Général
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Yves, évêque de Chartres
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Geoffroy, évêque de Beauvais
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Gaufrido, venerabili Belvacensium episcopo, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, salutem et servitium.
Dilectionem vestram pro Ecclesia Beati Quintini saepe interpellavimus(1), bonam spem, bonum promissum a dulciloquio vestro reportavimus. Unde adhuc humili devotione piis precibus eamdem dilectionem vestram petendo, pulsando(2), imploramus quatenus praedictae Ecclesiae quietem et ipse conservetis et ab aliis conservari, postposita omni commodi occasione(a) et aemulorum delatione, studeatis. Numquam enim adversum vos in judicium venire voluimus, numquam aemulis vestris et detractoribus aurem cordis accommodavimus. Sed, si quid indecens de vobis fama sonuit, pie dissimulare et fraterna compassione velare studuimus(3).
Hoc autem est quod a dilectione vestra postulavimus, et adhuc postulamus, ut privilegia quae dicta(b) beati Quintini Ecclesia ab antecessoribus vestris obtinuit et apostolica manus roboravit, regia quoque majestas pragmatica sanctione firmavit(4), intemerata servetis, sicut si fierent vestra illibata servari velletis. Nolumus adversum vos sublimium personarum aures pulsare, donec experiamur misericordiae viscera(5) vobis(c) clausa perdurare, quia tunc demum tumores ferro pungendi sunt, cum sentire fomenta refugiunt. Sciat vestra prudentia quia(d) quaecumque bona fecerunt antecessores vestri praedictae Ecclesiae vestra sunt et aeque vobis ut illis profutura si congaudeatis ; temporaliter et aeternaliter obfutura, si pusillum Domini gregem inquietare et a tranquillitate mentis quae servis Dei necessaria est perturbari aliqua temporalis emolumenti occasione permittatis. Vestrum est rigare et nutrire quod alii plantaverunt, ut eumdem fructum reddat secunda gratia nutritori, quem reportatura est prima gratia plantatori.
Sciat quippe sollicitudo vestra quia fundator praedictae Ecclesiae bonae memoriae domnus Guido, Belvacensis episcopus(6), nullam mulctam pecuniae, nullam exactionem, nullam consuetudinem in praedicta Ecclesia, vel in vico sibi adjacente sibi vel successoribus suis, vel cuicumque potestati retinuit. Omnia haec per regiam manum, deinde per comprovincialium episcoporum convenientiam, demum per auctoritatem apostolicam dedit, omnia praedictae Ecclesiae praetaxatis sanctionibus confiscavit. Hanc libertatem Ecclesia a tempore sacerdotii mei et tempore domni Galonis(7), postea Parisiensis episcopi, inconcusse possedit. Quod modo ut audivi adnihilare molitur malevolorum persuasionibus vestra intentio, dicens rem se aliter habuisse quam diximus, cum constet non esse pro lege habendum quod manifestum fuerit contra sacra(e) privilegia fuisse praesumptum(8). Quod si aliquis de clientela Ecclesiae, vel parrochianis contra pacem vel Christianam legem fecerit, per officium vestrum ad satisfactionem cogite ; Ecclesiam vero cum suo abbate quiete Deo servire permittite. Valete.
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commodi elatione occasione A, commodi occasione MT, commodi datione occasione éd. Ju
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predicta MTAu
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in vobis MTAu, in vobis et nobis A
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quod éd. Ju
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om. A éd.
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Geoffroy, voir lettre 151. Saint-Quentin, voir lettre 31.
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D'après Apoc. 3, 20.
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Lettre 151.
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Les prédécesseurs de Geoffroy sont Guy, Ursion, Foulques, Anseau, Galon. Privilèges de Grégoire VII,
Epistolae extra vagantes, l. 61, datée du 24 novembre 1083,PL148, col. 704, adressée à Yves, prévôt et à ses successeurs, éd. H.E.J. Cowdrey,The epistolae vagantes of pope Gregory VII, Oxford, 1972, p. et d'Urbain II,PL151, lettres 91, 59, 202, 281. M. Prou,Actes dePhilippeIer, janvier 1079, acte 94, p. 242-245. Pragmatique sanction : l'expression se rencontre plusieurs fois dans leDécret, l. 3, 188, 192, 193 ; l. 4, 49, 146 ; l. 16, 149, d'aprèsEpitome Juliani, 7, 40, 9. Même emploi dans un privilège de Philippe Ieren 1105 rédigé par Yves concernant le pillage des biens de l'évêque défunt, éd. M. Prou, p. 383-385.
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Luc. 1, 78 et Col. 3, 12.
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Voir lettre 181.
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Abbé de Saint-Quentin, évêque de Beauvais puis de Paris, voir lettre 102.
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Cette sentence semble forgée par Yves sur le modèle d'une prescription canonique. Dans le
Décreton trouvepro lege, mais dans un autre contexte (avec la coutume) ;contra privilegian'y apparaît pas.
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a. Avranches, BM 243, 105v
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 73
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T. Troyes, BM 1924, 110rv
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Au. Auxerre, BM 69, 81-82
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Ju. PL CLXII, col. 11-504, d'après Fr. Juret, Ivonis, Carnotensis episcopi, epistolae, 1585,
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À Geoffroy, vénérable évêque de Beauvais, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, salut et service.
Nous avons souvent fait appel à votre dilection en faveur de l'Église du bienheureux Quentin et nous avons reçu de votre douceur bon espoir, bonne promesse. C'est pourquoi, en sollicitant avec une humble dévotion votre même dilection par de pieuses prières et en frappant à nouveau, nous vous implorons de conserver vous-même la tranquillité de ladite Église et de vous appliquer à la faire conserver par les autres, repoussant toute occasion de profit et toute délation des rivaux. Car jamais nous n'avons voulu venir en jugement contre vous, jamais nous n'avons prêté l'oreille du cœur à vos ennemis et détracteurs. Mais, si a résonné quelque bruit inconvenant à votre sujet, nous nous sommes appliqué à le dissimuler pieusement et à le voiler avec une compassion fraternelle.
Or voici ce que nous avons réclamé à votre dilection et que nous réclamons encore : que les privilèges que ladite église du bienheureux Quentin a obtenus de vos prédécesseurs et que la main apostolique a confirmés, que la majesté royale a également affermis d'une pragmatique sanction, vous les conserviez intacts, comme vous voudriez qu'ils soient conservés entiers s'ils devenaient vôtres. Nous ne voulons pas frapper contre vous les oreilles de personnes plus élevées tant que nous n'avons pas la preuve que demeurent closes en vous les viscères de la miséricorde, parce que les tumeurs doivent être alors enfin percées par le fer, quand elles se refusent à réagir au baume. Que votre prudence sache que tous les biens que vos prédécesseurs ont faits à ladite Église sont vôtres et vous seront utiles autant qu'à eux si vous vous en réjouissez avec eux ; qu'ils vous nuiront et maintenant et éternellement si vous laissez inquiéter le petit troupeau du Seigneur et si, pour quelque occasion de profit temporel, vous le laissez troublé, loin de la tranquillité d'esprit qui est nécessaire aux serviteurs de Dieu. Il vous appartient d'arroser et de nourrir ce que d'autres ont planté, pour qu'une seconde grâce offre à celui qui nourrit le même fruit que la première grâce doit rapporter à celui qui plante.
Que votre sollicitude sache assurément que le fondateur de ladite Église, le seigneur de bonne mémoire Guy, évêque de Beauvais, ne retint aucune taxe d'argent, aucune exaction, aucune coutume dans ladite église ou dans le vicus qui lui est adjacent, ni pour lui, ni pour ses successeurs, ni pour aucune puissance. Tout cela, par la main royale, puis par l'accord des évêques comprovinciaux, enfin par l'autorité apostolique, il le donna, tout cela il le conserva pour ladite église selon les décisions susmentionnées. Cette liberté, l'Église l'a possédée sans trouble du temps de mon administration et du temps du seigneur Galon, ensuite évêque de Paris. Récemment, à ce que j'ai appris, vous méditez le dessein d'annihiler ceci, sur les persuasions des malveillants, disant que la chose s'est passée autrement que nous ne l'avons dit, alors qu'il est évident que ne doit pas être tenu pour loi ce qui aura manifestement été osé contre les privilèges sacrés. Si quelqu'un de ceux qui sont au service de l'Église ou des paroissiens fait quelque chose contre la paix ou contre la loi chrétienne, poussez-le par votre office à faire satisfaction ; mais permettez à cette Église de servir Dieu avec son abbé dans la paix. Adieu.