« yves-de-chartres-89 »


Général

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    Yves, évêque de Chartres

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    Pascal 2, pape

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Paschali summo pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, quidquid filius patri.

    Quoniam uterinum filium Romanae Ecclesiae, testante conscientia mea, me esse cognosco, cum scandalizatur, non possum non uri(1), cum tribulatur, tribulor, cum detractorum livido dente laceratur, disrumpor. Unde suggero dulcissimae paternitati vestrae ut, si quae de partibus nostris accusandorum vel excusandorum episcoporum vel aliorum hominum ad aures vestras causae perlatae fuerint, non statim petitionibus eorum qui quae sua quaerunt et non quae Jesu Christi(2) acquiescatis, sed, indulto congruo et prolixo spatio, religiosorum qui in vicina regione rem liquide nosse possunt testimonia requiratis et, ita cognita veritate, prout vobis Deus inspiraverit, juste vel misericorditer quaelibet negotia terminetis. Ita enim bonam famam vestram, quae sedi apostolicae valde necessaria est, conservando, multorum saluti providebitis et aemulorum linguas a maledicto revocabitis. Alioquin si quae pudenda patris, quod Deus avertat !, revelata fuerint(3), non ea ut filii aversionis deridebimus, sed tamen ab hujusmodi admonitionibus quas infructuosas videbimus stylum et linguam cohibebimus. Nec indignetur sanctitas vestra si, ut filius, talia suggero paternitati vestrae, quia multos amatores justitiae jam vidi propter remissa vel dissimulata multorum facinora vel flagitia(a), ori suo silentium posuisse et a spe corrigendorum malorum plurimum defecisse(4). Haec hactenus.

    De caetero notum facio excellentiae vestrae Belvacenses clericos(5), contra interdictum vestrum et legatorum vestrorum, quemdam clericum nomine Stephanum in episcopum assumpsisse, procul a sacris ordinibus inventum, utpote nondum subdiaconum, hominem illitteratum, aleatorem, mulierum sectatorem, publice olim de adulterio publico infamatum et ob hoc a domno Lugdunensi archiepiscopo(6), tunc temporis sedis apostolicae legato, Ecclesiae communione privatum. De quo possent multa alia inhonesta dici, sed haec quae vera et manifesta sunt ad repulsionem ejus sufficiunt, si apostolica et canonica instituta vigorem suum non amittunt. Volo itaque sanctitatem vestram a parvitate mea super hoc esse praemonitam et praemunitam, ne per subreptionem innocentiam vestram aliquis decipiat ut licentia vestra ad episcopatum perveniat. Quod si factum fuerit, quantum in hoc casura sit sedis apostolicae auctoritas, si verbis meis non creditis, tandem rei experientia cognoscetis.

    Ne igitur diu terram occupet, paedagogum(7) illum ab Ecclesia Dei removete ut caeteri incircumcisi clerici hoc videntes a simili ambitione desistant et ita sermo Dei in diebus vestris currat et proficiat. Sciat autem sanctitas vestra hunc Stephanum prius a Belvacensibus propter praetaxatas causas fuisse repulsum, sed, cum sanior pars(8), assensu regis, quemdam religiosum vellet eligere, a quibusdam malevolis clericis et laicis excommunicatis eumdem fuisse receptum(9). Jamdiu enim illa Ecclesia tales consuevit habere pontifices quibus ipsa damnaretur(b), non a quibus ad viam vitae(10) dirigeretur. Vestrum autem est et oves errantes et dissipatas per nebulas(11) et avia deserti quaerere et ad pascua reducere pastoremque qui gregis curam habeat eidem providere. Et licet ipsae oves velint perire, velint errare(12), velint se voracitati luporum suffocandas objicere, dicendum est tamen sanctitati vestrae : « Nolo erretis, nolo pereatis. » Ut sciatis verum esse quod propter adulterium fuerit de Ecclesia ejectus, exemplar litterarum Lugdunensis archiepiscopi(13) vobis mittere curavi. Valete.


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    remissa flagitia vel multorum dissimulata facinora éd. Ju

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    dominaretur A.


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    D'après II Cor. 11, 29. Le reste de la phrase emprunte son vocabulaire à la Bible sans citation textuelle. Métaphores semblables lettres 104 et 108.

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    I Phil. 2, 21. Voir lettre 87.

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    Allusion à Noé et Cham, Gen. 9, 22-23, épisode souvent cité dans l'argumentation grégorienne pour illustrer la déférence due au pontife. Anaclet, ep. 3, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 85. Alger de Liège, De misericordia et justitia, 1, 36-37 ; 2, 45. Yves, Décret 5, 239. Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettres 137, 179, 186.

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    De très nombreux textes condamnent le silence devant la faute d'autrui, par exemple, Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 463, 483, 508. Deusdedit, 4, 56-70. Yves, Décret 6, 115. Voir aussi lettres 5, 77, 94, 100, 140. Plaintes similaires lettres 109 et 110.

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    Voir lettre 87. Suite de cette affaire dans les lettres 92, 95, 104. Lambert d'Arras, Registre, E. 62, éd. citée, p. 412-414.

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    Hugues de Lyon. La faute publique est plus grave que celle qui ne l'est pas, d'où l'insistance sur le terme publice, repris un peu plus bas par manifesta. Sur l'infamie, voir l. 83.

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    Même emploi péjoratif lettres 6 et 98.

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    Terme canonique, c'est la major et sanior pars qui élit l'évêque, J. Gaudemet, Le gouvernement de l'Église à l'époque classique, p.  64-65.

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    Voir lettres 87 et 92.

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    Act. 2, 28. La remarque sur les mauvais pasteurs était aussi dans la lettre 87.

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    D'après Ez. 34, 12.

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    La métaphore est courante, d'après les Écritures, et elle est reprise lettre 102 ; mais Yves semble s'inspirer de la lettre d'Augustin au prêtre Donat, l. 173, c. 3 : sic volo errare, sic volo perire, PL 33, col. 754.

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    Cette lettre n'est malheureusement pas parmi les lettres d'Hugues de Lyon éditées dans PL 157, col. 507-528.


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    a. Avranches, BM 243, 55v-56v


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 3rv


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    T. Troyes, BM 1924, 95v-96v


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    Au. Auxerre, BM 69, 42-43



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    À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, ce qu'un fils doit à son père.

    Puisque je reconnais, selon le témoignage de ma conscience, que je suis un fils utérin de l'Église romaine, quand elle est scandalisée, je ne peux pas ne pas être consumé, quand elle est troublée, je suis troublé, quand elle est lacérée par la dent jalouse de ses détracteurs, je suis déchiré. Aussi suggéré-je à votre très douce paternité, si quelques affaires ont été portées à vos oreilles en provenance de nos régions à propos d'évêques ou d'autres hommes à accuser ou à excuser, de ne pas acquiescer immédiatement aux demandes de ceux qui recherchent leur intérêt et non ce qui est de Jésus-Christ, mais, après avoir ménagé un laps de temps convenable et assez long, de chercher les témoignages de religieux qui dans la région voisine peuvent connaître l'affaire avec certitude et, une fois la vérité ainsi connue, dans la mesure où Dieu vous inspirera, de régler toutes les affaire dans la justice et la miséricorde. Car en conservant ainsi votre bonne renommée, qui est tout à fait nécessaire au siège apostolique, vous pourvoirez au salut de beaucoup et écarterez de la médisance les langues des envieux. Sinon, si les parties honteuses du père, Dieu nous en garde !, sont dévoilées, nous ne rirons pas d'elles commes des fils d'aversion, mais cependant nous retiendrons notre plume et notre langue à l'écart d'admonitions de ce genre, que nous verrons infructueuses. Et que votre sainteté ne s'indigne pas si comme un fils je suggère de telles choses à votre paternité, parce que j'ai déjà vu de nombreux amis de la justice qui, à cause de beaucoup de scandales pardonnés ou de forfaits dissimulés, ont imposé silence à leur bouche et abandonné tout espoir de corriger les méchants. Assez sur ce point.

    Par ailleurs, je fais savoir à votre excellence que les clercs de Beauvais, à l'encontre de votre interdiction et de celle de vos légats, ont choisi comme évêque un certain clerc du nom d'Étienne, pris hors des ordres sacrés, vu qu'il n'est pas encore sous-diacre, homme illettré, joueur, coureur de femmes, tenu publiquement pour infâme autrefois pour un adultère public et pour cette raison privé de la communion de l'Église par le seigneur archevêque de Lyon, légat du siège apostolique à cette époque. On pourrait dire à son sujet nombre d'autres choses déshonnêtes mais celles-ci, qui sont véridiques et manifestes, suffisent pour le rejeter, si les institutions apostoliques et canoniques ne perdent pas de leur vigueur. C'est pourquoi je veux que votre sainteté ait été sur ce point prévenue et prémunie par ma petitesse, de peur que quelqu'un ne trompe votre innocence subrepticement pour le faire parvenir à l'épiscopat avec votre accord. Si cela se produisait, vous finiriez par connaître par l'expérience, si vous ne croyez pas mes paroles, à quel point l'autorité du siège apostolique s'effondrerait dans cette affaire.

    De peur donc qu'il n'occupe longtemps le terrain, écartez ce pédagogue de l'Église de Dieu pour que tous les autres clercs incirconcis abandonnent, en voyant cela, semblable ambition et qu'ainsi la parole de Dieu coure et progresse de votre temps. Et que votre sainteté sache que cet Étienne a d'abord été chassé par les habitants de Beauvais pour les raisons annoncées mais, alors que la partie la plus saine voulait, avec l'assentiment du roi, élire un homme religieux, ce même homme fut accueilli par des clercs malintentionnés et des laïcs excommuniés. Depuis longtemps en effet cette Église a pris l'habitude d'avoir des pontifes tels qu'ils la conduisent à la damnation et non tels qu'ils la dirigent vers la voie de la vie. Or votre tâche est de chercher les brebis errantes et dispersées dans les brouillards et les solitudes du désert et de les ramener vers les pâturages, ainsi que de leur assurer un pasteur qui prenne soin du troupeau. Et même si les brebis elles-mêmes veulent périr, veulent se perdre, veulent se livrer à la voracité des loups pour être étranglées, votre sainteté doit cependant leur dire : « Je ne veux pas que vous vous perdiez, je ne veux pas que vous périssiez. » Et pour que vous sachiez qu'il est vrai qu'il a été chassé de l'Église pour adultère, j'ai veillé à vous envoyer une copie de la lettre de l'archevêque de Lyon. Adieu.

Informations

Acte

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21026 (yves-de-chartres-89), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/yves-de-chartres/notice/21026 (mise à jour : 21/09/2017).