Général
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Yves, évêque de Chartres
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Galon, évêque de Paris
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après 1104 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Gualoni, Dei gratia Parisiensium episcopo, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, salutem.
De canonico Ecclesiae vestrae, qui contra prohibitionem vestram matrimoniales tabulas sibi composuit(1), nullam sententiam ad manum habeo quam dilectio vestra ignoret si scripta apud se reposita diligenter exploret. Verumtamen consilium quod mihi ipsi darem, si aliquem de commissis mihi fratribus uxoria compede astrictum deprehenderem(2), tutum esse intelligo, videlicet ut sacramentum conjugii maneat, clericus vero qui, postposita clericali continentia, de superiori ordine ad inferiorem descendit stipendia militiae clericalis amittat. Novit enim vestra dilectio, quando de laica conversione in clericum quis assumitur, non maritali exercitio, sed divinae tantum militiae dedicatur(3)(a). Unde ab ordinatoribus clericorum in eorum ordinatione de eis ita dicitur(4)(b) : « Haec est generatio quaerentium Dominum » ; non dicitur quaerentium conjugium, sed quaerentium tantum Dominum quia, ut testatur doctrina apostolica(5) : « Nemo militans Deo implicat se negotiis saecularibus, ut ei placeat cui se probavit(c) ». Postquam ergo de inferiori laicorum gradu quis sortitus fuerit superiorem, id est militiam clericalem, et inde se praecipitaverit ad voluptatem conjugalem, nulla ratio sinit ut, in illo casu positus, illius ordinis dignitate et utilitate potiatur, quam misera voluptate commutasse videtur. Ad hoc enim instituta est clericalis militia ut psalmodiae et hymnodiae quotidianum Deo offerat sacrificium(6) ; quod offerre jure non poterit cui, ut plus placeat uxori quam Deo, lenocinante uxore et fallente carnis voluptate, operam dare necessarium erit. Cum enim, secundum Apostolum, non concedatur laicis orare, nisi eo tempore quo continent(7), quanto magis semper debent continere qui tam pro suis quam pro aliorum delictis jubentur orare. Ad hoc quippe fidelium oblationes(d) in stipendia clericorum deputatae sunt, ut et continenter vivant et benefactorum suorum peccata sanctitatis intercessione detergere sufficiant, quatenus hii de quorum eleemosynis vivunt hoc eorum meritis assequantur, quod assequi suis meritis non merentur.
Quamdiu ergo in hoc agone positi ab omnibus a quibus abstinendum est se abstinent(8), merito stipendiis militiae suae habentur digni ; cum autem ea servare contempserint, eisdem judicantur indigni. Quibus ad depositionem eorum hoc solum sufficere videtur, quod et illicita praesumunt et salutaribus episcoporum praeceptis obedire contemnunt, secundum illud Apostoli(9) : « habentes in promptu ulcisci omnem inobedientiam ». Praeterea qui honestam et utilem Ecclesiae consuetudinem, quam pro lege habendam censet auctoritas(10), pertinaciter et superbe contemnit, manifeste canonicae institutionis violator existit, cui contemptui qui parcit, multos in discrimen adducit(11). In hunc modum Nicaeni canones(12) et Agatense concilium(13) prohibent clericum non tantum mulierum carnale sortiri consortium, sed etiam domesticum habere contubernium, exceptis illis personis quae non continent aliquod suspicionis argumentum. In hanc sententiam consentiunt etiam sententiae sanctorum Patrum, Augustini, Hieronymi caeterorumque doctorum qui de vita scripsere clericorum. Quae omnia breviter commemoro, quia nihil horum vos latere cognosco. Valete.
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dedicari éd.
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de eis dicitur A, dicitur de eis éd.
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probaverit éd.
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orationes AM.
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Problème similaire lettre 200.
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Sur les condamnations des clercs mariés ou non continents, voir Yves,
Décret6, 86-87 etPanormie3, 138-140 (Gratien, D. 81, 16-18).
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Ce début de lettre est contient de nombreuses expressions canoniques sans citation précise.
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Ps. 24, 6.
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II Tim. 2, 4.
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Cum psalmodiis et hymnis vacare debeant, Yves,Panormie8, 144 (sans référence de source).
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I Cor. 7, 5, cité par Ps.-Augustin,
Quaestiones Veteris et Novi testamenti, c. 127, 35,CSEL50, p. 415. Yves,Décret8, 89.
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D'après I Cor. 9, 25. La métaphore de
stipendiaest aussi paulinienne.
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II Cor. 10, 6.
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Augustin,
ep. ad Casulanum,ep. 36, 2,CCSL31A, p. 130. Yves,Décret4, 68 ;Panormie2, 158. Voir lettre 184.
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Yves,
Décret, 10, 171, voir références lettre 114.
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Concile de Nicée, c. 3,
Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 258. Yves,Décret6, 186 ;Panormie3, 112 (Gratien, D. 32, 16). Les seules femmes qui ont le droit de vivre avec des clercs sont leurs mères, sœurs, tantes et nièces.
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Concile d'Agde, c. 10,
Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 331. Yves,Décret6, 189.
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a. Avranches, BM 243, 114v-115
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 81rv
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T. Troyes, BM 1924, 16rv
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À Galon, par la grâce de Dieu évêque des Parisiens, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, salut.
Au sujet du chanoine de votre église, qui malgré votre interdiction a rédigé un contrat de mariage pour lui, je n'ai sous la main aucune sentence que votre dilection puisse ignorer si elle recherche avec soin les textes en sa possession. Mais cependant je pense qu'est sûr le conseil que je me donnerais à moi-même si je surprenais l'un des frères qui m'ont été confiés lié par la chaîne du mariage : que le sacrement de mariage demeure, mais que le clerc qui, ayant abandonné la continence cléricale, est descendu de l'ordre supérieur à un ordre inférieur perde la solde de la milice cléricale. Car, votre dilection le sait, quand quelqu'un passe de la condition laïque au statut de clerc, il se voue non à la pratique du mariage mais à la seule milice divine. Aussi ceux qui ordonnent les clercs leur disent-ils au cours de leur ordination : « Voici la génération de ceux qui cherchent le Seigneur » ; on ne dit pas de ceux qui cherchent le mariage, mais de ceux qui cherchent seulement le Seigneur, parce que, comme en témoigne la doctrine apostolique : « Que personne militant pour Dieu ne s'implique dans les affaires séculières, pour plaire à celui à qui il s'est soumis ». Donc après que quelqu'un a choisi de passer du grade inférieur des laïcs à un supérieur, c'est-à-dire à la milice des clercs, et qui de là est tombé dans la volupté conjugale, aucune raison ne permet que, placé dans cette situation, il jouisse de la dignité et de l'utilité de cet ordre qu'on le voit avoir échangées pour une misérable volupté. Car la milice des clercs a été instituée pour offrir à Dieu le sacrifice quotidien du chant des psaumes et des hymnes ; ce que ne pourra à juste titre offrir celui à qui il sera nécessaire de s'appliquer à plaire davantage à sa femme qu'à Dieu, car sa femme le séduit et la volupté de la chair le trompe. Comme en effet, selon l'Apôtre, il n'est concédé aux laïcs de prier que dans le temps qu'ils sont continents, combien plus doivent être toujours continents ceux qui reçoivent l'ordre de prier tant pour leurs fautes que pour celles d'autrui. C'est assurément pourquoi les offrandes des fidèles ont été attribuées pour la solde des clercs, de sorte qu'ils vivent dans la continence et qu'ils puissent par l'intercession de leur sainteté laver les péchés de leurs bienfaiteurs, pour que ceux des aumônes de qui ils vivent obtiennent par les mérites de ces clercs ce qu'ils ne méritent pas d'obtenir par leurs propres mérites.
Donc aussi longtemps que, placés dans ce stade, ils s'abstiennent de tout ce dont ils doivent s'abstenir, ils sont dignes à bon droit de la solde de leur milice ; mais alors qu'ils dédaignent de s'y tenir, ils en sont jugés indignes. Ce seul fait semble suffisant pour qu'ils soient déposés, à savoir qu'ils commettent des actes illicites et qu'ils refusent d'obéir aux préceptes salutaires de leurs évêques qui, selon ce mot de l'Apôtre, « ont la faculté de punir toute désobéissance ». En outre, celui qui dédaigne avec opiniâtreté et orgueil la coutume honnête et utile de l'Église, que l'autorité considère devoir être tenue pour loi, se trouve manifestement violateur de l'institution canonique, et celui qui tolère ce dédain en entraîne beaucoup dans un grand péril. Pour cette raison les canons de Nicée et le concile d'Agde défendent au clerc non seulement de partager une union charnelle avec les femmes, mais même d'avoir une cohabitation domestique, sauf avec les personnes qui ne présentent aucun sujet de suspicion. Les sentences des saints Pères, Augustin, Jérôme et des autres docteurs qui ont écrit sur la vie des clercs concordent sur cette sentence. Je rappelle tout ceci brièvement parce que je sais que rien de ceci ne vous est inconnu. Adieu.