« yves-de-chartres-20 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Chartres (clergé et ville)

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    après 1092 - avant 1093


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    [1092-1093](1)

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis episcopus, clericis et laicis Carnotensibus, salutem.

    Audivi primates urbis vestrae ad invicem conjurasse guerram se facturos adversus vicecomitem pro mea liberatione(2) ; quod nequaquam mea liberatio est, sed inclusionis meae non solum exasperatio, sed interminata productio. Quare ne fiat prohibeo, interdico. Neque enim incendiis domorum, depraedationibus pauperum potestis Deum placare, sed vehementer exasperare sine cujus beneplacito neque vos neque aliquis poterit me liberare. Nolo ergo ut adversum me impleri faciatis aures Dei(a) pauperum clamoribus, lamentis viduarum. Neque enim decens est ut qui armis bellicis(3) ad episcopatum non veni, armis bellicis recuperem, quod non est pastoris, sed invasoris. Si manus Domini tetigit me(4) et adhuc extenta est super me(5), permittite me solum ebibere miseriam meam et sustinere iram Dei, donec justificet causam meam(6), et nolite tribulationem meam aliena cumulare miseria. Decretum est enim mihi non solum includi, vel ecclesiastico honore privari, sed etiam magis mori, quam per me stragem hominum fieri. Moneo igitur vos per supereminentem Christi charitatem(7), ut neque hoc(b) faciatis neque fieri permittatis. Quod tamen si feceritis, certum est quia nihil proderit vobis, cum detentor meus multos habeat adjutores, et nihil habeat quod ei auferre possitis. Recordamini quod legitur(8), quia « Petrus servabatur in carcere, oratio autem sine intermissione fiebat ab Ecclesia ad Deum pro eo. » Orationibus ergo et severitate ecclesiastica contenti estote, quam si transgressi fueritis, scio quia me ulterius episcopum habere non vultis. In eo enim quod semel recessistis, sicut exitus approbat, non bene mihi et vobis consuluistis. De caetero ergo contenti estote terminis quos posuerunt patres vestri(9) ne, si his contenti non fueritis, quaeram liberationem meam eo forsitan modo qui non placeat vobis. Deus pacis(10) et consolationis det vobis in hoc negotio et in omnibus aliis recta sapere(11) et facere. Valete.


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    cum V 

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    haec V.


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    Cette lettre est antérieure à la précédente.

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    Le vicomte est Hugues Ier dit Blavons (et non Hugues II comme dit L. Merlet ni, comme dit J. Leclercq, Hugues III, son petit-fils dont parle Suger dans la Vie de Louis VI, p. 129-135). Il est seigneur du Puiset (cant. Janville, arr. Chartres, Eure-et-Loir), en 1067, vicomte de Chartres en 1073 ; il mourut le 23 décembre 1094, Suger, op. cit., p. 130, n. 1. A. de Dion, « Le Puiset au XIe et au XIIe siècle », Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, 1886. Tous les membres de cette famille étaient des rebelles belliqueux et de nombreuses lettres d'Yves évoquent les démêlés qu'il eut avec eux.

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    I Chron. 12, 33 et 37.

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    Vocabulaire prophétique, d'après Jer. 1, 9 ; Dan. 10, 10.

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    D'après Is. 9, 12 et passim.

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    Urbain II adressa une lettre à Renaud, archevêque de Reims, et à ses suffragants, le 20 octobre 1092, leur demandant d'obtenir la libération d'Yves ou d'excommunier le coupable et de jeter l'interdit sur ses terres, lettre 68, PL 151, col. 354. Sur cet emprisonnement, voir aussi note lettre 19.

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    Eph. 3, 19.

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    Petrus...pro eo, Act. 12, 5.

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    D'après Prov. 22, 28. L'expression sert d'adresse à la lettre de Geoffroy de Vendôme à Robert d'Arbrissel, l. 79, éd. G. Giordanengo. Elle apparaît plusieurs fois dans des canons du Décret d'Yves.

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    Phil. 4, 9 ;I Thess. 5, 23 et II Cor. 1, 3 pour consolationis.

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    Voir l'adresse de la lettre 5.


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    a. Avranches, BM 243, 19rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 11v-12


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    V. Vatican, Reg. Lat. 147, 6rv


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    T. Troyes, BM 1924, 2v-3



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    Yves, par la grâce de Dieu évêque de Chartres, aux clercs et laïcs chartrains, salut.

    J'ai appris que les notables de votre ville se sont alliés entre eux pour faire la guerre contre le vicomte en vue de ma libération. Ce n'est nullement une libération pour moi, c'est non seulement une aggravation de ma réclusion, mais c'en est un allongement sans limite. C'est pourquoi je m'oppose à ce que cela se fasse, je l'interdis. Et en effet vous ne pouvez apaiser Dieu par des incendies de maisons, des pillages de pauvres, mais vous pouvez exaspérer grandement celui sans le bon plaisir de qui ni vous ni personne ne pourrez me libérer. Je ne veux donc pas que vous fassiez en sorte que les oreilles de Dieu soient remplies contre moi des clameurs des pauvres, des lamentations des veuves. Et en effet il ne convient pas que moi qui ne suis pas venu à l'épiscopat par des armes de guerre, je le récupère par des armes de guerre, ce qui n'est pas le fait d'un pasteur mais d'un envahisseur. Si la main du Seigneur m'a touché et est encore étendue sur moi, permettez-moi de boire seul ma misère et de supporter la colère de Dieu jusqu'à ce qu'il rende justice à ma cause et n'ajoutez pas à ma tribulation par la misère d'autrui. Car j'ai pris la décision non seulement d'être enfermé ou de perdre l'honneur ecclésiastique, mais même de mourir, plutôt que d'être cause d'un massacre d'hommes. Je vous demande donc, au nom de la charité souveraine du Christ, de ne pas agir ainsi et de ne pas permettre qu'on agisse ainsi. Si toutefois vous agissiez ainsi, il est certain que cela ne vous servirait à rien, puisque celui qui me retient a beaucoup de partisans et n'a rien que vous puissiez lui enlever. Rappelez-vous qu'on lit que Pierre était gardé en prison mais qu'une prière ininterrompue s'élevait de l'Église vers Dieu pour lui. Contentez-vous donc des prières et de la rigueur ecclésiastique ; car si vous la transgressez, je sais que vous ne voulez plus m'avoir ensuite comme évêque. En effet quand vous vous en êtes une fois écartés, vous n'avez pas pris une bonne décision ni pour moi ni pour vous, comme le résultat le prouve. À l'avenir restez donc dans les limites qu'ont fixées vos pères de peur que, si vous ne vous en contentez pas, je ne recherche ma délivrance d'une manière qui peut-être ne vous plaira pas. Adieu. Que le Dieu de paix et de consolation vous donne dans cette affaire et dans toutes les autres de penser et d'agir droitement. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 20957 (yves-de-chartres-20), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/20957 (mise à jour : 21/09/2017).