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Quamvis perfidiam Iudeorum

Auteur

Clemens VI

Titre en français

Quamvis perfidiam Iudeorum

Titre descriptif

La perfidie des juifs

Type de texte

Bulle pontificale

Texte

Universis fratribus archiepiscopis et episcopis et dilectis filiis electis, abbatibus, prioribus, decanis, prepositis, archidiaconis, archipresbiteris, plebanis, officialibus, rectoribus, et aliis ecclesiarum et monasteriorum prelatis et eorum vicesgerentibus, ac personis ecclesiasticis, secularibus et regularibus, necnon ecclesiarum et monasteriorum predictorum capitulis et conventibus exemptis et non exemptis, Cisterciensis, Cluniacensis, Premonstratensis, Sanctorum Benedicti et Augustini et aliorum ordinum quorumcumque, salutem etc. Quamvis perfidiam Iudeorum, qui in sua duritia perdurantes, prophetarum verba et suarum scripturarum archana cognoscere atque ad Christiane fidei et salutis noticiam pervenire non curant, merito detestemur, attendentes tamen, quod Iudeos eosdem ex eo, quod Salvator noster Iudaicam stirpem, ex qua pro salute humani generis mortalitatis carnem indueret, eligere fuit dignatus, humanitatis causa fovere nos convenit, eis invocantibus defensionis nostre presidium et Christiane mansuetudinem pietatis, nos felicis recordationis Calixti, Eugenii, Alexandri, Clementis, Celestini, Innocentii, Gregorii, Nicolai, Honorii et Nicolai IIII, Romanorum pontificum, predecessorum nostrorum, vestigiis inherentes, protectionis nostre clipeum duximus indulgendum, inter cetera statuentes, ut nullus Christianus eorundem Iudeorum personas sine iudicio domini aut officialis terre vel regionis, in qua habitant, vulnerare aut occidere, vel suas illis pecunias auferre sive ab eis coacta servicia exigere, nisi ea que ipsi temporibus facere consueverunt preteritis, presumeret ullo modo, et quod, si quis, huiusmodi tenore cognito, contra illud venire temptaret, honoris et officii sui periculum pateretur aut pleceteretur excommunicationis ultione sententie, nisi presumptionem suam digna satisfactione corrigere procuraret, prout in eisdem litteris plenius continetur. Nuper autem ad nostrum fama publica, sed infamia verius, perduxit auditum, quod nonnulli Christiani pestem, qua Deus populum Christianum ipsius peccatis populi provocatus affligit, Iudeorum falso tossicationibus, seducente dyabolo, imputantes, nonnullos ex Iudeis ipsis, temeritate propria, non deferentes etati vel sexui, impie perimerunt, quodque, licet iidem Iudei super huiusmodi impostura facinoris parati sint subire iudicium coram iudice competenti, ob hoc tamen Christianorum ipsorum impetus non tepescit, sed eo furor sevit in maius eorundem, quo videtur error eorum, dum eis non resistitur, approbari. Et quamvis Iudeos eosdem, ubi culpabiles aut conscii forsan essent tanti flagitii, cui vix posset excogitari pena sufficens, digna et severa, vellemus animadversione percelli, quia tamen per diversa mundi climata, Iudeos ipsos et alias nationes plurimas, que cohabitationem Iudeorum eorundem non noverant, pestis hec ubique fere communis afflixit, occulto Dei iudicio, et affligit, et proinde verisimilitudo non recipit, quod Iudei predicti occasionem tanto flagicio prestiterint sive causam, universitati vestre per apostolica scripta mandamus, quatenus singuli vestrum, qui super hoc fueritis requisiti, in ecclesiis vestris intra missarum solempnia, cum populis inibi convenerit ad divina, subditos vobis, clerum et populum, moneatis eisque super excommunicationis pena, quam feratis ex tunc in contrarium facientes, expressius iniungatis, quod Iudeos eosdem occasione huiusmodi auctoritate seu verius temeritate propria, capere, percutere, vulnerare aut occidere, vel ab eis coacta servitia exigere non presumant; sed si quam, vel super hiis aut super quibusvis aliis negociis, causam habeant contra eos, illam coram iudicibus competentibus, quibus, quominus ipsi super hiis aut quibusvis aliis ipsorum Iudeorum excessibus possint contra Iudeos eosdem, prout iustum fuerit, procedere, nullam per presentes adimimus potestatem, ordine iudiciario prosequantur; presentibus post annum minime valituris. Dat. Avinione, VI Kalendas Octobris, anno septimo.

Langue

Latin

Source du texte original

S. Simonsohn, ed. The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404 (Toronto, 1988), 397-98.

Datation

  • Date fixe : 1348

Traduction française

Pour tous nos frères, les archevêques et évêques et nos fils choisis bien-aimés, les abbés, prieurs, les diacres, les supérieurs, archidiacres, vicaires, clergé séculier, les fonctionnaires, recteurs et autres prélats des églises et des monastères et leurs adjoints, et les personnes ecclésiastiques, séculières et régulières, et même aux chapitres et couvents des églises et des monastères précités, tous exemptés et non exemptés, les ordres cisterciens, clunisiens et prémontrés, et tous les autres ordres de saint Benoît et saint Augustin, salutations, etc . Bien que nous puissions, à juste titre, détester la perfidie des juifs (qui, persévérant dans leur entêtement, ne se soucient pas de comprendre les paroles des prophètes et les secrets de leurs écrits et de rejoindre la nouvelle foi chrétienne et le Salut) mais - étant conscient que notre Sauveur a jugé digne de choisir la lignée juive dans laquelle, pour le salut de la race humaine, il a pris une chair mortelle - pour cette raison, il est normal que nous chérissons ces mêmes juifs pour cause de l'humanité. Comme ils demandent l'aide de notre protection et la clémence de la piété chrétienne, nous, en suivant les traces de Calixte, Eugène, Alexandre, Clément, Célestin, Innocent, Grégoire, Nicolas, Honorius et Nicolas IIII, Pontifes des Romains et nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, nous leur accordons le bouclier de notre protection, ordonnant, entre autre, qu'aucun chrétien ne puisse en aucune façon blesser ou tuer quelqu’un de ces mêmes juifs sans recevoir le jugement du seigneur ou d'un fonctionnaire de la terre ou de la région dans laquelle ils vivent, ils ne devaient pas prendre leur argent ou exiger d'eux le service obligatoire, sauf pour les choses qui, dans les temps anciens, ils étaient habitués à faire ; et que, si quelqu'un, bien que connaissant la teneur d'un tel décret, tente d’agir contre lui, il met en danger son titre et son office, ou bien il doit être frappé par une condamnation définitive d'excommunication, à moins qu'il prenne soin de corriger sa présomption par une digne satisfaction, comme cela est contenu dans ces mêmes lettres. Toutefois récemment, une clameur publique (ou plus exactement, une vilaine rumeur) est venue à notre attention, selon laquelle certains chrétiens blâment à tort que la peste (avec laquelle Dieu afflige le peuple chrétien, provoquée par les péchés du peuple) provient des poisons des juifs trompés par le diable - qui dans leur propre témérité impie a tué certains de ces juifs, sans distinction d’âge ou de sexe, et que, bien que ces mêmes juifs étaient prêts à se soumettre au jugement d’un juge compétent à propos de la fausseté d'un tel crime, même si l'attaque de ces chrétiens n'a pas été calmée par cela : mais à cause de cela, leur colère s’emplit encore plus, puisque leur erreur a semblé être approuvée, tant qu'il n'y a pas eu d’opposition. Et bien que nous pourrions le souhaiter que ces mêmes juifs se soient rendus coupables en participant à une si grande indignation (pour lesquels une peine suffisante, digne et sévère, pouvait à peine être pensée) et qu’ils devaient être foudroyés par une peine ; malgré tout, car dans de nombreuses et diverses régions du monde qui ne connaissent pas la cohabitation avec ces mêmes juifs, cette peste a partout affligé et afflige la communauté en raison du jugement secret de Dieu, donc la preuve que les juifs susmentionnés sont responsables ne tient pas comme explication ou cause d'une tellle grande indignation. Nous vous ordonnons par conséquent par tous ces écrits apostoliques que chacun de vous qui a été interrogé sur cela devait - dans vos églises pendant les solennités de la messe, tandis que les gens y sont réunis pour les services divins - avertir ceux qui sont soumis à vous, clercs et laïcs, sur la peine d'excommunication (que vous recevrez à partir de là, si vous faites autrement) et vous devez plus expressément leur enjoindre de ne pas présumer de leur propre autorité (ou plus exactement, leur propre témérité) de saisir, frapper, blesser ou tuer ces mêmes juifs, ou de les contraindre au service obligatoire pour eux ; mais s’ils devaient être dans un procès contre eux, que ce soit sur ces questions ou sur tout autre affaire, ils devaient poursuivre par la primauté du droit en présence de juges compétents, de qui - afin qu'ils puissent engager des poursuites contre ceux-ci ou pour d'autres excès de ces mêmes juifs, comme cela est juste - nous ne leur enlevons aucun pouvoir par ces présentes lettres. Ces présentes lettres ne sont plus en vigueur après un an. Donné à Avignon, aux sixièmes calendes d'octobre, dans la septième année de notre pontificat.

Source traduction française

Y. Masset

Résumé et contexte

Écrit alors que la peste noire faisait rage, cette bulle disculpe les juifs de la responsabilité d’avoir causé la peste. Clément répondit, ainsi, aux accusations selon lesquelles ils étaient la source de la peste en faisant valoir qu'ils étaient morts tout comme l’étaient les chrétiens. Il a en outre déclaré que la peste était un jugement de Dieu. À bien des égards, la bulle de Clément rappelle les protections de longue date de la Sicut Iudeis, rajoutant seulement les origines juives de Jésus à la liste des raisons pour lesquelles les juifs devaient bénéficier d'une protection contre la violence pure et simple. Il ordonne aux prélats chrétiens d'avertir leurs sujets que toute personne qui saisit, blesse ou tue des juifs, ou les contraint au service devait être excommuniée. Les chrétiens devaient présenter leurs plaintes devant les tribunaux, plutôt que d’agir par la violence.

Signification historique

Les dégâts engendrés par la peste noire et les bouleversements qui suivirent sont, de toute évidence, bien documentés. Il y eut des millions de morts, et la plaie a laissé une marque indélébile sur la société et la culture de la fin du Moyen Âge. Des histoires circulèrent, disant que cette épidémie était le résultat d'un complot juif en vue d'empoisonner les chrétiens, généralement en s’en prennant aux puits. La lettre de Clément a peut-être ralenti, mais n'a certainement pas arrêté, ces rumeurs ou les agressions des communautés juives. Les juifs, dans ce qui est aujourd'hui la Suisse, confessèrent, sous la torture, avoir empoisonné des puits en octobre de la même année, et dans certaines villes, comme à Strasbourg en février 1349, les communautés juives furent détruites en conséquence. Néanmoins, Clément a réitéré les principes anciens de la Sicut Iudeis à un moment particulier et dur à la fois dans l'histoire de l'Eglise, et dans celle des relations entre chrétiens et juifs. Quel que soit son impact pratique dans le milieu du XIVe siècle, c’est sans doute l'une des rares bulles papales à mériter une mention dans la fiction moderne. Voir Iain Pears The Dream of Scipio

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Vatican, Archivum Secretum Apostolicum, Reg. Vat. 142, fol. 67v.
  • Vatican, Archivum Secretum Apostolicum, Reg. Vat. 244L, fol. 17r-18v.

Editions

  • E. Deprez and G. Mollat, eds. Clement VI: Lettres closes, patentes et curiales, vol. 2 (1960), 491-92.
  • S. Simonsohn, ed. The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404 (Toronto, 1988), 397-98.

Mots-clés

accusation ; pétition ; violence

Auteur de la notice

Joanna   Carraway

Collaborateurs de la notice

Jessie   Sherwood  :  collaborateur pour le commentaire

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°87469, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87469/.

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