Général
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Yves, évêque de Chartres
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Hugues de Die, archevêque de Lyon
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après 1093 - avant 1094
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[1093-1094]
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Lettre
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Hugoni, reverendo Lugdunensium archiepiscopo(1), Ivo, humilis Carnotensium episcopus(a), in Christi esse(b) visceribus(2).
Audivi domnum Urbanum apostolicum legationem apostolicam tuae credidisse charitati, qua laudabiliter functus es tempore praedecessoris sui beatae memoriae papae Gregorii(3). Audivi et laetatus sum in his quae dicta sunt mihi(4), tum propter sinceram qua te amplector charitatem, tum propter communem Ecclesiae Christi utilitatem. Sed hanc meam laetitiam postea(c) perturbavit quod mihi dictum est te in tanta perturbatione humerum tuum huic oneri nolle supponere, dissuasione quorumdam dicentium, propter languidum caput(5) aegrotanti corpori et pene viribus destituto non posse commode subveniri. Sed imperitorum medicorum est(d) tale consilium, tumores palpantium et palpando putredines digestantium, amantium suam tranquillitatem, non(e) aegrotantium sanitatem, nec attendentium quod Veritas dicit(6) : « Non est opus sanis medicus, sed male habentibus. »
Licet enim in regno Italico surrexerit alter Achab(7), in regno autem Gallico(f) altera Jezabel(8), quaerentes altaria suffodere, prophetas occidere, non est tamen dicendum Heliae(9) : « Relictus sum solus et quaerunt animam meam. », ne divinum dicat ei responsum(10) : « Reliqui mihi septem millia virorum, qui non curvaverunt genua sua ante Baal. ». Licet ad placitum Herodis saltet Herodias, petat caput Johannis, concedat Herodes(11), dicat tamen Johannes : « Non licet tibi uxorem(12) tuam inordinate(g) relinquere et contribulis tui conjugem, vel pellicem, in conjugium habere(h). » Licet Balaam doceat Balac edere et fornicari(13), Phinees tamen non parcat Israhelite cum Madianite fornicanti(14). Licet ad persuasionem(i) Simonis Nero Petrum liget in carcere(j), non minus tamen Petrus Simoni dicat(15) : « Pecunia tua(k) tecum sit in perditione(l). » Quanto enim studiosius perversorum temeritas et audacia rectitudinis statum labefactare conatur, eo vehementius est eorum improbitati resistendum(m), et religioni Christianae(n) consulendum, et lamentabilibus Ecclesiae ruinis obviandum. Non haec quasi ignoranti scribo, sed persuasum esse vellem(o) tuae paternitati, ut iterum manum ad aratrum mitteres(16), et de agro Domini spinas, quas posses, evelleres et semina quaeque messem latura superseminare non differres. Haec hactenus.
De caetero devotissime postulo paternitatem tuam quatenus parvitati meae rescribas, utrum navi periclitantis Ecclesiae, etiam pene naufragium patientis, manum adhibere disponas et quo in loco circa initium Quadragesimae te valeam invenire. Quaedam enim ecclesiastica negotia tractanda sunt mihi cum tua prudentia, quod mihi operosum, tibi autem non erit onerosum(17). Vale.
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Carnotensis ecclesiae minister JT
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permanere JT
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Hugues, évêque de Die en octobre 1093, nommé légat en France par Grégoire VII en 1074, archevêque de Lyon en 1082 ; il fut excommunié par Victor III au concile de Bénévent en août 1087. Urbain II le nomma à nouveau légat en France en 1093-1094, date à laquelle il subit une nouvelle mais courte disgrâce pour ne pas avoir assisté au concile de Plaisance. En 1095 il assistait au concile de Clermont. Il mourut en 1106. Th. Schieffer,
Die päpstliche in Frankreich, p. 91 et sq.Catholicisme, t. 5, 1031. Dans la lettre 12, Yves avait conseillé à Urbain II d'envoyer un légat en France. Voir aussi lettres 50, 54, 109.
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Phil. 1, 8, voir lettre 21.
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Voir aussi lettre 109.
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Ps. 121, 1.
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Allusions aux difficultés rencontrées par Urbain II pour s'imposer à Rome face à la faction de Guibert, devenu pape sous le nom de Clément III en 1078, qui s'est installé en 1091 à Rome où il tint un concile en 1092. Urbain II ne put rentrer à Rome qu'en octobre ou novembre 1093 ; il fut accueilli dans la maison de Jean Frangipani avant de s'installer au Latran au printemps 1094. Voir le récit de Geoffroy de Vendôme, lettre 138, éd. citée. D.B. Zema, « The houses of Tuscany and of Pierleone in the crisis in the eleventh century »,
Traditio, 2, 1944, p. 155-175.
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Matth. 9, 12.
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Roi impie d'Israël, I Reg., ch. 16-22. C'est une allusion à l'empereur Henri IV.
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Épouse d'Achab. C'est une allusion à Bertrade. Hugues de Flavigny l'appelle du même nom dans sa
Chronique, année 1100,Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 13, p. 625.PL154, col. 383.
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I Reg. 19, 10 et 14 ; Rom. 11, 3.
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I Reg. 19, 18.
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Matth.14, 1-12 ; Marc. 6, 14-29 ; Luc. 9, 7-9.
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D'après Matth. 14, 4 et Marc. 6, 18.
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Le prophète Balaam avait été en relation avec Balaq, roi de Moab, Numb. ch. 23-24. La citation est plutôt empruntée à Apoc. 2, 14. C'est une allusion aux ecclésiastiques qui ont participé au mariage du roi.
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Numb. 25, 7-8.
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Act. 8, 20.
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D'après Luc. 9, 62.
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Jeu de mots
operosum/onerosum.
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a. Avranches, BM 243, 20v-21
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 12v
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J. Jesus College, Q.G.5, 30v-31
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V. Vatican, Reg. Lat. 147, 6v-7
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T. Troyes, BM 1924, 71v-72
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L. Lettres de saint Ives évêque de Chartres traduites et annotées par L. Merlet, Chartres, 1885,
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À Hugues, révérend archevêque des Lyonnais, Yves, humble évêque des Chartrains, être [demeurer] dans les entrailles du Christ.
J'ai appris que le seigneur apostolique Urbain avait confié à ta charité la légation apostolique dont tu t'es acquitté de manière louable du temps de son prédécesseur le pape Grégoire de bienheureuse mémoire. Je l'ai appris et me suis réjoui de ce qui m'a été dit, tant à cause de l'affection sincère dont je t'entoure qu'à cause de l'utilité commune de l'Église. Mais ma joie présente a ensuite été troublée parce qu'il m'a été dit que tu ne voulais pas dans un si grand trouble accabler ton épaule de cette charge, dissuadé par certains qui disent qu'en raison de la faiblesse de la tête on ne peut pas venir convenablement en aide à un corps malade et presque privé de forces. Mais tel est le conseil de médecins incapables, qui palpent les tumeurs et en les palpant répandent les infections, qui aiment leur tranquillité et non la santé des malades, sans tenir compte de ce que dit la Vérité : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais ceux qui se portent mal. »
En effet bien que dans le royaume d'Italie se soit dressé un autre Achab, et dans celui de Gaule une autre Jézabel, qui cherchent à saper les autels, à tuer les prophètes, il ne faut cependant pas dire à Élie : « J'ai été laissé seul et ils cherchent mon âme », de peur qu'on ne lui dise la réponse divine : « J'ai gardé pour moi sept mille hommes qui n'ont pas courbé leurs genoux devant Baal. » Même si pour plaire à Hérode Hérodiade danse, demande la tête de Jean, si Hérode la lui accorde, que Jean dise cependant : « Il ne t'est pas permis d'abandonner illégalement ton épouse et d'avoir pour femme ou plutôt concubine quelqu'un de ta tribu ». Même si Balaam enseigne à Balaq à manger et à forniquer, que Phinéas n'épargne cependant pas l'Isréalite qui fornique avec une Madianite. Même si Néron persuadé par Simon enchaîne Pierre emprisonné, que Pierre n'en dise cependant pas moins à Simon : « Que ton argent périsse avec toi. » Car plus ardemment la témérité et l'audace des méchants s'efforcent d'ébranler la situation de droit, plus vivement faut-il résister à leur malhonnêteté et veiller sur la religion chrétienne et remédier aux ruines lamentables de l'Église. Je n'écris pas ceci comme à un ignorant, mais je voudrais persuader ta paternité de mettre une nouvelle fois la main à la charrue et d'arracher du champ du Seigneur les épines que tu pourras et de ne pas tarder à resemer des semences qui porteront la moisson. Assez sur ce sujet.
Je prie par ailleurs très dévotement ta paternité de récrire à ma petitesse si tu te disposes à apporter ton aide au navire de l'Église qui est en péril, même s'il est près de subir le naufrage, et en quel lieu vers le début du carême je pourrais te rencontrer. Car je dois traiter de certaines affaires ecclésiastiques avec ta prudence, ce qui pour moi est éprouvant, mais pour toi ne sera pas pesant. Adieu.