Livre contrefais
Livre contrefais
Les esclaves affranchis ne peuvent pas poursuivre leurs maîtres en justice.
…Encement le libertus, ce est celui qui fu Sarrazin et puis c'est fait Crestien : celuy ne peut plaidoier à son seignor, par ceste mesme raizion dou fis familias. Et viaut l'on dire que ce le libertus ce clamast de son seignor ou de sa feme ou de ces enfans, il doit estre enchu par l'assise de payer L. bezans…
A.Beugnot, "Abrégé du Livre des Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, vol. 2 : Lois (Paris, 1843), repr. (Farnborough, 1967).
…En outre, il se trouve qu'un homme affranchi, c'est-à-dire un sarrasin qui est devenu chrétien, ne peut pas porter plainte contre son seigneur, pour la même raison que le fils de la famille. Et on doit dire que si l'homme affranchi a porté plainte contre son seigneur ou la femme de son seigneur ou leurs enfants, selon l'assise il est tenu de payer une amende de 50 besants…
A. Bishop, L. Foschia
Cette assise interdit aux esclaves affranchis de poursuivre leurs anciens maîtres et fait allusion à la partie précédente du chapitre qui interdit à un fils de poursuivre son père. Ce chapitre relie les chapitres 15 et 16 des assises des bourgeois de Jérusalem, qui sont influencés par le principe du paterfamilias du droit romain. Celui-ci avait l'autorité absolue sur sa famille, y compris ses esclaves, et ne pouvait pas être poursuivi par ses anciens esclaves affranchis ; voir par exemple Dig. 2.4.8-9 et 2.4.25, et Cod. 6.7.3. L'amende de cinquante besants rencontrée dans le manuscrit de Munich des assises des bourgeois est comparable à l'amende de cinquante aurei du Digeste (bien que dans le manuscrit vénitien des assises des bourgeois l'amende soit de soixante besants). Le Livre contrefais ne mentionne pas la peine de mutilation, qui se trouve dans les assises des bourgeois de Jérusalem.
Pour une analyse de la présence d'esclaves musulmans dans le royaume de Jérusalem, et des origines probables de cette assise, voir le fichier sur le chapitre 16 des assises des bourgeois de Jérusalem. Apparemment cette loi n'a aucun rapport avec le Chypre du XIVe siècle, car l'auteur du Livre contrefais admet qu'il n'a jamais vu un cas de ce type pendant les quarante ans de sa carrière juridique. L'esclavage n'était pas aussi répandu à Chypre qu'ailleurs dans le monde méditerranéen, mais il y avait un marché aux esclaves à Famagouste où étaient vendus prisonniers de guerre et autres captifs. Les esclaves de toute la Méditerranée et d'Afrique étaient employés comme main-d'oeuvre domestique et agricole.1
1 . B. Arbel, "Slave trade and slave labor in Frankish and Venetian Cyprus (1191-1571)" (Studies in Medieval and Renaissance History 14 (1993), repr. in Cyprus, the Franks and Venice, 13th-16th Centuries (Aldershot, 2000)), 160-163.
affranchissement ; conversion au christianisme ; esclaves ; musulmans
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Claire Chauvin : relecture
Notice n°252341, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252341/.