Général
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Yves, évêque de Chartres
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Clercs d’Autun
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Ivo, Dei gratia humilis Carnotensis Ecclesiae minister, clericis Eduensibus(1), eloquiorum castorum unam faciem(2) attendere.
Quoniam « universae viae Domini misericordia et veritas(3) », non intelligimus Scripturas divinas inter se dissentire, cum alia Scriptura rigorem intendit justitiae, altera autem dispensationem sequitur indulgentiae(4). Quod interim omisso sensu allegoriae, considerandum puto inter evangelicam sententiam, quae absolute consulit adulteram aut viro priori reconciliari, aut manere(a) innuptam(5), et illam Veteris Testamenti, quae dicit adulteram dimissam a priore viro et alteri per conjugium sociatam, si ab eo repudiata fuerit, nullatenus priori reconciliandam(6). Haec enim sententia, quae reconciliationem adulterae prohibet, rigorem mihi videtur sequi justitiae ne, dum uni parcitur, multi in discrimen adducantur(7) et paucis indulta licentia plurimorum faciat pullulare flagitia. Quod notabiliter habetur in ipsa legis sententia, ubi prohibitioni subinfertur : « Ne peccare facias terram quam Dominus Deus tuus tibi dedit possidendam(8) ». Evangelica vero sententia humanae infirmitati contemperata misericordiam magis vult quam judicium, quae legis temperat austeritatem, sine ulla exceptione consulens fieri adulterae mulieris reconciliationem ; quam secuti sunt Patres nostri post Evangelium, utiliorem intelligentes esse misericordiam in tali contractu quam judicium. Beatus vero Hieronymus honorans sacramentorum sanctitatem legalem more suo in hac sententia sequitur legis austeritatem, intelligens per hoc tutius posse muniri salutem(9).
In hac igitur ambiguitate finem ponit auctoritas evangelica, contra quam nec personalis nec epistolaris valere debet sententia. Unde Leo quartus episcopis Britanniae ita scribit(10) : « De libellis et commentariis quorumlibet non convenit aliquos judicare et canonum atque decretorum regulas relinquere. » Beatus quoque Augustinus scripturas suas et sibi similium inter canonicas Scripturas in multis opusculis suis testatur non esse computandas(11). Quod si auctoritate Veteris Testamenti me urgetis, breviter respondeo haec et alia Veteris Testamenti praecepta quae ibi figurate sunt posita in Ecclesia spiritualiter fuisse completa. Cum enim anima quaelibet per fidem Christo fuerit sociata, si per haereticam pravitatem a Christo recedens alteri viro, id est diabolo, adhaeserit, cum forte ad priorem virum, id est ad Christum(b), reverti voluerit, secundum diffinitionem antiquorum canonum(12) usque ad exitum vitae non est societati ejus copulanda, id est ad communionem sacramentorum Christi et Ecclesiae admittenda, non quod vere poenitens debeat de indulgentia desperare, sed in hac separatione lapsum suum humiliter deplorare. Possem ea quae dixi multiplicibus sententiis confirmare, sed puto ad intelligendum id quod sentio ista sufficere. Valete.
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remanere Au
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id est Christum AMAu.
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Autun, chef-lieu arr., Saône-et-Loire.
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Facies eloquiorum castorum, d'après Ps. 11, 7. Augustin,Confessions, l. 7, ch. 21, 27, éd. P. de Labriolle, t. 1, p. 171. Même citation lettre 67. Augustin évoque dans ce passage comment il a surmonté les contradictions apparentes entre Paul et l'Ancien Testament. Voir aussi lettre 231, où Yves parle du libelle qu'il a écrit sur la concordance entre les deux Testaments.
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Ps. 25, 10.
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Cf.
Prologue, § 13, éd. citée, p. 78-80.
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I Cor. 7, 11.
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D'après Deut. 24, 4.
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Voir références lettre 114.
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Deut. 24, 4.
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Plusieurs canons du
Décretprônant l'austérité sont tirés de Jérôme : 8, 239-240, 277, 310, mais il n'y a pas ici citation exacte.Tutius munire, Augustin,ep. ad Bonifacium, c. 45 ; l'expression apparaît trois fois dans lePrologue(§ 10, 13, 40) ainsi que dansDécret6, 386.
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Léon IV,
ep. 2, c. 6, aux évêques de Bretagne. Yves,Décret4, 72 ;Panormie2, 118 (Gratien, D. 20, 1).
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Par exemple,
Noli meis litteris quasi Scripturis canonicis inservire,De Trinitate, l. 3,proemium. Il y a pourtant 64 canons tirés d'Augustin dans le seul livre 8 duDécret!
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Il n'y a pas dans le
Décretde sentence aussi sévère, sauf pour les fornicatrices infanticides (concile d'Ancyre, c. 21. Yves,Décret8, 314 et 11, 181). Les autres pécheurs peuvent accéder aux sacrements après une accusation publique et un nombre variable d'années de pénitence.
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a. Avranches, BM 243, 115v-116
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 81v-82
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Au. Auxerre, BM 69, 89rv
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Yves, par la grâce de Dieu humble ministre de l'Église de Chartres, aux clercs d'Autun, s'attacher à l'aspect unique des saints oracles.
Puisque « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité », nous ne comprenons pas que les Écritures divines se contredisent entre elles, lorsqu'une Écriture tend vers la rigueur de la justice, mais qu'une autre suit la dispense de l'indulgence. Laissant de côté pour un temps le sens allégorique, je pense qu'il faut porter sa réflexion entre la sentence évangélique, qui conseille sans restriction que la femme adultère ou bien se réconcilie avec son premier mari ou bien demeure sans mari, et celle de l'Ancien Testament, qui dit que la femme adultère, abandonnée de son premier mari et liée à un autre par un mariage, si elle a été répudiée par celui-ci, ne doit en aucun cas être réconciliée avec le premier. Car cette sentence, qui interdit la réconciliation à la femme adultère, me paraît suivre la rigueur de la justice pour éviter que, tandis qu'on en épargne un seul, beaucoup ne soient entraînés vers le danger et que la licence concédée à un petit nombre ne fasse multiplier les opprobres d'un plus grand nombre. C'est ce qui est dit visiblement dans la sentence même de la Loi, où il est ajouté à l'interdiction : « Pour que tu ne fasses pas pécher la terre que le Seigneur ton Dieu t'a donnée à posséder. » Mais la sentence évangélique, adaptée à la faiblesse humaine, veut plutôt la miséricorde que le jugement, elle qui tempère l'austérité de la loi, déterminant sans aucune exception qu'ait lieu la réconciliation de la femme adultère ; c'est elle qu'ont suivie nos Pères après l'Évangile, comprenant que dans un tel contrat la miséricorde était plus utile que le jugement. Mais le bienheureux Jérôme, honorant la sainteté légale des sacrements, suit à sa manière dans cette sentence l'austérité de la loi, comprenant que par là le salut peut être fortifié plus solidement.
C'est pourquoi dans cette ambiguïté un point final est mis par l'autorité évangélique, contre laquelle aucune sentence personnelle ou épistolaire ne doit avoir de valeur. Aussi Léon IV écrit-il aux évêques de Bretagne : « Il ne convient pas que des gens jugent sur les libelles et les commentaires de n'importe qui et abandonnent les règles des canons et des décrets. » Le bienheureux Augustin aussi atteste dans nombre de ses opuscules que ses écrits et ceux de gens semblables à lui ne doivent pas être comptés parmi les Écritures canoniques. Et si vous me pressez avec l'autorité de l'Ancien Testament, je réponds brièvement que ces préceptes et d'autres de l'Ancien Testament qui ont été placés là de manière figurée ont été complétés spirituellement dans l'Église. Car quand une âme, quelle qu'elle soit, aura été associée au Christ par la foi, si s'écartant du Christ par dépravation hérétique elle s'unit à un autre homme, c'est-à-dire au diable, quand par hasard elle voudra revenir au premier homme, c'est-à-dire au Christ, selon la définition des anciens canons elle ne devra pas jusqu'à la fin de sa vie être unie à la société de celui-ci, c'est-à-dire être admise à la communion des sacrements du Christ et de l'Église, non que, vraiment pénitente, elle doive désespérer de son indulgence, mais pour que, dans cette séparation, elle déplore humblement sa faute. Je pourrais confirmer ce que j'ai dit par de multiples sentences, mais je pense que celles-ci suffisent pour qu'on comprenne ce que je pense. Adieu.