Frédéric II du Saint-Empire
Constitutions de Melfi
Au sujet des homicides et des dommages, dont les auteurs ne peuvent être retrouvés
De homicidiis et dampnis, quorum actores inveniri non possunt.
Idem Augustus.
Super incisionibus arborum et combustionibus domorum et ceteris maleficiis, que clam nocturnis temporibus committuntur, generalem constitutionem nostris fidelibus promulgamus, ut, si commissores inveniri non possunt aut, sicut multotiens accidit, per locorum incolas occultantur, homines locorum ipsorum, in quibus maleficia committuntur, ad dampnorum restitutionem integre arceantur. Qua restitutione tam illos, quibus pro nostris servitiis talia accidentur, quam reliquos, quibus hec ex inimicitia seu aliquo odio evenerunt, frui volumus et gaudere nec minus Iudeus et etiam Saracenos, quos, quia Christianis secte diversitas reddit infestos, omni alio auxilio destitutos protectionis nostre potentia pati non possumus defraudari. Predicti autem clandestini et nocturni malefactores, si in ipso facinore deprehensi vel aliter legitime convicti fuerint, capite puniantur.
Die Konstitutionen Friedrichs II. für das Königreich Sizilien, ed. W.Stürner, Monumenta Germaniae Historica, Constitutiones et Acta Publica Imperatorum et Regum, vol. 2, supp. (Hannover: Hahn, 1996), 180-181.
Au sujet des homicides et des dommages, dont les auteurs ne peuvent être retrouvés
Le même Auguste.
Au sujet des entailles des arbres et de l’incendies des maisons et autres méfaits, qui auraient été commis en cachette pendant la nuit, nous promulgons auprès de nos fidèles cette constitution générale, à savoir que, si on ne peut trouver ceux qui les ont commis ou bien, comme il arrive souvent, s’ils sont cachés par les habitants des lieux, les hommes de ces mêmes régions dans lesquelles les méfaits sont commis peuvent être contraints de réparer en intégralité les dommages. Nous voulons que cette réparation profite autant à ceux à qui de tels évènements arrivent au cours de leur office pour nous, qu’aux autres, à qui cela arrive à la suite d’une inimitié ou d’une autre haine, et nous voulons réjouir aussi les juifs et les sarrasins, dont nous ne pouvons supporter qu’ils soient privés de toute aide et de la puissance de notre protection, parce que la divergence de la doctrine chrétienne les rend ennemis.
Mais les malfaiteurs précédemment mentionnés agissant clandestinement et de nuit, s’ils sont appréhendés pendant leur crime ou bien s’ils sont légitimement confondus, seront punis de mort.
C. Chauvin
Avec la promulgation de cette constitution, le roi de Sicile cherche à protéger les propriétés de ses sujets contre les crimes perpétrés par des inconnus (bien que le titre du chapitre mette davantage l’accent sur les homicides). Les cibles de la répression sont les paysans et les communautés rurales, qui sont réputés pour souvent protéger les criminels des poursuites des poursuites judiciaires. Pour cette raison, Frédéric II ordonne que les communautés qui ne coopèrent pas à la recherche des criminels présumés soient tenues conjointement responsables et aient à payer pour la réparation des dommages. D’autre part, si les criminels qui essayaient d’agir secrètement la nuit étaient surpris in flagrante delicto, ils recevraient la peine de mort. Dans ce contexte, le roi prend un soin particulier à explicitement inclure parmi ceux qui profiteront de cette constitution aussi bien les juifs que les sarrasins qui, du fait de leur religion différente, pourraient rencontrer des difficultés à traîner leurs assaillants en justice, car les communautés rurales se rangeaient plus volontiers aux côtés des criminels chrétiens.
Dans ce chapitre, Frédéric II reconnaît explicitement le fait que les différences religieuses parmi la majorité chrétienne de ses sujets et les minorités, juive et musulmane, peuvent représenter un obstacle pour les derniers pour voir leurs propriétés et leurs droits intégralement protégés. Le roi suggère que pour les juifs et les sarrasins, il pourrait être difficile de trouver de l’aide dans la traque des auteurs de crimes demeurés inconnus parce que les communautés chrétiennes pourraient ne pas être disposées à aider les gens de l’extérieur de la communauté. Dans les faits, au début du XIIIème siècle, la capacité du roi à mener réellement une enquête approfondie était extrêmement limitée, et la charge de trouver les suspects et de collecter les preuves reposait sur les épaules des accusateurs. À travers cette mention explicite, le roi reconnaît le status quo de son royaume multiculturel. Comme il est possible d’en déduire l’esprit de l’ensemble du Liber Augustalis, l’attention pour le statut légal des minorités religieuses est avant tout un moyen de définir et de renforcer l’autorité royale. Il ne faudrait pas y voir de façon anachronique un acte de tolérance envers les juifs et les musulmans, mais plutôt une tentative cohérente de définir les prérogatives royales. Frédéric II suggérait en fait que n’importe lequel de ses sujets, quelque soit sa religion, devait bénéficier de la même protection de la part du roi.
Juifs/Judaïsme ; Meurtre ; musulmans
Claire Chauvin : traduction
Notice n°271952, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait271952/.