Sicut Iudeis
Bulle papale sur la protection des juifs
Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilectis in Christo filiis fidelibus Christianis, salutem et apostolicam benedictionem. Sicut Iudeis non debet esse licentia in sinagogis suis, ultra quam permissum est lege presumere, ita in his quae eis concessa sunt, nullum debent preiudicium sustinere. Nos ergo, licet in sua magis velint duritia perdurare, quam prophetarum verba et suarum scripturarum archana cognoscere atque ad Christianae fidei et salutis notitiam pervenire, quia tamen defensionem nostram et auxilium postulant, ex Christiane pietatis mansuetudine, predecessorum nostrorum felicis memorie Calixti, Eugenii et Alexandri, Romanorum pontificum vestigiis inherentes, ipsorum petitionem admittimus, eisque protectionis nostrae clipeum indulgemus. Statuimus enim, ut nullus Christianus invitos vel nolentes eos ad baptismum per violentiam venire compellat, sed si eorum quilibet sponte ad Christianos fidei causa confugerit, postquam voluntas eius fuerit patefacta, absque aliqua efficiatur calumpnia Christianus; veram quippe Christianitatis fidem habere non creditur, qui ad Christianorum baptismum non spontaneus, sed invitus cognoscitur pervenire; nullus etiam Christianus eorum personas sine iudicio potestatis terre vulnerare, aut occidere, vel suas illis pecunias auferre presumat, aut bonas, quas hactenus in ea qua habitant regione habuerunt consuetudines, immutare. Preterea, in festivitatum suarum celebratione quisquam fustibus vel lapidibus eos ullatenus non perturbet, neque aliquis ab eis coacta servitia exigat, nisi ea que ipsi preteritis facere temporibus consueverunt. Ad hec malorum hominum pravitati et avaritie obviantes, decernimus, ut nemo cimiterium Iudeorum mutilaret, vel minuere audeat, sive optatu pecunie corpora humata effodere. Si quis autem, decreti huius tenore cognito, temere, quod absit, contraire temptaverit, honoris et officii sui periculum faciat, aut excommunicationis ultione plectatur, nisi presumptionem suam digna satisfactione correxit. Datum Laterani, per manum Moysi, Sancte Romane Ecclesie subdiaconi vicem agentis cancellarii, VI Idus Maii, indictione sexta, Incarnationis Dominice anno 1188, pontificatus vero domini Clementis pape III anno primo.
S. Simonsohn, ed. The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404 (Toronto, 1988), 66.
Clément, évêque, Serviteur des Serviteurs de Dieu, à ses fidèles fils chrétiens, aimés dans le Christ, salut et bénédiction apostolique. De même qu'on ne doit pas donner aux juifs dans leurs synagogues plus de permissivité que ce qu'il leur est permis de prendre légalement, de même, concernant les droits qui leur sont concédés, ils ne doivent subir aucun préjudice. C'est pourquoi, bien qu'ils préfèrent persévérer dans leur obstination plutôt que comprendre les dits des prophètes et les secrets de leurs écrits et parvenir à la nouveauté que représentent foi chrétienne et salut, puisqu'ils nous demandent protection et secours, eu égard à la clémence et à la piété chrétiennes et suivant les traces de nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, les pontifes romains Calixte, Eugène et Alexandre, nous acceptons leur demande et leur accordons le rempart de notre protection. Car nous décidons que nul chrétien ne doit par la violence pousser à se faire baptiser les gens qui y sont réfractaires ou s'y opposent. Mais si certains d'entre eux devaient spontanément trouver refuge chez des chrétiens pour une question de foi, par la suite son souhait devra être clarifié et il deviendra chrétien sans que intervienne la calomnie. Car il est clair qu'on ne peut croire à la foi chrétienne d'un individu dont on sait qu'il ne s'est pas rendu aux fonts baptismaux des chrétiens spontanément mais contre sa volonté. En effet, ne laissez pas les chrétiens croire qu'ils peuvent blesser leurs gens sans que le propriétaire de la terre n'ait rendu son jugement, ou les tuer, ou s'emparer de leur argent, ou changer quelque chose aux bons usages qui jusqu'à ce moment ont prévalu dans la région où ils demeurent. De plus, nul ne doit les déranger en brandissant des bâtons ou des pierres durant la célébration de leurs fêtes, et nul ne doit leur demander d'effectuer des tâches, à l'exception de celles dont ils avaient autrefois l'habitude. C'est dans ce but que, portant un coup d'arrêt au caractère dépravé et à la cupidité des hommes vils, nous décidons que nul ne devra porter le trouble dans un cimetière juif ou oser lui faire offense, ou, dans l'espoir de quelque argent, y déterrer des cadavres. Dans le cas contraire, si quelqu'un, bien qu'il ait compris le contenu de ce décret devait — Dieu l'en empêche ! — s'y opposer imprudemment, il courra le danger de perdre honneurs et charge, ou alors qu'il subisse le châtiment de l'excommunication, à moins qu'il ne corrige son audace via un dédommagement approprié. Donné à Latran de la main de Moysus, sous-diacre et vice-chancelier de la Sainte Église romaine, le 6 des ides de mai, 6e indiction, l'année de la Sainte Incarnation 1188, la première année du pontificat de sa Sainteté le pape Clément III.
L. Foschia
Voir "Sicut Judaeis"de Calixte II (http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246695/)
Ceci est l'une des bulles intitulées "Sicut Iudeis" qui offraient une mesure de protection aux juifs vivant dans la chrétienté. Avec de légères modifications, cette bulle fut intégrée dans les Décrétales 5.6.9 comme faisant partie du chapitre portant sur les juifs, les musulmans et leurs domestiques.
conversion forcée ; fête ; servitude ; violence
Laurence Foschia : traduction
Jessie Sherwood : collaborateur pour le commentaire
Notice n°87468, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87468/.