Général
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Yves, évêque de Chartres
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Eudes, [abbé de Saint-Quentin]
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, Odoni, confratri et compresbytero(1), salutem
Legatus quem tua fraternitas mihi misit non exspectavit responsum nostrum vel rescriptum. Nunc itaque fraternitati tuae respondeo, de persona illa quam ad colloquium nostrum mittere disponebas(2), Virgilianum illud(3) : « Timeo Danaos et dona ferentes », quia suspectum me semper habuit et apud sublimes potestates(4) quantum potuit me insimulavit. Unde, si secus quam vellet res accideret, de suspecto magis me suspectum redderet et majores inimicitias adversum me concitaret. Si autem sua sponte, suo instinctu, ad colloquium nostrum veniret, vel quicumque illius partis et modum conciliandae pacis mihi intimaret, quantum Deo donante praevalerem, pulverem pedum portantium pacem humiliter lavarem(5) atque detergerem. Nostrum enim propositum est, quantum possumus, paci Ecclesiae insudare et potestate quam nobis Deus dedit uti in aedificationem et non destructionem(6). Et quantumcumque me ad hoc implendum aut mea impediat imbecillitas, aut resistat auditorum pervicacitas, aut quantumlibet me laceret aemulorum obtrectatio, principaliter tamen in corde meo ista viget intentio, quia et sol, licet suae claritatis radios non effundat cum nube tegitur, tamen caloris sui virtute non privatur(7). In his itaque recurro ad judicem internorum : et cum bona volo et non valeo(8), judici meo dico : « Imperfectum meum viderunt oculi tui(9). » Oret itaque fraternitas tua cum caeteris conservis meis ut qui dedit velle addat et perficere pro bona voluntate(10). Vale.
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. Il se peut qu'il s'agisse d'Eudes, élu abbé de Saint-Quentin malgré l'opposition d'Yves, voir lettre 151. L. Merlet,
Lettres de saint Ives, p. 240, n. 1. Voir aussi lettre 257. J.-B. Souchet,PL162, col. 461, édite une lettre dihtyrambique que cet Eudes aurait adressée à Yves, mais sans citer d'autre source queex membranis veteribus.
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L. Merlet,
ibid., n. 2, suggère, mais sans preuve, qu'il s'agit de Geoffroy de Pisseleu, archidiacre d'Orléans, qui succéda à Galon à l'évêché de Beauvais. Il était déjà question de ce personnage lettre 54.
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Virgile,
Énéide, 2, 49.
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D'après Rom. 13, 1,
potestatibus sublimioribus.
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Vocabulaire biblique.
Pulverem pedum, Is. 49, 23 ; Luc. 9, 5.
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II Cor. 10, 8.
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D'après Ps. 18, 7 et Is. 25, 5.
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D'après Rom. 7, 15.
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Ps. 138, 16.
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Phil. 2, 13,
velle et perficere pro bona voluntate.
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a. Avranches, BM 243, 76rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 51v
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T. Troyes, BM 1924, 103rv
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Au. Auxerre, BM 69, 49v
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Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, à Eudes, confrère et collègue dans le sacerdoce, salut.
L'envoyé que ta fraternité m'a adressé n'a pas attendu notre réponse ni notre réponse écrite. C'est pourquoi je réponds maintenant à ta fraternité, au sujet de cette personne que tu te disposais à envoyer à notre rencontre, ce mot de Virgile : « je crains les Danaens même quand ils apportent des présents », parce que cet homme m'a toujours tenu pour suspect et m'a déconsidéré autant qu'il l'a pu auprès des plus hautes puissances. Aussi, au cas où l'affaire se déroulerait autrement qu'il ne le voudrait, de suspect il me rendrait plus suspect et il susciterait contre moi les plus grandes inimitiés. Mais si, de son propre mouvement, de sa propre inspiration, il venait à notre rencontre, lui ou qui que ce soit de sa part, et s'il me communiquait un moyen d'obtenir la paix, autant que je le pourrais par le don de Dieu, je laverais et nettoierais la poussière des pieds portant la paix. En effet notre projet est, autant que nous le pouvons, de répandre notre sueur pour la paix de l'Église et d'user du pouvoir que Dieu nous a donné pour son édificaton et non pour sa destruction. Et pour accomplir ceci, quels que soient l'obstacle de ma faiblesse ou l'opposition obstinée de ceux qui m'entendent, quel que soit le déchirement que me cause le dénigrement de mes rivaux, cette intention résiste malgré tout avec force en mon cœur, parce que le soleil également, même s'il ne répand pas les rayons de sa clarté quand il est couvert de nuages, n'est cependant pas privé de la vertu de sa chaleur. C'est pourquoi sur ces points j'ai recours au juge des secrets des âmes et, quand je veux le bien et ne le peux, je dis à mon juge : « Tes yeux ont vu mon imperfection. » C'est pourquoi que ta fraternité prie avec tous mes autres compagnons dans le service de Dieu pour que celui qui m'a fait le don de vouloir ajoute aussi celui d'accomplir selon sa bonne volonté. Adieu.