Général
-
Yves, évêque de Chartres
-
Pascal 2, pape
-
après 1090 - avant 1116
-
n.c.
-
Lettre
-
Paschali, summo(a) pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, cum plena obedientia plena salutis gaudia.
Causae quam inter me et abbatem Majoris Monasterii coram Praenestino episcopo, sedis apostolicae legato, fieri praecepistis(1), praepediente corporis infirmitate, interesse non potui ; responsales tamen meos et litteras meas calumniosis monachorum objectionibus obviantes eidem legato vestro et episcopis quos ad hanc causam tractandam convocaverat transmisi. Quarum litterarum veritatem cum monachi nullo judiciario ordine infirmare valuissent, nondum aliquo judicio praegravati vel aliqua in eos data sententia, non confidentia justitiae, sed causa afferendae morae(2), absentem et aegrotantem me ad apostolicam sedem invitaverunt, cum ego per responsales meos obstringere me vellem ad ea infirmanda quae mihi objecerant et ea judiciario ordine comprobanda quae litteris meis injustis eorum objectionibus responderam, si infirmitati meae indulgeretur locus opportunus et tempus opportunum.
Ut autem summam veritatis breviter concludam(3), noverit vestra sanctitas(b) quia nullam investituram illius Ecclesiae de qua controversia est, nec in toto, nec in parte habuerint, nisi per invasionem aut subreptionem. Quae invasio cum ad aures domni Hugonis Diensis episcopi delata fuisset, qui tunc temporis legatus erat papae Gregorii(4), missis litteris praedictam Ecclesiam a monachorum invasione liberavit et canonicis ibidem servientibus apostolica auctoritate quietam reliquit. Ab eo ergo tempore eadem Ecclesia nullam inquietudinem, nullum clamorem legitimum, vel in capitulo Carnotensi, vel in synodo provinciali, vel in concilio generali sustinuit, sed sub suo episcopo, clericis vicissim sibi succedentibus, per triginta aut eo amplius annos in clericali ordine militavit. Nunc vero, cum vellem eorumdem clericorum vitam vel(c) ordinem ad meliorem statum erigere, monachi adversus me surrexerunt et propositum meum injustis calumniis impedierunt. Et cum eis nullam justitiam denegassem, praepostero saltu(5) et postposito ordine judiciario ad aures apostolicas injuriosam calumniam detulerunt.
Flexis igitur genibus cordis, supplico sanctitati vestrae ut hanc injuriam meam vestram reputetis et intra provinciam nostram, sub judicibus a paternitate vestra ordinatis, causam hanc in loco vicino, in quo possim meam exhibere praesentiam, tractari et terminari jubeatis, aut monachos cognito ordine rerum ab injusta calumnia cessare faciatis. Misi itaque paternitati vestrae litteras quas scripsi legato vestro(6) et episcopis quos ad hanc causam idem legatus convocaverat, ut in eis veritatem quam probare paratus eram in loco opportuno liquide cognoscatis et ita propulsandae injustitiae et defendendae justitiae melius providere valeatis. Quaecumque enim de hac causa ibidem continentur, paratus sum canonice probare, si imbecillitati meae indulgeatur locus opportunus et tempus opportunum. Consulat igitur beatitudo vestra famae suae ut nullum praejudicium apud vos fieri permittat senectuti et imbecillitati meae, vel demembrationem Ecclesiae mihi commissae.
De caetero obsecro per viscera paternae misericordiae ut, si aliquis clericorum Carnotensium aliqua subreptione a vobis impetrare voluerit ut ei geminetur honor ecclesiasticus(7), non acquiescatis, ne praevaricationi imputetur et perniciosa consuetudo quae abolita fuerat redintegretur. Sub eisdem precibus commendo paternitati vestrae Ecclesiam Beati Joannis Baptistae(8) et ejusdem Ecclesiae abbatem praesentium portitorem, ut quod pro necessitate pusilli gregis(9) sibi commissi postulaverit obtineat, unde religio loci sibi commissi crescat et vigeat. Valete.
-
Dei gratia M
-
sancta paternitas M
-
et M.
-
Voir lettres 266, 267, 268. L'affaire avait été portée devant le légat Conon de Préneste.
-
Même expression lettres 166, 219.
-
Le résumé qui suit reprend à peu près les termes de la lette 266.
-
Hugues de Die, légat de Grégoire VII, voir lettre 266.
-
Sur cette expression,voir lettre 185.
-
Lettre 267.
-
Singuli tamen per singulos titulos suos, Anaclet, c. 28,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 82. Yves,Décret5, 58, 98 (Gratien, D. 80, 3).
-
Saint-Jean-en-Vallée, voir lettre 91. L'abbé est Albert entre 1111 et 1115. Lui succède Etienne, frère du vidame de Chartres Hugues ; il devint patriarche de Jérusalem en 1128 et mourut en 1130.
-
Luc. 12, 32.
-
M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 98rv
-
À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, pleines joies du salut avec pleine obéissance.
Je n'ai pas pu participer, empêché par l'infirmité de mon corps, au procès entre moi et l'abbé de Marmoutier que vous avez prescrit de traiter devant l'évêque de Préneste, légat du siège apostolique ; j'ai toutefois envoyé devant votre même légat et les évêques qu'il avait convoqués pour traiter cette affaire mes représentants et ma lettre dénonçant les objections calomnieuses des moines. Comme les moines n'avaient pu infirmer par aucun ordre judiciaire la véracité de cette lettre, sans être encore soumis à aucun jugement ou à quelque sentence portée contre eux, non par confiance en la justice, mais pour apporter un délai, ils me convoquèrent, absent et malade, devant le siège apostolique, alors que moi je voulais par mes représentants m'attacher à infirmer ce qu'ils m'avaient objecté et à prouver selon l'ordre judiciaire ce que j'avais répondu dans ma lettre à leurs objections injustes, à condition qu'un lieu opportun et un moment opportun soient concédés à mon infirmité.
Or, pour se limiter brièvement au résumé de la vérité, que votre sainteté sache qu'ils n'ont eu, ni en tout ni en partie, aucune investiture de cette Église sur laquelle il y a controverse, si ce n'est par usurpation ou subterfuge. Comme cette usurpation avait été rapportée aux oreilles du seigneur Hugues, évêque de Die, qui était en ce temps légat du pape Grégoire, il délivra par l'envoi d'une lettre ladite Église de l'usurpation des moines et la laissa aux chanoines qui la desservaient dans la tranquillité selon l'autorité apostolique. Depuis ce temps donc, cette Église n'a subi aucun tracas, aucune plainte légitime, ni dans le chapitre de Chartres, ni dans un synode provincial, ni dans un concile général, mais, les clercs se succédant les uns aux autres, elle milita sous son évêque dans l'ordre des clercs pendant trente ans ou plus. Or maintenant, comme je voulais redresser la vie de ces clercs et leur ordre vers un meilleur statut, les moines se sont dressés contre moi et ont empêché mon projet par d'injustes calomnies. Et bien que je ne leur eusse dénié aucune justice, ils ont porté, en sautant sens devant derrière et en mettant par-derrière l'ordre judiciaire, leur calomnie injurieuse aux oreilles apostoliques.
Donc, les genoux du cœur fléchis, je supplie votre sainteté de considérer comme vôtre cette injustice qui est la mienne et d'ordonner de traiter et de terminer cette cause à l'intérieur de notre province, devant des juges choisis par votre paternité, dans un lieu proche où je puisse me présenter en personne, ou bien d'intimer aux moines de renoncer à cette calomnie injuste une fois que vous connaîtrez le déroulement des faits. C'est pourquoi j'ai envoyé à votre paternité la lettre que j'ai écrite à votre légat et aux évêques que ce même légat avait convoqués pour cette affaire, afin que vous connaissiez clairement par elle la vérité que j'avais été prêt à prouver en lieu opportun et qu'ainsi vous puissiez prendre de meilleures mesures pour repousser l'injustice et défendre la justice. Car tout ce qui est contenu là sur cette affaire, je suis prêt à le prouver canoniquement si un lieu opportun et un moment opportun sont ménagés à ma faiblesse. Que votre béatitude consulte donc sa renommée pour faire en sorte qu'il n'arrive plus auprès de vous aucun préjudice pour ma vieillesse et ma faiblesse ni aucun démembrement de l'Église qui m'a été confiée.
En outre je vous supplie, par les entrailles de votre miséricorde paternelle, de ne pas acquiescer si un des clercs de Chartres voulait par quelque machination obtenir de vous que l'honneur ecclésiastique soit doublé pour lui, de peur que ce ne vous soit imputé à prévarication et que ne soit réintroduite une coutume pernicieuse qui avait été abolie. Avec ces mêmes prières je recommande à votre paternité l'Église de Saint-Jean-Baptiste et l'abbé de cette même Église, porteur de la présente, pour qu'il obtienne ce qu'il aura demandé pour les besoins du petit troupeau qui lui a été confié, grâce à quoi la piété du lieu qui lui a été confié puisse croître et prospérer. Adieu.