Réponses aux questions concernant les relations entre chrétiens et Sarrasins
Les chrétiens qui mettent en gage leurs domestiques chez les musulmans commettent un péché mortel
Item, utrum sint excommunicati milites christiani uel allii, qui conuersantes cum sarracenis , obligant uel impignorant uiros uel feminas de familiis suis sarracenis, necessitate compulsi, et maxime qui eos obligant nec credunt se posse sufficere ad redemptionem eorum. Contingit autem multoties, quod taliter obligati et maxime pueri uel puelle fiunt postmodum sarraceni et si postea repetuntur non redduntur. Respondemus: similiter.
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/76/12/57/PDF/Penyafort.pdf
Également, est-ce que sont excommuniés ces chrétiens, chevaliers ou autres, qui, ayant des relations commerciales avec les Sarrasins, poussés par la nécessité, mettent en gage ou hypothèquent, auprès des Sarrasins des hommes et des femmes qui font partie de leurs propres domestiques ? En particulier, souvent ceux qui savent qu'ils ne pourront pas racheter ceux qu'ils ont mis en gage. Il arrive souvent que ceux qui ont été mis en gage de cette façon, surtout les garçons et les filles, deviennent plus tard sarrasins — et si par la suite on les revendique, ils ne sont pas rendus. Nous répondons de la même façon.
L. Foschia
Les frères rapportent que certains chrétiens – particulièrement, mais pas seulement, des chevaliers (milites), – endettés (necessitate compulsi) remettent aux musulmans des hommes et femmes chrétiens de leur familiis, (« domestiques ») comme garanties pour leurs dettes ou leurs autres obligations légales (peut-être militaires). En d’autres termes, ils utilisent leurs serviteurs chrétiens comme des gages, sachant dans de nombreux cas qu’ils n’avaient qu’une faible chance d’être en mesure d’honorer leurs dettes (ces personnes devenaient alors probablement les possessions permanentes de leurs nouveaux maîtres en cas de défaut des obligations du débiteur). Ce qui dérange les frères n’est pas la mise en gage d’êtres humains, mais le risque spirituel encouru par la remise aux mains des musulmans de chrétiens pour une période indéterminée. Beaucoup d’entre eux, surtout les jeunes (pueri vel puellae) finissaient par apostasier. La réponse du pape (comme aux § 6 et 7) est qu’une telle pratique est un péché mortel, mais qui n’entraîne pas d’excommunication.
En situation de dettes, ou face à leurs autres obligations légales, les chrétiens de Tunis pouvaient être amenés à faire face à la saisie de leurs biens ou de leur personne. Certains d’entre eux préféraient sacrifier leurs domestiques, temporairement (jusqu’à ce que les obligations soient réglées) ou de façon permanente (en cas de défaut). En théorie (du point de vue du droit canon), ces serviteurs devaient être libres et non passibles de captivité pour les dettes de leurs employeurs. Ces familiae étaient encore enfermés dans des réseaux de dépendance au sein desquels les distinctions entre libres et captifs avaient peu d’effet : il n’y avait rien pour empêcher leurs maîtres de les gager auprès des créanciers musulmans. Le souci des frères ici ne concerne pas la liberté légale de ces serviteurs chrétiens, mais leur bien-être spirituel : ils s’inquiètent du risque d’apostasie, surtout parce que certains de ces domestiques devenaient les esclaves des musulmans à un âge encore jeune.
apostasie ; apostasie ; dette ; esclaves
Laurence Foschia : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252839, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252839/.