Général
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Yves, évêque de Chartres
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Hildebert, évêque du Mans
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après 1097 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Hildeberto(1), Cenomannensi episcopo, in tribulatione tolerantiam, in tolerantia perseverantiam.
Quantum ex tenore litterarum tuarum perpendi, ad suggestionem aemulorum tuorum de proditione Cenomannicae urbis nuper facta insimulare te molitur regis Anglorum metuenda severitas(2), nulla adversum te legitima accusatione prolata, sed pravorum delatione conjecturarum divinationibus palliata. Et cum paratus sis ad perficiendam purgationem legitimam, non aliter te vult hujus proditionis immunem credere, nisi igniti ferri examinatione demonstres innocentiam tuam. Consulis itaque humilitatem meam utrum tibi bene conscius pro conservanda integritate famae tuae et recuperanda regis gratia debeas voluntati ejus acquiescere, an quaelibet adversa pati ut non recedas ab ordine.
Breviter itaque tibi respondeo, consulens ut non transgrediaris terminos antiquos, terminos quos posuerunt patres tui(3). Aliter namque innocentiam defendere est innocentiam perdere. Monomachiam enim et ferri calidi(a) examinationem nec consuetudo ecclesiastica in discutiendis causis ecclesiasticis recipit, nec canonica auctoritas instituit(4). Unde Nicholaus in causa regis Lotharii et Theuberge(b) de falsis criminibus impetitae(5) : « Monomachiam in legem non assumimus, quam praeceptam fuisse non reperimus, cum haec et hujusmodi sectantes(c) Deum solummodo temptare videantur. » Dicit autem Augustinus in libro Quaestionum super Genesim(6) : « Quando habet homo quod faciat, non debet temptare Deum suum. » Inde etiam ita scribit Alexander secundus papa Rainaldo, Cumano episcopo(7) : « Super causas Gislandi presbyteri tui de morte episcopi sui, praedecessoris tui, infamati in medium consuluimus. Itaque circum omnium adstantium fratrum unanimi assensu tuae dilectioni rescribimus praefatum Gislandum presbyterum ante te praesentandum, ubi, si certi accusatores defuerint, tunc dictante justitia, sine omni controversia presbyter quaecumque ob hoc injuste amisit ac sacerdotium accipiat et integra beneficia ; purgationem tamen antea duobus sibi sacerdotibus junctis, ubi accusator cessaverit eumdem ex se praebere tuo committimus arbitrio. Vulgarem(d) denique a nulla canonica sanctione fultam legem, ferventis scilicet sive frigidae aquae ignitique ferri contactum, aut cujuslibet popularis inventionis, quia fabricante haec sunt(e) omnino ficta invidia nec ipsum exhibere, nec aliquo modo te volumus postulare, immo apostolica auctoritate prohibemus firmissime. » Inde etiam Sylvester II papa dicit Luitberto, episcopo Magontino(8) : « Ferri candentis(f) vel aquae ferventis examinatione confessionem extorqueri a quolibet sacri non censuerunt canones ; et quod sanctorum Patrum documento sancitum non est superstitiosa adinventione non est praesumendum. Spontanea enim confessione vel testium approbatione publicata delicta, habito prae oculis Dei timore, commissa sunt regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt judicio relinquenda qui solus novit corda filiorum hominum. »
Plura tibi scripsissem super his si licuisset. Tu itaque his et aliis auctoritatibus Patrum undique munitus viriliter age(9) et ne de te aliis praebeas exemplum praesentibus et futuris nociturum. Si enim aliquid contra justitiam pateris, de tribulatione purgaberis vel probaberis(g), de purgatione(10)(h) misericordiam consequeris. Vale.
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calidi A, callidi Au
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Theberge al., Tetberge AMAu
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om. JT
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vulgalem JT
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non sunt J
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candidi J
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vel probaberis om. JAu
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probatione éd.
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Hildebert, né à Lavardin en 1056, fit ses études au Mans. Archidiacre en 1091 sous l'évêque Hoël, il lui succéda en 1096 et devint archevêque de Tours de 1125 à sa mort le 18 décembre 1133. Auteur de lettres, œuvres théologiques, vies de saints, œuvres poétiques, neuf sermons (sur leur authenticité, A. Wilmart, « Les sermons d'Hildebert », dans
Revue bénédictine, t. 47, 1935, p. 12-51). Peter von Moos,Hildebert von Lavardin, 1056-1133, Humanitas an der Schwelle des höfischen Zeitalters, Stuttgart, 1965. Éditions :PL171, col. 1-1463. A. Bryan Scott,A critical edition of the poems of Hildebert of Le Mans, Oxford, 1960. Hildebert dit avoir rédigé une collection canonique, lettre II, 27,PL171, col. 246.
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Il s'agit de la révolte des Manceaux contre le roi d'Angleterre Guillaume le Roux, avec à leur tête Hélie de la Flèche, comte du Maine (1092-1110) ; sur ces péripéties assez confuses, voir R. Latouche,
Histoire du comté du Maine pendant le Xeet le XIesiècle, Paris, 1910, p. 41-53 et p. 86-87 pour le rôle d'Hildebert.Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, éd. Busson et Ledru, Le Mans, 1901, p. 395-404.
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Prov. 22, 28.
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Sur l'hostilité à l'ordalie, voir Yves, lettres 205, 252 et
Décret, 5, 315 (11econcile de Tolède, c. 6). Contre le combat singulier, Geoffroy de Vendôme, lettre 108. Yves dans les lettres 168, 247, 249, 280 a une position plus nuancée.
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Décretde Nicolas Ier, tit. 20, c. 1 (867). Yves,Décret8, 187 (Gratien, 2, 5, 22). La citation de la lettre abrège le texte contenu dans leDécret.
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Augustin,
Contra Faustum manichaeum, livre 22, c. 36,CSEL25, p. 629-30. Le texte n'est pas dans les collections d'Yves.
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Alexandre II (1061-1071),
ep.Rumaldo Cumano episcopo. Yves,Décret10, 15 (Rainaldo) ;Panormie5, 7 et 8 (Romualdo) (Gratien, 2, 5, 11 et 7).
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Étienne VI (886-889) à Luitbert, évêque de Mayence. Yves,
Décret10, 27 (Gratien, 2, 5, 20).
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Viriliter agite, I Cor. 16, 13.
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Tous les manuscrits consultés portent
purgatione. On attendrait plutôt « par l'épreuve tu obtiendras miséricorde ».
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a. Avranches, BM 243, 49rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 32rv
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J. Jesus College, Q.G.5, 19v-20
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 23v-24
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T. Troyes, BM 1924, 57v-58
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Au. Auxerre, BM 69, 39rv
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Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Hildebert, évêque du Mans, dans les tribulations résistance, dans la résistance persévérance.
Autant que j'en juge d'après la teneur de ta lettre, à la suggestion de tes rivaux la redoutable sévérité du roi des Anglais cherche à te rendre responsable de la récente trahison de la ville du Mans, sans qu'aucune accusation légitime ne soit portée contre toi, mais parce que la délation d'hommes dépravés se dissimule sous des révélations conjecturales. Et bien que tu sois prêt à fournir une justification légitime, il ne veut pas te croire innocent de cette trahison, à moins que tu ne prouves ton innocence par l'épreuve du fer rouge. C'est pourquoi tu consultes mon humilité pour savoir si avec ta bonne conscience tu dois, pour conserver l'intégrité de ta renommée et retrouver la faveur du roi, céder à sa volonté ou supporter n'importe quelles adversités pour ne pas t'écarter de l'ordre.
C'est pourquoi je te réponds brièvement en te conseillant de ne pas transgresser les anciennes limites, limites qu'ont tracées tes pères. Autrement en effet, défendre l'innocence, c'est perdre l'innocence. Car le combat singulier et l'épreuve du fer rouge, ni la coutume ecclésiastique ne les accepte dans l'examen des affaires ecclésiastiques ni l'autorité canonique ne les a instituées. Aussi Nicolas dit-il dans l'affaire du roi Lothaire et de Théberge accusée de faux crimes : « Nous n'admettons pas comme loi le combat singulier que nous ne trouvons pas prescrit, tandis que ceux qui suivent ces pratiques et d'autres du même genre paraissent seulement tenter Dieu. » Et Augustin dit dans le livre des Questions sur la Genèse : « Quand un homme a la possibilité d'agir, il ne doit pas tenter son Dieu. » Ainsi le pape Alexandre II écrit également en ces termes à Renaud, évêque de Cumes : « Au sujet de l'affaire de ton prêtre diffamé pour la mort de son évêque, ton prédécesseur, nous avons pris des décisions dans l'intérêt commun. C'est pourquoi, avec l'accord unanime de tous les frères qui nous entouraient, nous répondons à ta dilection que ledit prêtre Gislandus doit être présenté devant toi ; là, si des accusateurs sûrs font défaut, comme la justice le prescrit alors, le prêtre recevra sans aucune contestation tout ce qu'il a perdu injustement pour cette raison, et le sacredoce et ses bénéfices dans leur intégralité ; auparavant nous confions cependant à ta volonté, quand l'accusateur aura renoncé, de veiller à ce que ce même homme présente de lui-même sa justification, accompagné de deux prêtres. Enfin quant à cette loi vulgaire que ne sanctionne aucune décision canonique, à savoir l'imposition d'eau bouillante ou glacée et de fer rouge ou de quelque autre invention populaire, puisque cela a été totalement imaginé par l'envie qui l'a inventé, nous ne voulons pas qu'il s'y soumette ni que tu le lui réclames d'aucune façon, et même nous l'interdisons très catégoriquement selon l'autorité apostolique. » Le pape Sylvestre II dit également à Liutbert, évêque de Mayence : « Les saints canons n'ont pas jugé bon d'extorquer de quiconque une confession par l'épreuve du fer rouge ou de l'eau bouillante et ce qui n'a pas été ratifié par un enseignement des saints Pères ne doit pas être entrepris par une invention superstitieuse. En effet les délits rendus publics par une confession spontanée ou la preuve de témoins ont été confiés aux responsables pour qu'ils les jugent, se tenant dans la crainte devant les yeux de Dieu ; mais les affaires cachées et inconnues doivent être laissées au jugement de celui qui seul connaît les cœurs des fils des hommes. »
Je t'en aurais écrit davantage sur ce sujet si ç'avait été possible. Toi donc, fort de ces autorités et d'autres des Pères, agis virilement et n'offre pas aux autres en ta personne un exemple qui serait nuisible pour les temps présents et futurs. Si en effet tu supportes quelque chose contre la justice, par cette tribulation tu seras justifié et mis à l'épreuve et par la justification tu obtiendras miséricorde. Adieu.