Général
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Yves, évêque de Chartres
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Hugues de Die, archevêque de Lyon
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circa 1097
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[1097]
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Lettre
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Hugoni, Dei gratia Lugdunensi archiepiscopo apostolicae sedis legato, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, cum debita obedientia devoti famulatus obsequia
Si dilectioni vestrae aliquando fuit de parvitate mea bona spes(1), non oportuit gravitatem vestram tam cito desperare, nec malevolorum, non quae Dei sunt sed sua quaerentium(2), obtrectationibus(3) tam facile aurem inclinare ut eorum lacerationibus qui non possunt aliter sibi famam probitatis acquirere, nisi famae insidientur alienae, suspicemini me aut in via Dei non ambulasse(4), aut ab ea propter humanum favorem deviasse. Testis est enim mihi scrutator renum(5) et conscius secretorum quia in consecratione Aurelianensis episcopi(6), in qua mansuetudinem vestram exasperasse nunc videor, immunis est manus mea ab omni munere, munda est mens mea ab omni temporalis commodi exspectatione(7). Ea etiam mala quae de praedicto episcopo sollicitudini vestrae suggesta sunt, vel inaudita mihi fuerunt vel incognita(8), vel si aliqua ad aures meas pervenerunt quae purgatione digna viderentur, licet nulla exstaret legitima accusatio, sic tamen sunt secundum canonicam institutionem publica sacramentorum examinatione purgata(9) ut, si qua posset remanere pro humana infirmitate suspicio, jam non humano, sed divino mihi videretur reservanda judicio.
Unde sine ulla disceptatione testimonium mihi reddit conscientia mea(10) me nihil in hoc negotio commisisse quod adversetur rectae fidei sanaeque doctrinae, qui generales Patrum sanctiones de ordinatione episcoporum me nescio transcendisse. Nam quod opposuistis castitatem ejus non fuisse probatam nec a me in litteris meis commendatam, superfluum mihi visum fuit, post domnum papam de castitate ejus disceptare, cujus praecepto videram eum Romae in presbyterum ordinari(11), cujus eadem lex est continentiae quae et episcopi, cujus etiam sacerdotium post litteras papae commendatitias(12) legi litteris vestris commendatum et episcopum suum, qui ejus sacerdotium aspernabatur, a vobis vehementer reprehensum(13).
Quod vero scripsistis, propter officium legationis vobis injunctae prius hoc ad notitiam vestram fuisse referendum, ut tunc eum demum consecraremus cum quod vobis bene placeret agnosceremus, quoniam sic praecepit(a) Leo papa Anastasio, Thessalonicensi episcopo, legato suo, personale hoc intelligimus fuisse privilegium, non generale decretum, maxime cum secundum eumdem Leonem(14) « legationis officium pars sit apostolicae sollicitudinis, non plenitudo potestatis ». Quae etiam pars modo plus, modo minus recipit pro arbitrio committentis. Sed quia modo per vos demum cognovi quod nec dicto nec scripto(b) alicujus ante didiceram, non est meum studium contra privilegium legationis vestrae, vel quantamcumque sublimitatem divina dispensatio vobis dare voluerit, contentiose agere, qui semper fui paratus pro viribus obedire et honestati vestrae contra omnes obtrectatores vestros, eos etiam qui me nunc apud vos lacerant, quantum praevalui propugnare.
De caetero itaque consulo sollicitudinem vestram ut mihi rescribatis quid nobis agendum sit de Daimberto, Senonensis Ecclesiae electo(15), quem, licet nobis inconsultis electum, Senonenses clerici offerunt in initio Quadragesimae ordinandum ac denuo in episcopum consecrandum. Commendant enim eum satis accurate electores ejus, et generis nobilitate, et morum honestate, et publicarum actionum strenuitate. Cujus electio si juxta vobis videtur(c), petimus ut nullas moras innectatis; si injusta qua lege differenda sit, vel cassanda, me(d) et consuffraganeos meos sic litteris vestris instruatis, ut nec uni, nec alteri, sed omnibus hoc onus imponatis. Bene valete et a versutia Turonenensis archiepiscopi(16) diligenter vobis cavete, ne plus noceat amicus quam nocere potuerit(e) inimicus.
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praeceperit A
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nec scripto nec dicto MVAu
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videbitur éd. Ju
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et me V
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poterit A éd.
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D'après Sap. 12, 19, voir l'adresse de la lettre 35.
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I Cor. 13, 5.
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Obtrectationes malevolorum, termes souvent associés en latin classique, Cicéron,Ad familiares, 1, 7. Plutarque,De tranquillitate animi, 7.
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D'après Ps.
passim, Zach. 3, 7.
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Testis enim mihi, Rom. 1, 9.Scrutator renum, d'après Ps. 7, 9.
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Voir lettres 51, 53, 54 et
infra66, 75.
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Remarquer dans cette phrase la série d'allitérations en .., intraduisible.
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Ce n'est pas tout à fait vrai, voir lettre 51.
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Voir lettre 54.
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Rom. 9, 1.
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Par Grégoire VII, en 1079. Cette remarque laisse entendre qu'Yves était présent à Rome à cette date.
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Lettre de Grégoire VII, du 5 mars 1079, VI, 23, éd. Caspar, p. 435-436. La correspondance contient aussi de nombreuses lettres de réprimandes concernant Rainier, auquel Sancion a succédé, III, 16, 17 ; IV, 9 ; V, 8, 20
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La lettre n'est pas dans la correspondance d'Hugues éditée dans
PL157.
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Léon, lettre à Athanase, évêque de Thessalonique,
Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 619. On la retrouve dans les collections canoniques d'après d'autres sources : d'après Vigilius,Fausses décétales., p. 712, Anselme de Lucques , 2, 18,74 Titres, 1, 12, Deusdedit 1, 139. D'après Grégoire IV, lettre du 2 juillet 833, Anselme, 2, 17,74 Titres1, 13, Yves,Décret5, 11 et 349 (Gratien, C. 2, q. 6, c. 11 et 12). Le pouvoir des légats est souvent contesté (Yves, lettre 18) et cette phrase a été souvent citée. Voir par exemple Geoffroy de Vendôme à Girard d'Angoulême, conclusion de la lettre 136, éd. citée, p. 286.
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Voir lettre 58.
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Raoul II, voir lettre 54.
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a. Avranches, BM 243, 36v-37v
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 23v
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 10v-11
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T. Troyes, BM 1924, 87v-88
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Au. Auxerre, BM 69, 22-23
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À Hugues, par la grâce de Dieu archevêque de Lyon, légat du siège apostolique, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, l'empressement d'un serviteur dévoué avec l'obéissance qui est due.
Si votre dilection a conçu un jour bon espoir en ma petitesse, il fallait pas que votre gravité désespère si vite et penche l'oreille vers les dénigrements des malveillants, qui recherchent non ce qui est de Dieu mais leur intérêt, de sorte que, sur les médisances de ceux qui ne peuvent pas s'acquérir une renommée de probité s'ils n'intriguent pas contre la renommée d'autrui, vous me soupçonnez ou de n'avoir pas marché dans la voie de Dieu ou d'en avoir dévié pour une faveur humaine. Car m'est témoin celui qui scrute les reins et connaît les secrets que, dans la consécration de l'évêque d'Orléans, où l'on me voit maintenant avoir exaspéré votre mansuétude, ma main est exempte de tout présent, mon âme est innocente de toute attente d'un avantage temporel. Même ces fautes qui ont été rapportées à votre sollicitude au sujet dudit évêque, je ne les ai ni entendues ni connues, ou bien, s'il en est parvenu à mes oreilles quelques-unes qui paraissaient dignes d'une expiation, bien qu'il ne se fût élevée aucune accusation légitime, elles ont cependant été expiées selon la disposition canonique par l'épreuve publique des serments de sorte que, si quelque suspicion pouvait demeurer en raison de la faiblesse humaine, il me semblerait qu'elle devrait être réservée non au jugement humain mais au jugement divin.
Ma conscience me rend donc témoignage sans aucune contestation que je n'ai rien commis dans cette affaire qui s'oppose à une foi droite et à une saine doctrine, moi qui ignore avoir transgressé les prescriptions générales des Pères sur l'ordination des évêques. Quant à ce que vous avez objecté, que sa chasteté n'avait pas été prouvée et que je ne l'avais pas recommandée dans ma lettre, il m'a semblé superflu de discuter de sa chasteté après le seigneur pape sur l'ordre de qui je l'avais vu, à Rome, ordonné à la prêtrise, dont la loi de continence est la même que celle de l'évêque, lui dont j'ai lu que le sacerdoce, après la lettre de recommandation du pape, était recommandé également par une lettre de vous, tandis que vous réprimandiez violemment son évêque, qui méprisait son sacerdoce.
Quant à ce que vous avez écrit, qu'en raison de l'office de la légation qui vous a été imparti, ceci devait d'abord être porté à votre connaissance, pour que nous ne le consacrions enfin que lorsque nous aurions connaissance de ce qui vous agréait, puisque le pape Léon l'avait ainsi prescrit à Anastase, évêque de Thessalonique, son légat, nous comprenons que ce fut un privilège personnel, non un décret général, surtout que, selon le même Léon, « l'office de la légation est une part de la charge apostolique, non la plénitude du pouvoir ». Et cette part même recouvre tantôt plus, tantôt moins, selon la volonté de celui qui la confère. Mais parce que je viens d'apprendre enfin de vous ce que je n'avais auparavant appris de quiconque ni de vive voix ni par écrit, mon désir n'est pas d'agir en me rebellant contre le privilège de votre légation ou contre l'élévation, si grande soit-elle, que la disposition divine a voulu vous donner, moi qui ai toujours été prêt selon mes forces à obéir et à combattre autant que j'ai pu pour votre honorabilité contre tous vos détracteurs, même ceux qui maintenant me déchirent auprès de vous.
C'est pourquoi je demande en outre à votre sollicitude de me récrire ce que nous devons faire à propos de Daimbert, élu de l'Église de Sens, lui que les clercs de Sens, bien que sans me consulter, m'ont présenté comme leur élu pour que je l'ordonne au début du carême et que je le consacre ensuite comme évêque. Car ses électeurs le recommandent avec suffisamment de zèle et pour la noblesse de sa race et pour l'honnêteté de ses mœurs et pour l'énergie de ses actions publiques. Si son élection vous semble juste, nous vous demandons de n'y introduire aucun retard ; si elle est injuste, qu'une lettre de vous nous informe, mes collègues suffragants et moi-même, selon quelle loi il faut la différer ou la casser, de sorte que vous n'imposiez ce fardeau ni à l'un ni à l'autre, mais à tous. Portez-vous bien et protégez-vous soigneusement de la fourberie de l'archevêque de Tours, de peur qu'il ne nuise plus comme ami qu'il n'a pu nuire comme ennemi.