Alfonso I de Aragón 'El Batallador'
la reddition de Tudèle
Autonomie judiciaire et la primauté de la sunna
1. Et affirmauit illos alcadis in lures alcadias et illos alfaquidas in lures alffaqui(a)s et illos alguazillis in lures alguazilias. 8. Et quod sint et stent illos in iudiçio et pleito in manu de lure alcadi et de lures suaçil sicut in tempus de illos moros fuit. 9. Et si habuerit moro iudicio cum christiano vel christianus cum moro, donet iudicium alcadi de moro ad suo moro secundum suam Çunam et alcadi de christiano ad suum christianum secundum suum foro. 10. Et non faciat nullus christianus força ad aliquem moro sine mandamento de lure Açuna. 11. Et si habuerit sospeita super moro de furto aut de fornicio aut de aliqua causa ubi debet habere iusticia, et non probent super illos testimonias si non moros fideles et non prendant christianum. 16. Et si cadierit iura ad illo moro contra christiano, non faciat alia iura si talem qualem debet facere ad suum morum secundum suam Zunam. 19. Et quod non mittant iudeo maiore super illos moros nec super lures faziendas de illos moros que habeant nullum sennyorium. 20. Et quod nullus christianus non demandet nullam causam ad illos maiorales qui fuerunt in tempus de moros. 21. Et quod sit illo mandamento et illa sennyoria de illos moros in manu de Alfabibi aut in manu de illo moro quem elegerit Alfabibi. 22. Et quod non levent illos alcadis et teneant in lures honores quales habebant in tempus de moros honorablement. 24. Et quod uadat ganato de illos moros et homines per illam terram regis solitamente et prendant illum azudium de illas oves, sicut est foro de Azuna de illos moros.
José Ángel Lema Pueyo, Colección Diplomática de Alfonso I de Aragón y Pamplona (1104-1134), Donostia-San Sebastián, 1990, doc. 91
1. Et il confirma les magistrats dans leurs magistratures, les juristes dans leurs écoles de droit et les conseillers municipaux à leurs postes. 8. Et que les maures soient jugés dans leurs tribunaux et aux mains de leurs magistrats et de leurs conseillers municipaux comme au temps (du gouvernement) des maures. 9. Et si un maure se trouve en conflit juridique avec un chrétien ou un chrétien avec un maure, que le jugement soit donné par le magistrat des maures au maure selon sa sunna et par le magistrat des chrétiens au chrétien selon son fuero. 10. Et qu’aucun chrétien n’agisse par force envers un maure sans le commandement de leur sunna . 11. Et si un maure est suspecté de vol, de fornication ou de tout cas impliquant que justice soit rendue, que seuls soient probants les témoignages de maures respectables, et non ceux de chrétiens. 16. Et s’il arrive qu’un maure doive prêter serment contre un chrétien, qu’il ne fasse pas d’autre serment que ceux qu’il fait selon l’habitude de sa sunna . 19. Et que ne soient pas envoyés de seigneur juif aux maures ni sur les biens de maures qui n’ont pas de seigneurs. 20. Et que nul chrétien ne porte plainte contre les magistrats qui étaient en place au temps des maures. 21. Et que le commandement et la seigneurie des maures soient entre les mains de leur Conseiller municipal ou du maure qu’ils auront élu Conseiller municipal. 22. Et que l’on ne remplace pas les magistrats honorables et que les honneurs qu’ils avaient du temps de maures leur soient conservés. 24. Et que le bétail des hommes maures continue à passer sur la terre du roi comme à l’accoutumée et qu’ils prélèvent l’ azudium sur les moutons, selon la sunna des maures.
C. Chauvin
A la suite de la conquête de Tudèle en 1119, un ensemble de conditions relativement favorables qui tendent à confirmer le statu quo de la pré-conquête a défini les termes de la continuité de la présence de la population musulmane soumise à la règle chrétienne. [Le texte complet du traité se trouve dans le texte associé no. 1 - Capitulación de Tudela 1].
Nous rassemblons ici les nombreuses dispositions (au moins la moitié de tout le texte) qui soulignent la prévalence de la loi de la Sunna au sein de la communauté musulmane et la confirmation du précédent statu quo juridique. Ainsi, par exemple, les magistratures existantes sont confirmées (#1) et l’ancien système de alcadis et aguacils est maintenu (#8, #22). Il est plus loin souligné qu’aucun non-musulman n’a d’autorité sur la communauté mudéjar, en particulier aucune autorité juive (#19), et que l’Alfabibi ou son successeur désigné est leur seul seigneur valable (#21). La figure du maire constitue une exception partielle (#13), considérée par Lema comme un officier du fisc chrétien et rattaché à la Couronne dans la version de Tortosa du texte, bien qu’il soit souligné qu’ils doivent avoir un bon tempérament. De plsu, il est souligné à plusieurs reprises que la communauté musulmane doit être gouvernée selon la sunna (#11, #24), et cela même dans certains cas de juridictions mixtes (#9, #10, #16).
Le traité de reddition de Tudèle est le texte-clé pour comprendre comment la population libre maure commença à être intégrée aux royaumes de Navarre et d’Aragón à partir du milieu du XIème siècle. Dans cet ensemble de dispositions nous voyons comment la monarchie de l'Aragon est disposée à offrir à la communauté musulmane un large degré d'autonomie qui peut être regardé comme une tentative de s'assurer que la communauté musulmane ne se sentira pas forcée d'émigrer. Catlos a soutenu que ce traitement permissif est la conséquence d'une faiblesse démographique de royaumes chrétiens à l'expansion rapide et nécessitant de la main d'oeuvre.
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254447, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254447/.