Général
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Yves, évêque de Chartres
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Gui le Rouge, comte de Rochefort et sénéchal du roi de France
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circa 1095
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[1095]
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Lettre
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Ivo, humilis Carnotensis episcopus, Guidoni, regis dapifero(1), salutem.
Quae mihi mandasti per Landricum presbyterum jam audieram per Ebrardum nepotem tuum(2), videlicet quod rex multa mala dimittere et multa bona se promittat velle facere, si cum pace sedis apostolicae et communione ecclesiastica mulierem quam illicite habet valeat ad tempus retinere(3). Unde ex auctoritate divina hoc(a) charitati tuae rescribo quia nulla redemptione vel(b) commutatione quis peccatum suum poterit abolere, quamdiu vult in eo permanere, secundum illud Apostoli(4) : « Voluntarie peccantibus non relinquitur hostia pro peccato. » Quod est aliis verbis dicere quia nemo in peccato suo perdurare volens peccatum suum poterit aliqua eleemosyna vel oblatione redimere(5). Unde et Dominus Cain, sua offerenti et tamen homicidium cogitanti, legitur respondisse(6) : « Si recte offeras et non recte dividas, peccasti, quiesce. » Quasi dicat : « Peccas non recte partiendo qui(c) tua offers et, de homicidio tractans, teipsum, qui tuis melior es, mihi aufers. »
Hinc etiam dicit beatus papa Gelasius(7) : « Legatur(d) ex quo est religio christiana, vel certe(e) detur exemplum in Ecclesia Dei a quibuslibet pontificibus, aut ab ipsis apostolis, ab ipso denique Salvatore, veniam nisi(f) corrigentibus se fuisse concessam. Auditum autem sub isto(g) coelo ab aliquibus nec legitur omnino, nec dicitur(h) : Date nobis veniam, ut tamen nos in errore duremus(i). Ostendant(j) ergo quibus occasionibus, quibus regulis, qua lectione vel quo documento, sive a majoribus nostris, sive ab ipsis apostolis, quos potiores fuisse merito non dubium est, sive ab ipso Domino(k) Salvatore, qui judicaturus creditur vivos et mortuos, vel si(l) factum est unquam, vel faciendum esse mandatur. » Propter haec et multa his similia, scio consilium domini regis bonum exitum habere non posse, nisi ab hoc peccato desistat et Christi jugo se poenitendo subjiciat, cum Dominus(m) non nostra, sed nos ad salutem nostram requirat(8).
Dic ergo haec omnia domino regi, ut sanius consilium perquirat ; quod si ei Dominus(n) ministraret, me adjutorem in quibuscumque possem inveniret. Vale.
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haec V
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aut V
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quia J
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legitur JV
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certum éd. L
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non nisi corrigentibus se fuisse concessam J, nisi corrigentibus fuisse concessam V, nisi corrigentibus non esse concessam T
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ipso JVT
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dicitur quod eorum voce depromitur A (le ms d'Avranches suit le texte fourni par lesFausses décrétales)
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duremus. Id quoque par est A
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ostendit V, ostendatur T, ostendant qui nobis canones nituntur opponere quibus hoc canonibus A
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om. JV
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vel si éd. L, si vel AMJV, scilicet T, sive Fausses décrétales
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Deus éd. Ju
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Deus éd..
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Voir lettre 23.
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Ébrard III, vicomte de Chartres, seigneur du Puiset, mort en 1097. Alix, sœur de Gui le Rouge, avait épousé Hugues, châtelain du Puiset. A. Fliche,
Philippe Ier, p. 321. N. Civel,La fleur de France,p. 440.
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Voir lettre précédente.
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Hebr. 10, 26.
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Jeûnes, prières, veilles et aumônes sont en droit canonique les formes de repentance, par exemple Raban Maur,
Poenitentialec. 10. Yves,Décret6, 400,si se per jejunia et eleemosynas, vigiliasque et sacras orationes cum lacrymis purgare certaverint, his etiam, gradu servato, spes veniae de misericordia Dei promittenda est.
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Gen. 4, 7 selon Septante. Voir lettre 34.
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Gélase,
Supra Fausto,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 637. Yves,Coll. Trip.1, 46, 2. Deux extraits de cette lettre se trouvent dans leDécretd'Yves, 5, 9 et 14, 61, mais non ce passage.
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D'après II Cor. 12, 14.
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a. Avranches, BM 243, 32rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 20v
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J. Jesus College, Q.G.5, 13v
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 6v
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T. Troyes, BM 1924, 24v-25
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L. Lettres de saint Ives évêque de Chartres traduites et annotées par L. Merlet, Chartres, 1885,
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Yves, humble évêque de Chartres, à Gui, sénéchal royal, salut.
Ce que tu m'as mandé par le prêtre Landri, je l'avais déjà appris par ton neveu Ébrard, à savoir que le roi promet de renoncer à beaucoup de mal et de vouloir faire beaucoup de bien si, en paix avec le siège apostolique et en communion avec l'Église, il peut garder pour un temps la femme qu'il possède illicitement. C'est pourquoi selon l'autorité divine je réponds à ta charité que personne ne pourra abolir son péché par aucune rédemption ou aucun changement aussi longtemps qu'il veut y demeurer, selon le mot de l'Apôtre : « Pour ceux qui péchent de leur plein gré, il ne reste pas de victime pour leur péché ». Ce qui est dire en d'autres mots que personne qui veut persévérer dans son péché ne pourra le racheter par aucune aumône ou offrande. Aussi lit-on que le Seigneur a répondu à Caïn qui offrait de ses biens et pourtant projetait l'homicide : « Si tu offres correctement, mais que tu ne répartis pas correctement, tu as péché, abstiens-toi », comme s'il disait : « Tu pèches en ne partageant pas correctement, toi qui offres tes biens et qui, en méditant un homicide, m'enlèves ta personne même, qui vaut mieux que tes biens. »
C'est pourquoi le bienheureux pape Gélase dit aussi : « On lit que, depuis qu'existe la religion chrétienne ou depuis que l'exemple est donné de façon certaine dans l'Église de Dieu, ni par aucun des pontifes, ni par les apôtres eux-mêmes, ni enfin par le Seigneur lui-même, le pardon n'a été accordé si ce n'est à ceux qui se corrigent. Or on ne lit, on ne dit nullement ce qu'on entend dire par certains sous ce ciel : Donnez-nous le pardon pour que nous persistions néanmoins dans notre erreur. Qu'on montre donc en quelles occasions, par quelles règles, par quelle lecture ou quel document, soit nos ancêtres, soit les apôtres mêmes, qui sans nul doute furent plus grands par le mérite, soit le Seigneur Sauveur en personne, dont on croit qu'il viendra juger les vivants et les morts, ou bien ont fait cela un jour, ou bien ont ordonné qu'il faille le faire. » À cause de ces textes et de beaucoup de semblables, je sais que la décision du seigneur roi ne peut avoir une bonne fin, à moins qu'il ne renonce à son péché et ne se soumette au joug du Christ en faisant pénitence, puisque le Seigneur réclame pour notre salut non pas nos biens mais nous-mêmes.
Dis donc tout ceci au seigneur roi, pour qu'il recherche une décision plus saine. Si le Seigneur la lui inspirait, il me trouverait prêt à l'aider en tout ce que je pourrais. Adieu.