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Constitutio pro Iudeis

Auteur

Innocent III

Rainaldo di Acerenza

Titre en français

Constitutio pro Iudeis

Titre descriptif

Lettre pontificale de protection

Type de texte

décrétale

Texte

Constitutio pro Iudaeis. Licet perfidia Iudeorum sit multipliciter improbanda, quia tamen per eos fides nostra veraciter comprobatur, non sunt a fidelibus graviter opprimendi, dicente propheta: ne occideris eos ne quando obliviscantur legis tue (Ps. 59.11), ac si diceretur appertius, ne deleveris omnino Iudeos, ne forte Christiani legis tue valeant oblivisci, quam ipsi non intelligentes in libris suis intelligentibus representant. Sicut ergo Iudeis non debet esse licentia in sinagogis suis ultra, quam permissum est lege, presumere, ita in hiis que sunt concessa illis nullum debent preiudicium sustinere. Nos ergo, licet in sua magis velint duritia perdurare quam vaticinia prophetarum et legis archana cognoscere, atque ad Christiane fidei notitiam pervenire, quia tamen nostre postulant defensionis auxilium, ex Christiane pietatis mansuetudine, predecessorum nostrorum felicis memorie Calixti, Eugenii, Alexandri, Clementis et Celestini, Romanorum pontificum vestigiis inherentes, ipsorum petitionem admittimus, eisque protectionis nostre clippeum indulgemus. Statuimus enim, ut nullus Christianus invitos vel nolentes eos ad baptismum per violentiam venire compellat; sed si eorum quilibet sponte ad Christianos fidei causa confugerit, postquam voluntas eius fuerit patefacta, sine qualibet calumpnia efficiatur Christianus. Veram quippe Christianitatis fidem habere non creditur, qui ad Christianorum baptisma non spontaneus sed invitus cognoscitur pervenire. Nullus etiam Christianus sine potestatis terre iudicio personas eorum nequitur ledere vel res eorum violenter auferre presumat, aut bonas, quas hactenus in ea in qua habitant regione habuerint consuetudines immutare. Preterea in festivitatum suarum celebratione quisquam fustibus vel lapidibus eos ullatenus non perturbet, nec aliquis ab eis indebita servitia exigere vel extorquere contendat, nisi ea que ipsi preteritis facere temporibus consueverunt; ad hec malorum hominum pravitati et avaritie obviantes, decernimus, ut nemo cimiterium Iudeorum mutilare audeat vel minuere, sive obentu pecunie corpora effodere iam humata. Si quis autem, decreti huius tenore cognito, temere, quod absit, contraire temptaverit, nisi presumptionem suam condigna satisfactione correxerit, excommunicationis ultione plectatur. Eos autem dumtaxat huius protectionis presidio volumus communiri, qui nichil machinari presumpserint in subversionem fidei Christiane. Dat. Laterani, per manum Rainaldi Acherontini archiepiscopi, cancellarii vicem agentis, XVII kalendos octobris, indictione II, Incarnationis Dominice anno M.C.XCVIIII, pontificatus vero domini Innocentii pape III anno secundo.

Langue

Latin

Source du texte original

The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404, S. Simonsohn, ed. (Toronto, 1988), 74-75.

Datation

  • Date fixe : 1199
  • Précisions : 15 septembre 1199.

Traduction française

Constitution en faveur des juifs. Bien que la perfidie des juifs doive être constamment dénoncée, parce que néanmoins la vérité de notre foi se trouve établie par eux, ils ne doivent pas être gravement opprimés par les fidèles, le prophète disant : "Ne les tue pas de peur qu'ils oublient ta loi" [Ps 59, 11], et si nous devions le dire plus ouvertement : n’anéantis pas tous les juifs, de peur que les chrétiens n’oublient éventuellement ta loi, ceux-là [les juifs] ne la comprenant pas mais la reproduisant par leurs livres. Ainsi, de même qu’il ne doit pas être permis aux juifs, dans les synagogues, d’oser outrepasser ce qui est permis par la loi, de même dans ce qui leur a été concédé ne doivent-ils souffrir aucun tort. C’est pourquoi, bien qu’ils préfèrent demeurer dans leur raideur plutôt que de comprendre les annonces des prophètes et les arcanes de la loi, et arriver à la connaissance de la foi chrétienne, parce que, cependant, ils demandent notre aide pour leur défense, au nom de la mansuétude de la piété chrétienne, suivant la trace des pontifes romains, Nos prédécesseurs d’heureuse mémoire, Calixte, Eugène, Alexandre, Clément et Célestin, nous acceptons leur pétition et leur accordons le bouclier de Notre protection. Nous décidons donc qu’aucun chrétien ne les force à venir au baptême contre leur gré et leur volonté, par la violence ; mais si quelqu’un parmi eux fuit spontanément vers les chrétiens pour cause de foi, après que sa volonté aura été clairement établie, qu’il soit fait chrétien sans aucune calomnie. On ne doit pas croire qu’il y a de vraie foi chrétienne pour celui qui n’est pas venu spontanément au baptême des chrétiens, mais dont il est connu qu’il y est arrivé contre son gré. Qu’aucun chrétien n’ose les blesser, les tuer, ou leur prendre aucun argent sans que cela résultât du jugement d’un magistrat des lieux, ou modifier les coutumes qu’ils avaient dans la région dans laquelle ils vivaient auparavant. Évidemment, que personne ne les bouscule avec des bâtons ou des pierres pendant la célébration de leurs fêtes, ni n’exige d’eux aucun service forcé si ce n’est ceux qu’ils effectuent habituellement depuis les temps passés ; à ce propos, Nous opposant à la dépravation et à la débauche des mauvaises gens, Nous décidons que personne n’ose dégrader ou accaparer le cimetière des juifs ou exhumer des corps humains pour obtenir de l’argent. Si quelqu’un, ayant connaissance de la teneur de ce décret, tentait, ce qu’à Dieu ne plaise, d’aller à son encontre, il serait frappé d’excommunication, à moins qu’il ne corrigeât son comportement de manière digne et satisfaisante. Cependant, Nous voulons que ne soient fortifiés par la défense de cette protection que ceux qui n’oseront ourdir aucun renversement de la foi chrétienne. Donné à Latran, des mains de Raynald, archevêque d’Acerenza, en place du chancelier, le 17 des calendes d’octobre, pendant la seconde indiction, le mille cent quatre vingt dix neuf jour de l’Incarnation du Christ, et la seconde année du pontificat de notre seigneur pape Innocent III.

Source traduction française

C. Nemo-Pekelman

Résumé et contexte

La constitution d'Innocent reprend, tout en la développant, la bulle Sicut Iudeis, une décrétale portant protection des juifs. CetteConstitutio est le texte traditionnel garantissant la protection papale pour les juifs, en assurant en particulier qu'ils peuvent pratiquer leurs rites religieux, être libres de toute pression indue à convertir, et avoir des synagogues et des cimetières; la violence contre leurs personnes et leurs biens est punie d'excommunication.

Signification historique

Innocent réaffirme ces privilèges que plusieurs papes avaient prononcés avant lui (il nomme cinq de ces prédécesseurs). Pourtant, il ajoute deux brefs paragraphes qui modifient considérablement le ton: tout d'abord, une introduction dans laquelle il fournit une justification théologique de la tolérance limitée et conditionnelle offert aux Juifs. Et à la fin de sa Constitution, il ajoute une phrase qui rend ces garanties traditionnelles conditionnelles et précaires: que seuls sont protégés les juifs qui ne complotent pas contre le christianisme. L'implication est que quelque complot des Juifs contre le christianisme et pour eux il n'y a pas de protection contre la violence papale.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Vatican, Archivium Secretum Apostolicum Vaticanum, Reg. Vat. 4, fol. 219r-v.

Traductions

  • The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404, S. Simonsohn, ed. (Toronto, 1988), 74-75.

Etudes

  • R. Chazan, « Pope Innocent III and the Jews », in J. Moore, ed., Pope Innocent III and his World (Aldershot, 1999), 187-204.
  • H. Graetz, Geschichte der Juden von den ältesten Zeiten bis auf die Gegenwart aus den Quellen neu bearbeitet, vol.7, Von Maimunis Tod (1205) bis zur Verbannung der Juden aus Spanien und Portugal (Leipzig, 1890; reprint Darmstad, 1998), p. 1-10.
  • E. Synan, The Popes and the Jews in the Middle Ages: An Intense Exploration of Judaeo-Christian relationships in the Medieval World (New York, 1965), p. 15.
  • J. Tolan, "Of Milk and Blood: Innocent III and the Jews, revisited", http://www.academia.edu/1896777/Of_Milk_and_Blood_Innocent_III_and_the_Jews_revisited

Mots-clés

baptême ; conversion forcée ; fête ; servitude ; violence

Auteur de la notice

Jessie   Sherwood

Collaborateurs de la notice

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

John   Tolan  :  collaborateur pour le commentaire

Comment citer cette notice

Notice n°103876, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait103876/.

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