Général
-
Yves, évêque de Chartres
-
Geoffroy, abbé de La Trinité de Vendôme
-
après 1101 - avant 1102
-
[vers 1101-1102]
-
Lettre
-
Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Gaufrido(1)(a), Vindocinensis monasterii abbati, salutem.
Quidam frater monasterii tui nomine Daniel(2) ad nos veniens graviter conquestus est a tua fraternitate se inordinate et miserabiliter multotiens tractatum, tam contumeliis verborum quam injuriis verberum(3), et qualem te in se expertus est, talem te existere in omnes aut pene omnes pronuntiat. Unde moneo fraternitatem tuam quatenus zelum tuum ita modifices ut nec tumori parcas, nec in sanas partes ferrum mittas ; et quos corripis cum charitate corripias et quibus parcis cum charitate parcas(4). Nosti enim quia, cum unus prophetarum ligna caedens immoderate percuteret, ferrum de manubrio prosilivit et unum de filiis prophetarum occidit(5). Sic sic(6), charissime, immoderatus rigor disciplinae quos corripit non corrigit(7), sed in laqueum diaboli(8) praecipitanter impellit. Rogo itaque et moneo fraternitatem tuam, quoniam praedictus monachus sub pondere correptionis(b) tuae deficit, ut eum in aliqua cella monasterii tui respirare permittas, aut, si omnino importabilis tibi videtur ejus conservatio, licentiam ei salvandi animam suam in alio monasterio concedas(9) et hoc mihi ad praesens rescribas(c). Ita enim fieri poterit ut et frater renovatis moribus melioretur et anima ejus de manu tua non requiratur(10). Vale.
-
G. J, Guillelmo T
-
correctionis J
-
et hoc...rescribas om. JT.
-
Voir lettre 57.
-
Voir Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettre 24, qui se situe vers 1101-1102 vu sa place dans le recueil chronologique. Bien que le nom du moine n'y soit pas inscrit, on peut penser que sa lettre répond à celle d'Yves : Geoffroy accepte d'être indulgent à condition que le moine vienne faire pénitence. L'affaire du moine Daniel est relatée dans le
Cartulaire de La Trinité de Vendôme, charte 400, éd. C. Métais, t. 2, p. 1536 ; coupable de nombreux méfaits, ayant fui son obédience, il rapporte des calomnies sur Geoffroy auprès du comte Geoffroy de Preuilly, puis ils s'emparent de l'obédience. Le conflit se régla vers 1102. Le comte dut faire amende honorable devant les légats Jean et Benoît, le moine fut condamné à ne plus diriger d'obédience. P. Petot, « Sur une charte-notice vendômoise »,Mélanges d'histoire du moyen âge dédiés à la mémoire de Louis Halphen, Paris, 1951, p. 581-586.
-
Jeu de mots fréquent, d'après Grégoire le Grand,
Hom. In Ev., 30, 8 ; concile de Vannes, c. 6, éd. C. Munier,Conciles de Gaule, 1963,CCSL, t. 148, p. 150-158. Cf. Geoffroy, lettres 68, 111, 113.
-
Expressions pauliniennes. La mesure dans la correction est sans cesse rappelée. Voir par exemple la lettre de Geoffroy de Vendôme à Robert d'Arbrissel, éd. citée, lettre 79.
-
Deut. 19, 5. Il ne s'agit pas d'un fils de prophète, mais c'est un exemple du Deutéronome pour parler d'homicide involontaire ; il y a peut-être confusion avec la hache du prophète Élisée, IV Reg. 6, 1-7. Yves,
Décret2, 7. L'exemple est repris par le concile de Mayence, c. 2. Yves,Décret10, 152.
-
Les manuscrits portent bien la répétition.
-
Jeu de mot difficile à rendre.
-
I Tim. 3, 7 ou 6, 9.
-
La permission de l'abbé peut seule libérer un de ses moines. Mais les abbés étaient réticents à laisser partir leurs moines, forts des règles monastiques prônant la stabilité,
Regula sancti Benedicti, 1, 11 ; 4, 78 ; 58, 9-17 ; 60, 9 ; 61, 5, ou des canons, Yves,Décret7, 8, 11, 150 etc. Geoffroy était particulièrement vigilant à ce sujet.
-
De manu tua requiram, expresion biblique, Ez. 3, 18 etpassim.
-
a. Avranches, BM 243, 52v
-
M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 34v-35
-
J. Jesus College, Q.G.5, 21rv
-
T. Troyes, BM 1924, 62v-63
-
Au. Auxerre, BM 69, 40rv
-
Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Geoffroy, abbé du monastère de Vendôme, salut.
Un frère de ton monastère, du nom de Daniel, est venu auprès de nous et s'est vivement plaint d'avoir été à plusieurs reprises traité par ta fraternité de manière irrégulière et pitoyable, tant par les outrages du verbe que par les coups des verges, et il affirme que tel il t'a éprouvé envers lui, tel tu te comportes envers tous, ou presque tous. Aussi conseillé-je à ta fraternité de modifier ton zèle de manière à ne pas épargner la tumeur, mais à ne pas non plus porter le fer dans les parties saines ; et que ceux que tu corriges, tu les corriges dans la charité, et que ceux que tu épargnes, tu les épargnes dans la charité. Car tu sais que, tandis qu'un des prophètes en coupant du bois frappait sans modération, le fer de ses mains tomba du manche et tua un des fils des prophètes. C'est ainsi, très cher, c'est ainsi que la rigueur d'une discipline immodérée ne corrige pas ceux qu'elle fustige mais les pousse à tomber rapidement dans les lacs du diable. C'est pourquoi je demande et je conseille à ta fraternité, puisque ledit moine succombe sous le poids de ta punition, de lui permettre de reprendre souffle dans une maison de ton monastère ou, s'il te paraît tout à fait insupportable de le garder, de lui accorder la liberté de sauver son âme dans un autre monastère et de m'en informer tout de suite. Ainsi il pourra se faire que ce frère devienne meilleur en renouvelant sa conduite et qu'il ne te soit pas demandé compte de son âme. Adieu.