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Capitulación de Tudela[1]

Auteur

Alfonso I de Aragón 'El Batallador'

Titre en français

la reddition de Tudèle

Titre descriptif

conditions de la reddition de Tudèle

Type de texte

Traité de reddition

Texte

Hec est carta que fecit rex imperator Aldeffonsus, filius regis Sancii, quem Deus benedicuit, cum alcadi de Tutela et cum illos alguaziles et cum illos alfaquis et cum illos bonos moros de Tudela et cum Alffabibi 1. Et affirmauit illos alcadis in lures alcadias et illos alfaquidas in lures alffaqui(a)s et illos alguazillis in lures alguazilias. 2. Et que stent illos moros in lures casas que abent de intro per unum annum. Completo anno, quo exeant ad illos barrios de foris cum lures mobiles et cum lures mulieres et cum lures fillios. 3. Et que stent in lures manus illa mezquita maior usque ad lure exita. 4. Et que faciant illos stare in lures hereditates in Tutela et ubicumque abuerint illos in illas uillas de foras. 5. Et quod teneant illos in lure decima et que donent de X unum. 6. Et qui uoluerit vendere de sua hereditate aut inpignorare, quod nullus homo non contrastet nec contradicat. 7. Et qui voluerit exire vel ire de Tudela ad terram de moros vel ad aliam terram, quod sit solito et uadat securamente cum mulieribus et cum filiis et cum toto suo auer per aquam, per terram, qua hora uoluerit, die ac nocte. 8. Et quod sint et stent illos in iudiçio et pleito in manu de lure alcadi et de lures suaçil sicut in tempus de illos moros fuit. 9. Et si habuerit moro iudicio cum christiano vel christianus cum moro, donet iudicium alcadi de moro ad suo moro secundum suam Çunam et alcadi de christiano ad suum christianum secundum suum foro. 10. Et non faciat nullus christianus força ad aliquem moro sine mandamento de lure Açuna. 11. Et si habuerit sospeita super moro de furto aut de fornicio aut de aliqua causa ubi debet habere iusticia, et non probent super illos testimonias si non moros fideles et non prendant christianum. 12. Et si habuerit sospeita ad illo moro de aliquo moro guerrero, non scrutinient suam casam si non habuerit testimonias. Et si fuerit probatus et habuerit testimonias super illum scrutinamentum, solum suam casam et non de suo vicino. 13. Et non mittant super illos moros nullum mayoralem christianum si non bonum christianum et fidelem et de bona fidelitate et de bona generaçiene sine malo ingenio. 14. Et non faciat exire moro in apelito per forza in guerra de moros nec de christianos. 15. Et non intret nullus christianus in casa de moro nec in orto per força. 16. Et si cadierit iura ad illo moro contra christiano, non faciat alia iura si talem qualem debet facere ad suum morum secundum suam Zunam. 17. Et qui voluerit stare in suo orto et in sua almunia foris de illa almedina, non sit eis deuetato. 18. Et quod non faciat nullus moro azoffra nec ille nec sua bestia. 19. Et quod non mittant iudeo maiore super illos moros nec super lures faziendas de illos moros que habeant nullum sennyorium. 20. Et quod nullus christianus non demandet nullam causam ad illos maiorales qui fuerunt in tempus de moros. 21. Et quod sit illo mandamento et illa sennyoria de illos moros in manu de Alfabibi aut in manu de illo moro quem elegerit Alfabibi. 22. Et quod non levent illos alcadis et teneant in lures honores quales habebant in tempus de moros honorablement. 23. Et quod intrent in Tutela si non V christianos de mercaderes et quod pausent in illas alffondecas. 24. Et quod uadat ganato de illos moros et homines per illam terram regis solitamente et prendant illum azudium de illas oves, sicut est foro de Azuna de illos moros. 25. Et quando illos moros erunt populatos in lures barrios de foris, illos christianos non devetent illos moros ire per Tutelam et transire per illum pontem ad lures hereditates. 26. Et non deuedent . nullus homo ad illos moros lures armas. 27. Et si illos almorabites faciant aliquam mutationem super illos mozarabes christianos, no se tornasent illos christianos ad illos moros de Tudela. 28. Et si aliquis moro donauerit suam terram ad moros ad laborare et non poterit illam laborare, suum xarico prendat suum quinto et de terra et de vinea. 29. Et quod nullus christianus non consentat ad nullum iudeum comprare moro per captiuum, nec moro. 30. Et si iudeus dicet nulla mala parabola, quod castiguent illum fort et durament.

Langue

Latin

Source du texte original

José Ángel Lema Pueyo, Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134), Donostia-San Sebastián, 1990, doc. 91

Datation

  • Date fixe : 1119
  • Précisions : Le texte porte la date de 1115, et a été daté comme tels par différents savants (depuis Muñoz Romero jusqu’à Catlos), mais cela est incompatible avec ce que nous savons de la chronologie de la chute de Tudèle <note>Lacarra, "La fecha de la conquista de Tudela"</note>, un événement qu’il est raisonnable de supposer comme le contexte de la rédaction de ce texte, dont nous modifions la chronologie en conséquence, en accord avec les éditions les plus récentes du texte par Lema et Fortún. Des problèmes similaires de datation affectent un texte équivalent étendu à la communauté juive.

Aire géographique

  • Navarre
  • Tudèle, à l'extrême sud de la Navarre, près de la rivière Ebre.

Traduction française

Ceci est la charte que rédigea le roi et empereur Alphonse, fils du roi Sancho, béni de Dieu, avec les juges [alcades] de Tudèle, les juristes, les officiers municipaux et avec les bons maures de Tudèle et Alffabibi. 1. Il confirma les juges dans leurs tribunaux, les juristes dans leurs écoles et les officiers municipaux dans leurs fonctions. 2. Les maures peuvent demeurer dans leurs maisons possédées intra-muros pendant une année. Une fois l’année achevée, ils devront partir dans les quartiers à l’extérieur, avec leurs biens, leurs femmes et leurs enfants. 3. Ils pourront conserver entre leurs mains leur grande mosquée jusqu’à leur départ. 4. Ils pourront conserver leurs possessions à Tudèle et partout où ils en ont dans les villages environnants. 5. Ils conservent pour eux leur dixième, et donnent une partie de chaque dixième. 6. Et que personne ne s’oppose ou ne contredise celui qui veut mettre en vente son bien [héritage lit.] ou le mettre en gage. 7. Celui qui désirerait sortir ou partir de Tudèle vers la terre des maures, ou une autre terre, qu’il le fasse comme à son habitude et qu’il aille en sécurité avec ses femmes, ses enfants et tous ses biens, par voie maritime ou terrestre, à l’heure de son choix, de jour comme de nuit. 8. Et lors des procès et des jugements, les maures se trouvent et demeurent aux mains de leurs juges et de leurs officiers comme c’était à l’époque des maures. 9. Et si un maure est en procès avec un chrétien ou un chrétien avec un maure, le juge des maures donnera le jugement au maure selon la Sunna et le juge des chrétien le fera selon leur fuero. 10. Et aucun chrétien ne devra user de force envers un maure à moins d’une autorisation de la Sunna. 11. Et si un maure était suspecté de vol ou de fornication, ou de tout autre méfait au sujet duquel justice doit être rendue, seuls les témoignages de maures fidèles peuvent servir de preuves, et non ceux des chrétiens. 12. Et si un maure est suspecté d’être un rebelle, on ne fouillera pas sa maison sans preuve. Et si le cas est prouvé et des témoignages confortent cette fouille, seule sa maison [sera fouillée], et non celle du voisin. 13. Et on ne placera pas sur eux de magistrat chrétien, si ce n’est un bon chrétien, fidèle et de bonne foi, de bonne famille et sans mauvaise intention. 14. Et un maure ne devra pas participer de force à la levée en cas de guerre contre les maures ou les chrétiens. 15. Et aucun chrétien ne devra entrer dans la maison ni dans le jardin d’un maure par force. 16. Et s’il arrive qu’un maure doive jurer contre un chrétien, il ne fera pas d’autre serment que celui qu’il doit faire selon sa coutume et la Sunna. 17. Et on ne devra pas empêcher celui qui voudrait demeurer dans son jardin ou dans son verger à l’extérieur de la cité. 18. Et un maure ne devra pas être requis pour l’azoffra [service], ni lui-même ni ses bêtes. 19. Et on n’imposera pas de chef juif aux maures, ni sur les possessions des maures qui n’ont pas de chef. 20. Et aucun chrétien ne déposera de plainte contre les magistrats qui exercèrent au temps des maures. 21. Et le commandement et la suzeraineté sur les maures sera aux mains d’Alfabibi ou aux mains de celui qu’il auront élu Alfabibi. 22. Et les juges ne devraient pas être remplacés et devraient conservés les honneurs qu’ils ont détenu honorablement du temps des maures. 23. Seuls cinq marchands chrétiens pourront entrer dans Tudèle et ils devront rester dans l’alhóndiga. 24 . Et le bétail de ces hommes maures peut passer sur la terre du roi comme à l’accoutumée et ils peuvent prendre l’azudium sur les brebis, selon la coutume de la Sunna de ces maures. 25. Et quand les maures habiteront dans leurs quartiers périphériques, les chrétiens ne doivent pas leur interdire de se rendre à Tudèle, et de traverser sur leurs ponts à leurs héritiers. 26. Et aucun homme ne doit interdire le port d’armes aux maures. 27. Et (même) si les Almoravides s’en prennent de quelque façon que ce soit aux mozarabes chrétiens, les chrétiens ne se retourneront pas contre les maures de Tudèle. 28. Et si quelqu’un donnait sa terre à un maure pour que des maures la travaillent et qu’il ne peut pas la travailler, son locataire peut lui prendre un cinquième de terre et de vignes. 29. Et qu’aucun chrétien ni un maure ne permette à un juif d’acheter un maure comme captif. 30. Et si un juif disait une mauvaise parole [contre un maure], qu’il soit fortement et durement châtié.

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Nous reproduisons ici et traduisons le texte entier des termes de la reddition de la ville de Tudèle (probablement en 1119, bien que le texte soit daté de 1115). Dans d’autres entrées regroupées périodiquement, les clauses seront discutées plus en détail.

Les termes de la reddition pour la population musulmane sont soulignés (un texte équivalent pour la population juive existe), offrant des conditions raisonnablement généreuses et confirmant pour l’essentiel le statu quo de la pré-conquête en terme de propriété et de fonctionnement interne de l’aljama. La principale différence significative étant l’exigence que désormais les musulmans résident extra-muros, une condition qui n’était pas imposée à la population juive. Ces termes ne sont expressément étendus qu’aux « bons maures », sans doute par opposition avec les rebelles (guerreros) et les almoravides, mentionnés ailleurs dans le texte (items 12 & 27).

Signification historique

Ce texte est le premier de son genre dans la sphère navarro-aragonaise qui détaille comment la population maure restant fut intégrée à la société chrétienne après la conquête. On trouve des échos d’accords similaires après les conquêtes précédentes de Calahorra (1045) et Huesca (1096) – particulièrement dans la manière dont les propriétés musulmanes intra-muros furent redistribuées au bout d’un an (Sénac & Laliena, 171-174; Peterson, 130) – et nous savons que les mêmes conditions furent appliquées à Saragosse en 1118, parce qu’un ensemble voisin de conditions accordées à Tortosa en 1148 fut décrit comme basé sur les termes de Saragosse, bien que ce soit le premier texte semblable à avoir survécu. Comme tel, il est essentiel pour comprendre plus d’un siècle d’expansion navarro-aragonaise et les origines de la politique d’intégration de communautés musulmanes conquises. Par contraste, dans les zones qui furent placées sous le contrôles des chrétiens à des dates plus anciennes, comme Nájera, conquise en 925 ou Estella, même dans les codes du XIIème siècle, les musulmans apparaissent comme de simples biens, sans droits civiques.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • La dernière référence à l’original dont nous disposons est la transcription faite par la Real Academia de la Historia (Diccionario geográfico-histórico, t. II, 558-9) au milieu du XVIIIème siècle. Cette transcription a servi de support à la plupart des éditions suivantes, avec un apport additionnel d’une copie du XIVème siècle (Archivo General de Navarra, box I, no. 16.1).

Editions

  • L. J. Fortún Pérez de Ciriza, "Colección de 'Fueros Menores' de Navarra y otros privilegios locales", Príncipe de Viana 165 (1982), 287-289 (doc. 8).
  • J. Á. Lema Pueyo, Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134) (Donostia-San Sebastián, 1990), doc. 91.
  • T. Muñoz Romero, Colección de Fueros Municipales y cartas pueblas (Madrid, 1847), 415-417.8.

Etudes

  • B. A. Catlos, The Victors and the Vanquished. Christians and Muslims of Catalonia and Aragón, 1050 – 1300 (Cambridge University Press, 2004), especially pp. 96-97.
  • P. Sénac & C. Laliena, Musulmans et Chrétiens dans le Haut Moyen Âge (Montrouge: Minerve, 1991), especially pp. 171-174.
  • J. A. Lema Pueyo, «Las relaciones entre moros y cristianos en Tudela y su ordenamiento foral en el pacto de capitulacion de marzo de 1119» Cuadernos de Sección. Historia-Geografía 18 (1991), 23-34
  • D. Peterson, “Minorías religiosas en La Rioja, siglos X-XII”, in C. E. Prieto (ed.), El mundo urbano en la España cristiana y musulmana medieval, Asturiensis Regni Territorium, vol. 7 (Oviedo: 2013), 121-133.
  • J. Serrano i Daura, «La carta de seguretat dels sarrains de Tortosa, de 1148», in J. Serrano Daura (coord.), Les Cartes de Població cristiana i de Seguretat de jueus i sarrains de Tortosa, (Univ. Internacional de Catalunya, 2000), 105-150

Mots-clés

autonomie communautaire ; droit islamique ; musulmans ; quartier musulman

Auteur de la notice

David   Peterson

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°254441, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254441/.

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