Alfonso I de Aragón 'El Batallador'
la reddition de Tudèle
Indépendance et protection de la communauté juive
19. Et quod non mittant iudeo maiore super illos moros nec super lures faziendas de illos moros que habeant nullum sennyorium. 29. Et quod nullus christianus non consentat ad nullum iudeum comprare moro per captiuum, nec moro. 30. Et si iudeus dicet nulla mala parabola, quod castiguent illum fort et durament.
José Ángel Lema Pueyo, Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134), Donostia-San Sebastián, 1990, doc. 91
19. Et que l'on n'impose pas une autorité juive aux maures ni aux possessions de ces maures qui n'ont pas de seigneur. 29. Et qu'aucun chrétien ni aucun maure n'accepte qu'un juif achète un maure comme captif. 30. et si un juif dit de méchantes paroles [contre un maure] il devra être puni fortement et durement.
C. Chauvin
A la suite de la conquête de Tudèle en 1119, un ensemble de conditions relativement favorables qui tendent à confirmer le statu quo de la pré-conquête a défini les termes de la continuité de la présence de la population musulmane soumise à la règle chrétienne. [Le texte complet du traité se trouve dans le texte associé no. 1 - Capitulación de Tudela 1]. La plupart des conditions relatent le fonctionnement autonome de la communauté musulmane, ainsi que les droits individuels et les privilèges de ses membres, mais dans ces trois clauses spécifiques, référence est faite aux relations entre musulmans et juifs : protéger les maures des insultes juives, empêcher l’imposition des autorités juives sur les musulmans ou leurs propriétés, et limiter l’accès des juifs aux captifs musulmans. Dans ces trois cas, les conditions spécifiques de restriction suggèrent une législation réactive. En d’autres termes, ce sont des réponses à des griefs spécifiques. Il semble y avoir eu des tensions entre les deux communautés même avant la conquête chrétienne. Quand Alphonse I étendit un ensemble équivalent de privilèges à la minorité juive (texte associé n°2 – carta ad judeos), il les invita en premier lieu à retourner dans la ville, impliquant qu’ils en avaient été précédemment chassés à un moment des hostilités qui ont précédé sa prise, un scénario compatible avec la tactique des Almoravides à l’époque : se retourner contre les minorités non-musulmanes accusées d’être un genre de cinquième colonne. En outre, les privilèges accordés à la communauté juive à leur retour à Tudèle étaient supérieurs en différents points à ceux des musulmans (par exemple, être autorisés à résider à l’intérieur des murs de la ville, pendant que les musulmans étaient contraints de s’installer à l’extérieur), ce qui a peut-être exacerbé les tensions. La liste des griefs qui semblent se dissimuler derrière ces clauses témoignent de cette tension, de la position relativement influente de la minorité juive au sein de la ville et de la faiblesse des musulmans, et du désir du monarque de plaire aux deux groupes.
Le traité de reddition de Tudèle est le texte-clé pour comprendre comment la population libre maure commença à être intégrée aux royaumes de Navarre et d’Aragón à partir du milieu du XIème siècle. Dans cet ensemble de dispositions, nous observons les problèmes rencontrés pour apaiser les deux minorités.
esclaves ; Juifs/Judaïsme ; musulmans
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254449, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254449/.