Livre des Assises
Assise sur les esclaves lépreux.
Quel est l'assise qui achete esclaf ou esclave mezel ou mezele ou qui chiet do mauvais mal. Qui se viaut clamer par l’assise d'esclaf ou d'esclave qu'il ait acheté qui soit mezel ou qu'il chet dou mauvais mal, il doit venir devant le seignor en sa court dedens l'an et le jor que il l'avra acheté ou achetee et dire au seignor : 'Sire, je achetai de tel', et le nome, '.i. esclaf ou une esclave', et die lequel, 'et il est malade de tel maladie', et die de laquel des dites maladies il est malade, 'si veuill recovrer par l'assise ma monoie et rendre li son esclaf ou s'esclave. Et je en eufre a fornir l'assise.' Et lors le seignor doit mander querre celui de quei il dit que il l'acheta et dire li : 'Tel', et le nome, 'm'a dit que il acheta de vois .i. esclaf ou une esclave', et die lequel, 'et dit que il est malade de tel maladie', et die de quel. 'Si en eufre a fornier l'assise. Et se vos volés receivre l'esclaf ou l'esclave et rendre li sa monoie, il est prest de faire le. Et se vos recevre ne le volés, je li comant de fornir l'assise, et a vos comant je quant il l'avra fornie que vos li rendés sa monoie et reprenés vostre esclaf ou vostre esclave.' Et l’assise doit estre ensi fornie que celui qui l’eufre a fornir doit amener .ii. loiaus garans de la nacion de quei celui est contre qui il viaut ce qui est avant die prover qui jurent sur sains que l'esclaf ou l'esclave que celui eufre a rendre est mezel ou qu'il l'ait veu chair dou mauvais mal. Et aprés ce que celui qui requiert sa monoie doit jurer qu’il n'a chose faite a cel esclaf ou a cele esclave par quei il ou ele ait acuilli cele maladie. Et a tant est l'assise fornie, si doit celui recovrer sa monoie, et l'autre l'esclaf ou l'esclave.
John of Ibelin, Livre des Assises, ed. P. W. Edbury (Leiden, 2003).
Assise pour celui qui achète un ou une esclave lépreux ou lépreuse ou épileptique. Celui qui veut se plaindre, selon l'assise, d'un ou une esclave qu'il a acheté qui est lépreux ou lépreuse ou épileptique, doit venir devant le seigneur, dans sa cour, avant qu'il ne s'écoule un an et un jour depuis qu'il l'a acheté ou achetée et il doit dire au seigneur : « Sire, j'ai acheté à tel », qu'il le nomme, « un ou une esclave », qu'il dise lequel, « et il est malade de telle maladie », qu'il dise de laquelle des maladies mentionnées ci-dessus il est malade, « donc je veux récupérer, selon l'assise, mon argent et lui rendre son esclave. Et j'en offre de fournir l'assise. » Et alors le seigneur doit mander chercher celui de qui il dit qu'il l'a acheté et lui dire : « Tel », et qu'il le nomme, « m'a dit qu'il vous a acheté un ou une esclave », qu'il dise lequel, « et il dit qu’il est malade de telle maladie », et qu'il dise de laquelle. « Donc il en offre de fournir l’assise. Et si vous voulez reprendre l’esclave et lui rendre son argent, il est prêt à le faire. Et si vous ne voulez pas le reprendre, je lui commande de fournir l'assise et quand il l'aura fournie, je vous commande de lui rendre son argent et de reprendre votre esclave. » Et l'assise doit être fournie ; et celui qui offre de la fournir doit amener deux témoins loyaux de la même religion que celui contre qui il veut prouver les faits mentionnés ci-dessus, qui doivent jurer sur les saints que l'esclave que celui-là offre de rendre est lépreux ou lépreuse ou qu'ils l'ont tomber dans une crise épileptique. Et ensuite celui qui réclame son argent doit jurer qu’il n’a rien fait à l'esclave qui ait pu provoquer cette maladie. Et quand l’assise est fournie, celui-ci doit donc récupérer son argent, et celui-là doit récupérer l'esclave.
A. Bishop
Cette assise permet à celui qui a acheté un esclave malade de rendre l'esclave et récupérer son argent. L'essentiel du texte traite des phrases spécifiques qu'on doit énoncer devant la Cour, afin de présenter son cas correctement. Les esclaves sont ici considérés comme n'importe quelle sorte de bien qui pouvait être endommagé. Les assises de la cour des Bourgeois contiennent également des textes similaires : parmi d'autres, certains traitent d'animaux malades et de biens défectueux.
Bien que cela ne soit pas explicité ici, les esclaves étaient normalement musulmans car aucun chrétien ne pouvait être asservi selon le droit de l'Orient latin. Il y avait un marché aux esclaves à Saint-Jean d'Acre, la capitale, où se vendaient les prisonniers de guerre et les autres captifs. Toutefois, il arrivait que des chrétiens orientaux soient présentés comme musulmans et vendus comme esclaves.12
Il y avait aussi un grand marché aux esclaves à Famaguste, à Chypre, qui prit de l'importance au XIIIe siècle après la prise de Saint-Jean d'Acre. À Chypre, les esclaves étaient d'habitude également musulmans, mais il y avait beaucoup d'esclaves chrétiens grecs.3
La lèpre était plus endémique en Orient qu'en Europe. Un ordre militaire catholique avait été établi pour les chevaliers lépreux, l'Ordre de Saint-Lazare, et même Baudouin IV, roi de Jérusalem, avait souffert de la maladie.4
Le fait qu'il s'agisse ici d'une assise séparée paraît suggérer que la vente d'esclaves lépreux étaient commune en Orient. En pays musulman, les marchands du marché aux esclaves cachaient souvent les signes de la lèpre.5
Il est intéressant de noter que, comme on le trouve dans beaucoup d'autres assises, la "victime" (en ce cas l'acheteur) a besoin de deux témoins de la religion de son adversaire, ce qui montre qu'au moins une des parties pouvait être non-chrétienne. En général, il était uniquement permis aux non-chrétiens de témoigner contre les membres de la même religion qu'eux, et seulement dans les cours "basses". En pratique, comme cela est souligné dans cette assise, leur témoignage pouvait être accepté à la Haute Cour mais seulement contre une personne de la même religion.
1 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-209.
2 . J. S. C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.
3 . B. Arbel, "Slave trade and slave labor in Frankish and Venetian Cyprus (1191-1571)" (Studies in Medieval and Renaissance History 14 (1993), repr. in Cyprus, the Franks and Venice, 13th-16th Centuries (Aldershot, 2000), 163.
4 . M. Barber, "The Order of St. Lazarus and the Crusades" Catholic Historical Review 80 (1994), 455 et passim.
5 . W. Ch. Brice, An Historical Atlas of Islam (Leiden, 1981), 273.
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°87460, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87460/.