Général
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Yves, évêque de Chartres
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Urbain 2, pape
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Urbano, summo pontifici, patri et domino suo, Ivo humilis Carnotensis Ecclesie minister(a), salutem(1)(b)
Si animo meo morem gerere(2) vellem, si denique sic esset tolerabile ut non etiam poenale judicaretur successorem Petri in arce summi pontificatus positum lacessere(c), jam quidem in vos odiorum castra movere, maledictis persequi non cessarem. Credo enim, propter quod loquor(3)(d) me opera vestra de tranquillitatis littore abstractum in altitudinem maris inopinato casu devenisse et temporalium occupationum quasi procellosis fluctibus jactandum prospicio, ubi, dum multorum utilitatibus providere compellor, tam meae quam ipsorum saluti posse sufficere despero. Elegeram abjectus esse in domo Dei, utpote cui non generis nobilitas, non scientiae dignitas eloquentiae(e) animos dabat, et paucorum fratrum pia societas charitate plena plus omnibus divitiis mihi applaudebat, cum sic mihi latenti, nec tale quid suspicanti Ecclesia Carnotensis pontificatus(f) professionis pondus obtrusit(g) ; nec sane ejus voluntati aliqua ratione victus cederem, nisi id vos velle atque praecepisse, cui non obedire nefas est, protestaretur.
Episcopum Belvacensem sanctitati vestrae commendo, cujus simplicitas hoc habet laudabile, quod nec perversa agentibus placere, nec recta(h) sapientibus displicere potest ; novit(i) enim prudentia vestra eum in quibusdam accusatum, non tam zelo justitiae quam virtutis aemulatione. Sed mihi non videtur rationabiliter posse fieri, ut a minori persona debeat retractari, quod sub vestri judicii examine finem sortiri meruit. Sed ad me revertar, quem pastoralis curae vincula premunt ; qui etiam, quod(j) nondum erratibus meis adhibui, cogor debere correctionem alienis erroribus; cujus vita, licet olim in conspectu summi Judicis calumniosa(k) haberetur, nunc maxime tamen vicinior est(l) accusationi suae quam excusationi alienae. Valete.(m)
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servus V, Ivo Carnotensis J éd.
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om. V éd.
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lacessem J
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et loquor V
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scientiae dignitas, non eloquentia JT
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pontificalis JT
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obstruxit J, obstrusit V
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recte V Juret
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noverit JT
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quam T
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calumniose T
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om. J
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vale éd.
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Cette lettre, éditée par Fr. Juret,
PL162, col. 15, qu'il dit avoir trouvéein vetustis schedis Ant. Loeselli jur., est présente dans les manuscrits Jesus, Troyes et Vatican Reg. Lat., mais n'apparaît dans aucun des autres manuscrits collationnés. Les quelques variantes données par ces manuscrits diffèrent peu du texte de Juret.
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Animo morem gessero, Térence,Andrienne, acte 4, vers 641.
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Credidi, propter quod locutus sum, Ps. 115, 10.
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a. Avranches, BM 243, 10rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 5rv
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J. Jesus College, Q.G.5, 31rv
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 24v
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T. Troyes, BM 1924, 59v-60.
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À Urbain, souverain pontife, son père et seigneur, Yves de Chartres humble ministre de l'Église de Chartres, salut.
Si je voulais satisfaire mon ressentiment, si, en un mot, attaquer le successeur de Pierre placé au sommet du souverain pontificat était tolérable au point de n'être même pas jugé condamnable, je ne cesserais assurément pas de lever le camp des haines contre vous, de vous poursuivre de mes malédictions. Car j'ai foi, lors même que je dis qu'arraché par votre œuvre à la tranquillité du rivage je suis parvenu dans les profondeurs de la haute mer par un hasard inopiné et je vois que je dois être jeté comme dans les flots tempétueux des occupations temporelles où, en étant poussé à pourvoir aux intérêts de beaucoup, je désespère de pouvoir suffire tant à mon salut qu'au leur. J'avais choisi d'être abaissé dans la maison de Dieu, comme quelqu'un à qui ni la noblesse de la race, ni la dignité de la science, ni l'éloquence ne donnaient de fierté, et la pieuse société pleine de charité de quelques frères me glorifiait plus que toutes les richesses, alors que l'Église de Chartres m'a imposé le poids de la profession pontificale, à moi qui me cachais et ne recherchais rien de tel, ; et je ne céderais assurément pas à sa volonté, vaincu par aucun raisonnement, si elle n'avait protesté que vous le vouliez et l'aviez prescrit, vous à qui ne pas obéir est impie.
Je recommande à votre sainteté l'évêque de Beauvais, dont la simplicité a ceci de louable qu'elle ne peut ni plaire à ceux qui font le mal, ni déplaire à ceux qui raisonnent droitement ; car votre prudence sait qu'il a été accusé en certaines choses non tant par zèle de la justice que par jalousie de sa vertu. Mais il ne me semble pas qu'il puisse raisonnablement se faire que quelqu'un doive être corrigé par un inférieur, puisque par l'appréciation de votre jugement il a mérité d'en voir le terme. Mais revenons à moi, que les liens du souci pastoral oppressent ; qui suis même forcé de devoir corriger les errements des autres, ce que je n'ai pas encore fait pour mes erreurs ; dont la vie, alors qu'elle se trouvait autrefois malheureuse aux regards du juge suprême, est cependant, surtout maintenant, plus proche de mériter son accusation que la justification d'autrui. Adieu.