Réponses aux questions concernant les relations entre chrétiens et Sarrasins
Ceux qui transportent du fer entre les ports musulmans sont-ils excommuniés ?
Item, super quibusdam aliis similiter articulis dubitamus. Primo, utrum portantes ferrum una terra sarracenorum in aliam sint excommunicati. Respondemus: non, nisi fiat in dispendio terre sancte, uel alias contra christianos.
J. Tolan, ed, "Ramon de Penyafort’s Responses to questions concerning relations between Christians and Saracens: critical edition and translation", http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/76/12/57/PDF/Penyafort.pdf
Également, nous avons des doutes concernant d'autres sujets. Premièrement, ceux qui transportent du fer d'un pays sarrasin à un autre sont-ils excommuniés ? Nous répondons : non, sauf si ceci est fait au détriment de la Terre sainte ou d'autres manières contre les chrétiens.
L. Foschia
C'est l'une d'une série de questions que le ministre franciscain et le prieur dominicain résidant à Tunis ont posées au pape Grégoire IX concernant la légalité de différentes sortes de commerce entre les marchands chrétiens et les musulmans, dans le contexte de l'interdiction de vendre des bateaux, des armes, du bois ou du fer aux musulmans, ou d'aider les musulmans à combattre les chrétiens — une interdiction proclamée lors du concile de Latran III, canon 24, et réitérée lors de Latran IV, canon 71. Ici la question est de savoir si un marchand chrétien qui transporte du fer d’un port musulman à un autre est excommunié. On pourrait bien sûr arguer qu’il vend des objets interdits à des musulmans et devraient être excommunié ; ou l’on pourrait au contraire affirmer qu’il n’a rien amené d’interdit au territoire des sarrasins, parce que le fer y était déjà. Comme ailleurs, la réponse du pape est pragmatique : celui qui aide les musulmans qui combattent les chrétiens est excommunié.
Dans ce passage comme dans beaucoup d’autres des Réponses, Grégoire et Raymond établissent le principe selon lequel le commerce d’objets non-militaires en temps de paix est licite, mais leur vente en temps de guerre à des ennemis du christianisme fait encourir l’excommunication. Il est bien sûr impossible de dire dans quelle mesure ces remontrances ont été retenues, car clairement le ministre franciscain et le prieur dominicain éprouvèrent des difficultés à affirmer la moindre autorité sur les marchands chrétiens de Tunis. Les dispositions des Réponses semblent davantage destinées à rassurer et à guider les marchands qui spontanément viennent aux frères pour la confession et la pénitence, plutôt que de permettre aux frères de dénoncer (ou de punir) les marchands qui enfreindraient les interdictions commerciales.
Laurence Foschia : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252846, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252846/.