livre Sur les mots du Seigneur, traité 47 : « Tu la recherches intacte, sois intact. Tu la recherches pure, ne sois pas impur. » Et s'ils craignent de devenir objets de blâme parce qu'ils reçoivent des femmes fornicatrices, qu'ils écoutent ce que dit Jérôme dans le Commentaire d'Osée : « Le prophète Osée ne doit pas être puni s'il ramène à la pudeur la courtisane qu'il a épousée ; mais il doit plutôt être loué parce que de mauvaise il l'a rendue bonne ; car celui qui demeure bon n'est pas souillé s'il s'associe au méchant, mais celui qui est méchant devient bon s'il suit les exemples du bon. » Et parce que je n'expose pas la loi à un ignorant, je pense que suffisent à tes demandes ces quelques mots qui ont été dits. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21062 (yves-de-chartres-125), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21062 (mise à jour : 21/09/2017).