« yves-de-chartres-190 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Pascal 2, pape

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    circa 1108/12


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    [fin décembre 1108](1)

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    Lettre

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    Paschali, summo pontifici, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, dilectionem filii et obedientiam per cuncta subjecti.

    Notum esse volumus excellentiae vestrae quia ego et domnus Theobaldus, beati Martini Parisiensis monasterii prior(2), audientes miserabilem et mirabilem Remensis Ecclesiae desolationem, ausu familiaritatis opportune et importune(3) regem Francorum interpellavimus quatenus praedictae Ecclesiae expulso invasore Gervasio(4) pacem restitueret et domnum Radulfum(5), ejusdem Ecclesiae metropolitanum, in gratiam suam receptum eidem Ecclesiae praeesse concederet. Acquievit tandem precibus nostris et concessit ut eum ad curiam suam, quae Aurelianis in Natali Domini congreganda erat(6), secure adduceremus et ibi cum eo et cum principibus regni de hoc negotio, quantum fieri posset salva regni integritate, tractaremus. Factum est ut condictum erat et convenientes in curiam multiplicatis intercessoribus petitionem nostram semel et saepius replicavimus. Sed reclamante curia plenariam pacem impetrare nequivimus, nisi praedictus metropolitanus per manum et sacramentum eam fidelitatem regi faceret(7) quam praedecessoribus suis regibus Francorum antea fecerant omnes Remenses archiepiscopi et caeteri regni Francorum quamlibet religiosi et sancti episcopi(8). Quod persuadentibus et impellentibus totius curiae optimatibus, etsi propter mandatorum rigorem minus licebat(9), factum est tamen, quia ecclesiasticae paci et fraternae dilectioni sic expediebat. Cum enim plenitudo legis sit charitas(10), in hoc legibus obtemperatum esse credidimus(a) in quo charitatis opus impletum esse cognovimus(11).

    Petimus ergo, flexis genibus cordis, ut hoc eodem intuitu charitatis et pacis veniale habeat paterna moderatio, quod illicitum facit non aeterna lex, sed intentione acquirendae libertatis praesidentium sola prohibitio(12). In excessibus ergo filiorum utili dispensatione et compensatione(13) contractis, sufficiat patri verbum pro verbere et devota filiorum supplicatio pro summo reputetur supplicio. Si enim vult apostolica auctoritas omnia quae medicinali condescensione dispensantur districte judicare, oportebit pene omnes ministros administrationibus suis renuntiare, aut de mundo exire ; nec habebunt « ubi seminent spiritualia, nisi permittantur aliqua tolerare carnalia »(14). Unde necessitati temporum cedendum esse apostolica docet sublimitas et orthodoxorum consulit auctoritas dicens « quia ubi populorum strages jacent, detrahendum est aliquid » canonum « severitati, ut majoribus morbis sanandis charitas sincera subveniat »(15). Haec dicendo tamen doctam paternitatem vestram non docemus, sed eamdem consulendo et rogando monemus ut ibi consilii et pietatis studeatis visceribus(16) abundare ubi fas non est debitam fortitudinem exercere. Valete.


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    credimus A éd.


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    Lettre éditée dans le Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs, monastère parisien, éd. J. Depoin, t. 1, Ligugé-Paris, 1912, p. 200-201, n° 126, qui propose cette date. J. Dufour, Actes de Louis VI, t. 2, p. 450, n. 6.Cf. A. Luchaire, Annales de la vie de Louis VI, no 60, p. 32-33, qui a précisé la date des événements relatés (3 août-25 décembre 1108). La lettre a été écrite peu après l'assemblée d'Orléans (Noël 1108) : les termes de la lettre montrent bien que Louis VI est seul roi.

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    Saint-Martin-des-Champs de Paris, fondé en 1060, d'abord collégiale de chanoines réguliers, devenue en 1079 prieuré de Cluny. Thibaud (1106-8 janvier 1108) succède au premier prieur Ursion, mort le 12 octobre 1105. Une bulle de Pascal II lui est adressée le 2 des calendes de mai 1107, à Saint-Denis (lettre 211, PL 163, col. 209).

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    II Tim. 4, 2.

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    Gervais de Rethel, frère de Baudoin roi de Jérusalem. Son élection fut cassée par Pascal II comme non canonique, voir lettre 161.

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    Raoul le Vert. Philippe Ier qui soutenait Gervais ne voulut pas le reconnaître jusqu'à sa mort 29/30 juillet 1108. P. Demouy, Genèse d'une cathédrale, p. 619-621. Voir lettre 161.

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    D'après J. Dufour, qui adopte la datation de Brial, RHF, t. 15, p. 201, il s'agit de l'assemblée de Noël 1108, et non de celle de 1110 que propose L. Merlet.

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    On a un exemple de la difficulté de l'application de la réforme sur l'investiture laïque, voir aussi les problèmes d'Anselme de Cantorbéry avec le roi d'Angleterre, Eadmer, Histoire des temps nouveaux, passim.

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    Par exemple le serment fait par Arnoul archevêque de Reims (997-1021) aux rois Hugues et Robert, GC IX, 59. P. Demouy, Genèse d'une cathédrale, p. 534-545.

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    Allusion aux règles interdisant l'investiture laïque. On sait que la position d'Yves était beaucoup plus pragmatique que celle de certains, comme Geoffroy de Vendôme, lettres n° 126, 134, 189, éd. G. Giordanengo (PL 157, I, 7 et Tractatus de investitura laicorum). Voir aussi Yves, lettre 236.

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    Rom. 13, 10,plenitudo ergo legis est dilectio.

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    Prologue, § 3, 4, 52 (avec la citation de Rom.), éd. citée, p. 67, 128. Toute la fin de la lettre développe d'ailleurs les idées de ce Prologue.

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    Prologue, § 9-11, éd. citée, p. 74-77 ; ibid., § 15, p. 80. Voir lettres 60, 236.

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    Ibid, § 15. La phrase contient plusieurs jeux demots et allitérations. Verbum/verbere, voir lettre 82.

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    D'après I Cor. 9, 11. Voir lettre 214.

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    Augustin, De correctione donatistarum, ou lettre 185, c. 45, citée dansPrologue, § 22, éd. citée, p. 87. Yves, Décret 6, 386. Voir lettre précédente

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    Variante sur viscera misericordiae, Luc. 1, 78 et Col. 3, 12.


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    a. Avranches, BM 243, 102v-103


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 72rv


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    T. Troyes, BM 1924, 109rv


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    Au. Auxerre, BM 69, 79v-80v



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    À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, l'affection d'un fils et l'obéissance d'un sujet en toutes choses.

    Nous voulons que votre excellence sache que moi et le seigneur Thibaud, prieur du monastère de Saint-Martin-des-Champs à Paris, apprenant la désolation misérable et incroyable de l'Église de Reims, nous avons, avec l'audace d'une familiarité opportune et importune, fait appel au roi des Francs pour qu'il rende la paix à ladite Église en expulsant l'envahisseur Gervais et qu'en le recevant dans sa grâce il accorde au seigneur Raoul, métropolitain de ladite Église, de commander à cette même Église. Il a enfin acquiescé à nos prières et accepté que nous le conduisions en sécurité à sa cour, qui devait être réunie à Orléans à Noël, et que nous y traitions avec lui et les princes du royaume de cette affaire, sauve l'intégrité du royaume dans la mesure du possible. Il fut fait comme il avait été convenu et, réunis à la cour avec des intercesseurs nombreux, nous avons répété encore et encore notre demande. Mais, face aux réclamations de la cour, nous n'avons pu obtenir une paix complète, à moins que ledit métropolitain ne prête au roi par la main et le serment cette fidélité que tous les archevêques de Reims ont prêtée auparavant à ses prédécesseurs les rois des Francs, ainsi que tous les autres évêques du royaume des Francs, quelque religieux et saints qu'ils fussent. Sur les arguments et les instances des grands de toute la cour, bien que ce ne fût pas permis à cause de la rigueur des mandements, on fit cependant ainsi, parce que cela convenait à la paix de l'Église et à l'amour fraternel. Comme en effet la plénitude de la loi c'est la charité, nous avons cru qu'il y avait eu obéissance aux lois là où nous reconnaissions qu'avait été accomplie l'œuvre de charité.

    Nous demandons donc, les genoux du cœur fléchis, que dans cette optique de charité et de paix votre modération paternelle tienne pour véniel ce que rend illicite non pas la loi éternelle mais seulement une interdiction visant à assurer la liberté des prélats. Donc dans les excès que vos fils ont commis pour une dispense et une compensation utiles, que le père se contente du verbe pour verge et de la dévote supplication de vos fils pour plus grand supplice. Car si l'autorité apostolique veut juger sévèrement tout ce qui est dispensé selon une complaisance salutaire, il lui faudra renoncer à presque tous les ministres pour ses administrations ou sortir du monde ; et ils n'auront « où semer les biens spirituels si on ne leur permet pas de tolérer quelques biens charnels. » Aussi la sublimité apostolique enseigne-t-elle qu'il faut céder à la nécessité des temps et l'autorité de ceux qui jugent selon l'orthodoxie le conseille, disant que « là où menacent des ravages pour les peuples il faut relâcher quelque chose de la sévérité » des canons « pour qu'une charité sincère aide à guérir de plus grands maux. » En disant ceci cependant nous n'enseignons pas votre docte paternité mais nous l'avertissons en la conseillant et la sollicitant, pour que vous vous appliquiez à abonder en sentiments de conseil et de piété quand il n'est pas possible d'exercer la fermeté qu'il faudrait. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21128 (yves-de-chartres-190), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21128 (mise à jour : 21/09/2017).