Général
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Yves, évêque de Chartres
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Adèle de Normandie, comtesse de Chartres
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après 1103 - avant 1104
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[1103-1104]
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Lettre
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Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, Adelae, Palatinae comitissae, et pacis et charitatis visceribus(1) abundare.
Multa vobis de me referuntur quae non oportet ut a vobis vera esse credantur(2). Habui enim et habeo multos et magnos ad perturbandum persuasores, qui se etiam promitterent futuros per omnia et in omnibus adjutores ; quod adhuc studiose evito et evitavi, licet hoc a multis non religioni ascribatur, sed pusillanimitati. Et putabam me invenisse modum quo pax fieri poterat cum vestra honestate et clericorum voluntate, nisi consilio insipientium et malignorum filius vester Herodianum illud sacramentum fecisset(3) et ad idem burgenses suos coegisset. Quo facto, usus honestorum virorum consilio(4), nolui eis ultra dare benedictionem. Sed tamen pro amore vestro distuli maledictionem ; nec enim benedictione digni sunt qui maledictionem meruerunt et in mortem immeritorum incaute conspiraverunt, donec resipiscant et pro illicito juramento veniam petant. Oportet ergo ut, antequam res in pejus vergat(5)(a), aut per vos aut idoneos mediatores colloquium habeamus et, prout melius Deus donaverit, tam periculosam et inutilem(6) turbam ad pacem reducere studeamus. Jam enim dissimulare diu juste non potero quin justo anathemate feriam talium malorum incentores et eorum cooperatores, nisi tantis et illicitis ausibus(7) remedium praepararetur quo res impia et turba inutilis in pacis serenum convertatur. Valete, et quod melius vobis visum fuerit per praesentium portitorem remandate.
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vertatur M.
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Phil. 2, 1. Adèle, voir lettre 5.
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Voir lettres 116 et 124.
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Guillaume, voir lettre 134.
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Cette précision est importante pour donner poids à sa décision et contraste avec le mauvais conseil qu'a reçu Guillaume. Voir par exemple le nombre important d'occurrences du mot « conseil » dans la correspondance de Lambert d'Arras.
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L'expression
pejorem vergat in exitumse trouve dans les canons consacrés aux serments, Yves,Décret12, 13 et 75 ;Panormie8, 94, d'après Bède,Hom. in decollatione Johannis Baptiste, et décrets du pape Sother, c. 3 (Gratien, 22, 4, 6 et 16).
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Le mot est beaucoup plus fort que notre « inutile » et toujours associé en droit canonique à des termes très péjoratifs, comme pernicieux, damnable, inconvenant.
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Autre terme péjoratif, les adjectifs
sacrilegis,inhibitis,nefandisaccompagnentausibusdans leDécret4, 185 ; 5, 345 ; 7, 22.
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a. Avranches, BM 243, 79rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 54
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T. Troyes, BM 1924, 105rv
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Au. Auxerre, BM 69, 53
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Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, à Adèle, comtesse palatine, déborder en son sein de paix et de charité.
On vous rapporte à mon sujet beaucoup de choses qu'il ne faut pas que vous croyiez vraies. J'ai eu en effet et j'ai de nombreux et importants instigateurs de trouble, qui se proposeraient même de devenir mes auxiliaires pour tout et en tout ; ce que jusqu'ici j'évite et ai évité soigneusement, bien que ceci soit imputé par beaucoup non à ma piété mais à ma pusillanimité. Et je pensais avoir trouvé le moyen de pouvoir faire la paix avec votre honorabilité et avec la volonté des clercs si, sur le conseil de gens stupides et nuisibles, votre fils n'avait fait ce serment digne d'Hérode et n'avait poussé ses bourgeois à la même chose. Ceci fait, usant du conseil d'hommes honnêtes, je n'ai plus voulu leur donner ma bénédiction. Mais cependant, par amour pour vous, j'ai différé la malédiction ; car ne sont pas dignes de la bénédiction ceux qui ont mérité la malédiction et ont conspiré inconsidérément pour la mort de ceux qui ne la méritaient pas, tant qu'ils ne viennent pas à résipiscence et ne demandent pas pardon pour leur serment illicite. Il faut donc, avant que la chose n'empire, que nous ayons une entrevue soit avec vous soit avec des médiateurs appropriés et, selon ce que Dieu donnera de mieux, nous nous appliquions à ramener la paix après un trouble si dangereux et inutile. Car je ne pourrai pas en toute justice négliger plus longtemps de frapper d'un juste anathème les instigateurs de tels maux et leurs complices, si on ne prépare pas contre de si grandes et illicites audaces un remède apte à changer une chose impie et un trouble inutile en paix sereine. Adieu, et par le porteur de la présente faites-nous savoir ce qui vous aura semblé le meilleur.