Général
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Yves, évêque de Chartres
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Philippe 1er, roi de France
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après 1094/03 - avant 1094/04
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[mars ou avril1094]
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Lettre
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Philippo, Dei gratia magnifico Francorum regi, Ivo, humilis sublimitatis suae clericus, sic se regere ut Regi regum(1) valeat complacere.
Excellentiae vestrae litteras nuper accepi quibus submonebar ut apud Pontesium vel Calvum montem(2) cum manu militum vobis, die quem statueratis, occurrerem, iturus vobiscum ad placitum quod futurum est inter regem Anglorum et comitem Northmannorum(3), quod facere ad praesens magnae et multae causae me prohibent. Primo quia dominus papa Urbanus interdicit vobis auctoritate apostolica thorum mulieris quam pro uxore habetis et(a) quia sacramentum de securitate concilii(4) quod vobis mandaverat fieri vetuistis. A cujus commixtione si amodo non cessatis, separat vos eadem auctoritas a participatione dominici corporis et sanguinis(5). Interdicit etiam omnibus episcopis ne capiti illius mulieris coronam imponant quam, ut ubique pene terrarum dicitur, lateri vestro illicite copulastis. Parcens igitur majestati vestrae, dissimulo vestram adire praesentiam ne, sedis apostolicae jussione compulsus, cui vice Christi parere me oportet, quod nunc dico in aure cogar in vestris et multorum auribus publicare. Ego autem nolo vos scandalizare, vel regiam majestatem vestram minuere, quamdiu possum aliqua honesta ratione dissimulare. Praeterea casati ecclesiae et reliqui milites pene omnes vel absunt, vel pro pace violata excommunicati sunt(6), quos sine satisfactione reconciliare non valeo et excommunicatos in hostem mittere non debeo. Postremo novit vestra serenitas quia non est mihi in curia vestra plena securitas, in qua ille sexus(7) mihi est suspectus et infestus, qui etiam amicis aliquando non satis est fidus. Exspecto igitur ut aliquando cor vestrum, illustrante divina clementia, contra sibilum serpentis auditum obturetis et monitis salutis aures cordis(8) aperiatis. Hoc desidero, hinc ante Deum quotidie preces fundo. Valete.
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om. AM.
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Apoc. 19, 16. Noter le triple emploi de la racine
reg.
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Pontoise, chef-lieu arr., Val d'Oise ; Chaumont-en-Vexin, arr. Beauvais, Oise.
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Sur cette rivalité et l'ost royal, voir A. Fliche,
Philippe Ier, p. 299. Le roi d'Angleterre est Guillaume le Roux, 1087-1100. Le duc de Normandie est son frère Robert Courteheuse, 1087-1106/1134.
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La seule lettre de convocation à ce concile est adressée par Hugues de Lyon à Lambert d'Arras,
Registre, éd. citée, C. 56, p. 200-202, où Hugues dit avoir repoussé cette convocation tant qu'il a pu :Novit fraternitatis vestræ dilectio quam frequentibus domni papæ Urbani litteris de convocanda in Gallia synodo sim commonitus et obedientia astrictus et quod diutius onus illud suscipere recusaverim, quia vero ulterius repugnare nec volui nec debui. Le concile fut convoqué à Autun, hors du domaine royal, et s'ouvrit le 16 octobre 1094 ; on y décida l'excommunication du roi. O. Pontal,Les conciles, p. 223.
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La communion se faisait sous les deux espèces, séparément, comme le rappelle le canon 30 du concile de Clermont (version de Lambert d'Arras, éd. citée, p. 190) :
nisi corpus separatim et sanguinem similiter.
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Sur la paix de Dieu, voir lettre 44.
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Geoffroy de Vendôme emploie les mêmes termes pour parler de la comtesse de Vendôme, lettre 1, éd. citée,
sexumillum mihi suspectum invenio, lettre 154,sexum femineum quem etiam amicis novimus inimicum.
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Aures cordis, métaphore patristique courante.
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a. Avranches, BM 243, 23
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 14rv
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À Philippe, par la grâce magnifique roi des Francs, Yves, humble clerc de sa sublimité, se régir de manière à pouvoir plaire au Roi des rois.
Je viens de recevoir une lettre de votre excellence où j'étais sommé de me rendre auprès de vous à Pontoise ou à Chaumont avec une troupe de chevaliers au jour que vous aviez décidé, pour aller avec vous au plaid qui doit avoir lieu entre le roi d'Angleterre et le comte de Normandie, ce que m'interdisent de faire en ce moment de grandes et nombreuses raisons. D'abord parce que le seigneur pape Urbain vous interdit par l'autorité apostolique la couche de cette femme que vous tenez pour épouse et parce que vous avez refusé de faire le serment qu'il vous avait demandé concernant la sécurité du concile. Si vous ne cessez pas sans tarder votre union avec elle, cette même autorité vous sépare de la participation au corps et au sang du Seigneur. Elle interdit aussi à tous les évêques de poser la couronne sur la tête de cette femme que vous avez prise illicitement à votre côté, comme on le dit presque partout sur la terre. Donc pour épargner votre majesté j'évite de venir en votre présence de peur que, frappé par un ordre du siège apostolique, auquel il me faut obéir comme au Christ, ce que je vous dis maintenant à l'oreille je ne sois contraint de le proclamer à vos oreilles et à celles de beaucoup. Quant à moi je ne veux pas vous scandaliser ni diminuer la majesté royale aussi longtemps que je peux dissimuler par quelque raison honorable. En outre les chasés de l'Église et le reste des chevaliers sont presque tous ou absents ou excommuniés pour avoir violé la paix, et je ne peux les réconcilier sans qu'ils aient fait satisfaction et je ne dois pas envoyer les excommuniés à l'ost. Enfin votre sérénité sait qu'il n'y a pas pour moi pleine sécurité en votre cour, où m'est suspect et hostile ce sexe qui n'est parfois pas assez fidèle, même envers ses amis. J'attends donc qu'un jour vous fermiez votre cœur à l'écoute des sifflements du serpent, éclairé par la clémence divine, et que vous ouvriez les oreilles de votre cœur aux avertissements du salut. Voici ce que je désire, et pourquoi je répands chaque jour des prières devant Dieu. Adieu.