Général
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Yves, évêque de Chartres
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Adèle de Normandie, comtesse de Chartres
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circa 1103
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[1103]
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Lettre
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Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, Adelae, excellenti comitissae, patientiae et pacis abundare visceribus(1).
Pro summa charitate qua diligo principatum vestrum, jam semel et secundo monui celsitudinem vestram(2) ut quod dictante ira suaderent vobis servientes vestri non statim reciperetis, sed reditum vestrum ad nos ad audiendam et cognoscendam veritatem rerum gestarum exspectaretis, quia parati erant et adhuc sunt omnes canonici beatae Mariae ad exsequendum per manum nostram et quod ratio dictaverit et justitia exegerit(3). Cum itaque ad omnem justitiam exsequendam erga vos et erga vestros promptos se exhiberent, praecepto vestro, sicut dicunt, vestri servientes annonam Ecclesiae apud Castrumduni(4) et apud Bonamvallem(5) violenter acceperunt et vinum domni Hilduini cantoris(6) in vico coriariorum saisierunt ; plurima etiam indigna clericis et hominibus eorum intulerunt(7). Postulant itaque clerici summa instantia ut in civitate et per totum episcopatum divinum officium interdicam(8), donec sua recipiant quae injuste et praepropere sibi esse ablata reclamant. Et quia justitiae deesse non possum, postulavi ab eis inducias(9), quas vix impetravi, donec ad vos nunc tertio mitterem et ad corrigendum quod perperam factum est excellentiam vestram commonefacerem.
Moneo itaque et consulo ut clericis sua restitui faciatis, ne tam praeclara ecclesia in tam sanctis diebus divino privetur officio et de vobis a transeuntibus(10), qualem non deceret, publicetur opinio. In recuperabili enim re non est tam praeceps danda sententia(11) nec malevolorum inordinate satianda saevitia. Monui itaque et iterum moneo, suadente charitate qua praecordialiter vos diligo, ut quod corrigendum est corrigatis et quidquid duriter facere intenditis usque ad legitimam discussionem differatis, ne, digesta ira, poeniteat vos fecisse quod faciendum non fuisse ratione docente videbitis. Quod si admonitionibus meis et petitionibus toties repetitis acquiescere non vultis et justam satisfactionem respuitis, ne miremini si doleo cum dolentibus et lugeo cum lugentibus, qui per omnia paratus eram et gaudiis vestris congaudere et doloribus condolore(12). Valete.
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D'après Luc. 1, 18 et Col. 3, 12.
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Lettres 101, où il s'agit peut-être d'une autre affaire, et 116.
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Expressions canoniques.
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Châteaudun, comté de Dunois, arr., Eure-et-Loir.
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Bonneval, cant., arr. Châteaudun, Eure-et-Loir, voir lettre 78.
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Hilduin apparaît comme témoin dans le
Cartulaire de Notre-Dame de Chartresen 1084, 1095, 1099, chartes 18 (praecentor), 22 et 23 (cantor), t. 1, p. 96, 100, 103 et dans leCartulaire de Saint-Jean-en-Valléeen 1099, charte 3, p. 2-3. Voir aussi lettres 147, 182.
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Plaintes similaires lettre 101.
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La lettre 94 contenait aussi une menace d'excommunication contre le comte.
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Droit très souvent rappelé dans les canons, Yves,
Décret5, 287 ; 6, 317, 323, 335, 347 ; 16, 250 ;Panormie4, 98 ; 4, 101-104.
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Les
transeuntespourraient être aussi des pèlerins et les jours si saints la fête de l'Assomption.
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Sententia non praecipitanter ferenda est, Évariste,ep. 2,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 92. Yves,Décret, 5, 240 ;Panormie4, 116 ( Gratien, 2, 1, 20).
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D'après I Cor. 12, 26.
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a. Avranches, BM 243, 74
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 50
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T. Troyes, BM 1924, 103
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Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, à Adèle, excellente comtesse, déborder en son sein de patience et de paix.
À cause de la très grande affection dont je chéris votre primauté, j'ai déjà averti une première et une deuxième fois votre altesse de ne pas accepter immédiatement ce que vos sergents vous conseillent sous l'effet de la colère, mais d'attendre votre retour auprès de nous pour entendre et connaître la vérité sur ce qui s'est passé, parce que tous les chanoines de Sainte-Marie étaient prêts, et le sont encore, à exécuter par notre entremise et ce que la raison dicte et ce que la justice exige. C'est pourquoi, tandis qu'ils se montraient prompts à observer une pleine justice envers vous et envers les vôtres, vos sergents, sur votre ordre disent-ils, se sont emparés par la force de l'annone de l'Église de Châteaudun et de celle de Bonneval et ont saisi le vin du seigneur chantre Hilduin dans le quartier des tanneurs ; ils ont même commis contre les clercs et leurs hommes de très nombreux actes révoltants. C'est pourquoi les clercs réclament avec la plus grande insistance que j'interdise l'office divin dans la cité et dans l'ensemble du diocèse, jusqu'à ce qu'ils récupèrent leurs biens qu'ils protestent leur avoir été enlevés injustement et soudainement. Et parce que je ne peux manquer à la justice, j'ai réclamé d'eux des délais, que j'ai eu peine à obtenir, en attendant d'en appeler à vous, pour la troisième fois maintenant, et d'exhorter votre excellence à corriger ce qui a été fait de mal.
C'est pourquoi je vous avertis et vous conseille de faire rendre aux clercs leurs biens, de peur qu'une si célèbre église ne soit privée de l'office divin dans des jours si saints et que ne soit répandue sur vous par les gens de passage une rumeur fâcheuse. En effet, dans une affaire de réparation, il ne faut pas prendre une décisison si précipitée et la cruauté des malveillants ne doit pas être assouvie sans règle. C'est pourquoi je vous ai averti et je vous avertis à nouveau, persuadé par l'affection dont je vous chéris de tout mon cœur, de corriger ce qui doit être corrigé et de différer jusqu'à une enquête légitime ce que vous avez l'intention de faire de rigoureux, de peur qu'une fois la colère digérée vous ne regrettiez, instruite par la raison, d'avoir fait ce que vous verrez qu'il n'aurait pas fallu faire. Et si vous ne voulez pas vous rendre à nos admonitions et demandes tant de fois répétées et si vous rejetez une juste satisfaction, ne vous étonnez pas si je souffre avec ceux qui souffrent et si je pleure avec ceux qui pleurent, moi qui étais prêt en toutes choses et à me réjouir de vos joies et à m'affliger de vos douleurs. Adieu.