Général
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Yves, évêque de Chartres
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Lambert, évêque d’Arras
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circa 1094
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[1094]
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Lettre
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Lamberto, Dei gratia Atrebatensium episcopo(1), Ivo, Ecclesiae Carnotensis servus, sincerae dilectionis munus.
Si tanta esset nobis convicinitas locorum quanta est animorum, frequenter vellem tuo dulciloquio mulceri, tua consolatione refoveri, desiderarem tibi frequenter aestus meos effundere, perturbationum mearum crebras incursiones tuis orationibus propulsandas ostendere, amissam quietem spiritus tecum saepe deflere, in qua licebat aliquando divini amoris dulcedinem apposita divini Verbi mensa gustare. Sed quoniam et tu, jubente Deo, remigasti in altum ut laxares retia in capturam(2), amodo poteris ex tuis mea pensare pericula, qualia praelatos in profundo experiri pronuntiat Psalmista(3) : « Ascendunt usque ad coelos et descendunt usque ad abyssos ; anima eorum in malis tabescebat. Turbati sunt et moti sunt sicut ebrius et omnis sapientia eorum devorata est. » In quibus periculis unum est singulare consilium, quatenus toto affectu clamemus ad Dominum(4), cui mare et venti obediunt(5), ut procellam nostram convertat in auram et sileant fluctus ejus(6). Quod si Dominus in navi dormiens(7) ut experiatur sustinentiam nostram moram fecerit, sustinentes sustineamus quia veniet(8) et supra sustinentiam nostram tentari nos non permittet(9).
De caetero, charissime, laeta tua, tristia tua communica suo tempore diligenti et dilecto, quia laeta et tristia tua mea sunt(10), sicut mea tua esse non ambigo. Vale.
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La lettre est éditée dans la correspondance de Lambert d'Arras, éd. citée,
Registre, E. 5, p. 334-337. Les seules variantes sont l'ajout deet devotae orationisdans l'adresse, l'emploi devicinitasau lieu deconvicinitas, desupraau lieu desuperdans la citation de Paulin fine. Lambert avait été à Saint-Quentin l'élève d'Yves, sans doute à partir de 1068. En 1093 il fut élu évêque d'Arras et consacré par Urbain II le 17 février 1094 après bien des difficutés dues d'abord aux réticences devant le rétablisemennt de l'évêché d'Arras puis au refus de l'archevêque Renaud de Reims de le consacrer. Toutes ces péripéties sont narrées dans lesGesta, édition citée. Une seule lettre de Lambert à Yves est conservée, E. 119, p. 490-492, sans date, où il le remercie de lui avoir envoyé un remède.
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Luc 5, 4.
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Ps. 106, 26-27.
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Ps. 119, 1 etc.
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Matth. 8, 25.
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Ps. 106, 29.
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Matth. 8, 21.
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Hab. 2, 3.
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I Cor. 10, 13.
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Luc. 15, 31
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a. Avranches, BM 243, 25v
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 16
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T. Troyes, BM 1924, 78rv
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Au. Auxerre, BM 69, 10rv
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À Lambert, par la grâce de Dieu évêque des Atrébates, Yves, serviteur de l'Église de Chartres, don de sincère affection et de pieuses prières.
Si la proximité de nos résidences était aussi grande que celle de nos âmes, je voudrais bien souvent jouir de la douceur de ta conversation, être réchauffé de ta consolation, je désirerais bien souvent épancher auprès de toi mes troubles, te dévoiler les nombreuses attaques de mes tourments pour qu'ils soient chassés par tes prières, pleurer souvent avec toi le repos d'esprit que j'ai perdu, dans lequel on pouvait autrefois goûter la douceur de l'amour divin à la table du Verbe divin. Mais puisque toi aussi, sur l'ordre de Dieu, tu as ramé vers la haute mer pour lancer tes filets pour la pêche, tu pourras dorénavant évaluer d'après les tiens mes dangers, qui sont ceux que le Psalmiste dit être éprouvés par les prélats dans la mer profonde : « Ils montent jusqu'aux cieux et descendent jusqu'aux abysses ; leur âme séchait dans la douleur. Ils ont été troublés et émus comme un homme ivre et toute leur sagesse a été dévorée ». Au milieu de ces dangers il n'est qu'un seul et unique conseil, de tout notre cœur crions vers le Seigneur, à qui obéissent la mer et les vents, pour qu'il change notre tempête en brise et que ses flots fassent silence. Et si le Seigneur, dormant sur le navire, s'attarde pour éprouver notre résistance, résistons de toute notre force parce qu'il viendra et ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de ce que notre résistance peut supporter.
Dorénavant, frère très cher, fais-moi part en leur temps de tes joies et de tes peines, comme à un frère aimant et aimé, car tes joies et tes peines sont les miennes, comme je ne doute pas que les miennes soient les tiennes. Adieu.