Général
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Yves, évêque de Chartres
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Roger, cardinal
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circa 1093
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[1093]
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Lettre
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Ivo, Dei gratia, humilis Carnotensium episcopus, Rogerio, sanctae Romanae Ecclesiae cardinali(1), non deviare a vestigiis Petri.
Quod Simonem de Nielpha(2)(a), adhuc in adulterio suo perdurantem, sub velamine apostolicae auctoritatis ab anathematis vinculo relaxare disponitis, quantum in vobis est majestatem apostolicam multum minuitis et famae vestrae non bene consulitis ; si enim justo anathematis vinculo est ligatus, cum justa vincula non dissolvat nisi vera cordis conversio eo adhuc permanente in crimine, ad persuasionem quamlibet splendidae personae quid est hoc anathema destruere nisi seipsum praevaricatorem constituere ? Si vero, acceptis excusatoriis ejus sacramentis de absentatione vestri concilii(3), praeproperam(b) in eum me dedisse sententiam cognoscitis, ut interim taceam quod confessione culpae vestrae crimen ejus tegitis, huic rationi respondeo quia nequaquam ex sententia concilii vestri, cui non interfui, cujus scita nec probavi nec audivi, aliquid in eum judicavi. Sed eo saepe vocato et monito et bis aut ter indultis spatiis quae voluit, causam ejus multa mora et multa lima discussi et, eo ad ultimum omnem subterfugiente justitiam, judiciali sententia in eum data ex lege, anathematis eum vinculis alligavi, quamdiu poenitentiae remedio non deleverit maculam adulterii sui. Post aliquantum vero temporis defuncta conjuge, cui istam quam nunc habet superinduxerat, pulsatus precibus ejus et quorumdam amicorum suorum, cum ei ostium misericordiae quam flagitabat, rationabiliter aperire non valerem, dedi ei litteras seriem ejus causae continentes ad dominum papam, ut, cognita veritate, quod inde vellet ordinaret et mihi remandaret. Hoc responsum exspecto, nec aliter mutabo sententiam, nisi aut ex ore ejus audiam, aut ex litteris intelligam. Quod si hoc pertinaciter et non rationabiliter vobis videor facere, paratus sum in capitulo Carnotensi, vel in praesentia domini papae coram positis universis calumniantibus, legibus in medium datis, justitiae satisfacere. Valete.
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Nielfa A, Melfa TL
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properam A.
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Voir lettre 16.
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Neauphle-le-Château, cant. Monfort-l'Amaury, arr. Rambouillet, Yvelines. La famille apparaît au XI
esiècle, peut-être issue des seigneurs de Montfort ou des comtes de Meulan. Nicolas Civel,La fleur de France,Lesseigneurs de l'Île-de-France au XIIesiècle, Turnhout, 2006, p. 325 etpassim. Simon est le prénom traditionnel de la famille. Vu la date présumée de cette lettre il doit s'agir de Simon II, attesté en 1092, en 1097-1098 (op. cit., p. 248, p. 30), qui est un proche de Philippe Ier. Simon III, attesté en 1118 (op. cit., p. 14, 352), est un fidèle de Philippe et de Louis VI. Il est cité dans lesGesta Sugerii abbatis, en compagnie d'Amaury de Montfort et d'Évrard de Villepreux,Suger, Œuvres, éd. Fr. Gasparri, Paris, 1996, t. 1, p. 74. On doit à la famille plusieurs fondations de monastères, dont Les Vaux-de-Cernay en 1118, et de nombreuses donations.
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Peut-être à Senlis, dont il est question lettre 16.
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a. Avranches, BM 243, 18v
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 11
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T. Troyes, BM 1924, 2rv
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Yves, par la grâce de Dieu humble évêque des Chartrains, à Roger, cardinal de la sainte Église romaine, ne pas s'écarter des traces de Pierre.
Puisque, sous le voile de l'autorité apostolique, vous vous disposez à défaire du lien de l'anathème Simon de Neauphle qui persévère encore dans son adultère, vous diminuez grandement, autant qu'il est en vous, la majesté apostolique et vous ne veillez pas bien à votre renommée ; car s'il a été attaché par le juste lien de l'anathème, comme rien sauf une vraie conversion du cœur ne dissout ces justes liens pour celui qui persiste dans son crime, qu'est-ce qu'abolir cet anathème, sur la persuasion d'une personne illustre quelle qu'elle soit, sinon se faire soi-même prévaricateur ? Mais si, après avoir reçu sous serment ses excuses pour son absence à votre concile, vous reconnaissez que j'ai porté contre lui une sentence trop précipitée, pour taire momentanément le fait que vous couvrez son crime par la confession de votre faute, je réponds à cet argument que ce n'est nullement d'après la sentence de votre concile, auquel je n'ai pas participé, dont je n'ai ni approuvé ni appris les décrets, que j'ai rendu justice contre lui. Mais, après l'avoir souvent convoqué et averti et lui avoir accordé deux ou trois fois les délais qu'il a voulus, j'ai débattu de sa cause en y consacrant beaucoup de temps et beaucoup de minutie et, comme à la fin il se dérobait à toute justice, portant contre lui une sentence judiciaire conforme à la loi, je l'ai enchaîné des liens de l'anathème aussi longtemps qu'il n'aura pas effacé par le remède de la pénitence la tache de son adultère. Mais peu de temps après, à la mort de sa femme, près de laquelle il avait introduit celle qu'il a maintenant, pressé par ses prières et par celles de certains de ses amis, comme je ne pouvais raisonnablement pas lui ouvrir la porte de la miséricorde qu'il réclamait, je lui ai donné à l'adresse du seigneur pape une lettre contenant le déroulement de son affaire pour qu'après avoir pris connaissance de la vérité ce dernier ordonnât ce qu'il voulait ensuite et me le fît savoir.
J'attends cette réponse et je ne changerai pas ma sentence à moins que je ne l'entende de sa bouche ou ne l'apprenne de sa lettre. Et si je vous parais agir ainsi avec opiniâtreté et de manière déraisonnable, je suis prêt soit au chapitre de Chartres soit en présence du seigneur pape, devant tous les calomniateurs assemblés, lois fournies à l'appui, à satisfaire à la justice. Adieu.