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גדול העצה, וגבור המליצה[18:13]

Auteur

Asher ben Jehiel

Titre en français

Grand conseiller, fort dans sa sagesse

Titre descriptif

Peine corporelle imposée pour une femme juive qui eut des relations sexuelles avec un musulman

Type de texte

Responsum

Langue

Hébreu

Source du texte original

She'elot u-teshuvot le-ha rav rabbenu Asher (Venice, 1607), p. 34 verso

Datation

  • Date fixe : 1320
  • Précisions : La question de rabbi Judah Waqar fut signé le 17 mai 1320, mais la date exacte de la réponse de rabbi Asher ben Jehiel est inconnue.

Aire géographique

Traduction française

Grand conseiller, fort dans sa sagesse qui a l’intelligence et la connaissance supérieures, celui dont les actions sont agréables, et je ne pourrais pas les appeler par leurs noms. La couronne d’Israël, le chef de l’exil d’Ariel, l’esprit de Dieu est à côté de lui, la montagne vers laquelle chacun se tourne. Le grand rabbin Asher, que Dieu te protège et préserve, Dieu t’enverra un message favorable des Cieux; que la paix soit sur vous et votre maison, comme nous voulons, toi et moi. En signant ceci, je demande ton bien-être et la paix dans ce qui est révélé et ce qui est caché, en faisant savoir à ton honneur qu’étant désormais à Cuenca avec Don Juan, que Dieu le protège et préserve, on me rapporta par quelques juifs habitant là qu’un veuve tomba enceinte d’un musulman, et elle était au cours des dernières mois de grossesse, et de mauvais rumeurs se répandirent sur cette affaire. J’examinai ce cas le plus attentivement possible avec d’autres juifs pour vérifier s’il y avait des témoins qui connaissaient cette affaire, et pour dénicher la vérité. Je ne trouvai aucun juif qui puisse faire un témoignage clair sur cette femme, mais on me dit qu’il y avait vraiment une rumeur dans la ville portant sur ce que cette femme donna la plupart de ses biens à ce musulman avec lequel elle était soupçonnée d’avoir une affaire. Lesdits juifs lui demandèrent, quand ils la virent enceinte, avec qui elle avait conçu. Elle leur avoua qu’elle l’avait fait avec cet homme musulman avec lequel elle était soupçonnée d’avoir une affaire. Craignant qu’elle ne puisse s’enfuir, je ne trouvai pas raisonnable de mener une enquête publique. La même plainte que la mienne à Cuenca fut adressée à Don Juan, que Dieu le protège et préserve, par les musulmans habitant là-bas. Il leur répondit que cela n’était pas en sa compétence, parce que cette femme était juive, et que c’était nous qui devions la juger selon nos lois. Puis, quand nous allâmes à Collioure, on me dit que cette femme donna naissance à des enfants de sexe masculin et féminin le 24 d’iyyar. Le mâle mourut et la fille se convertit à l’islam, parce qu’elle fut prise par les musulmans comme je dis, et les musulmans dirent que c’était vrai. A ce propos, je m’adresse à toi, le plus cher et agréable, pour que tu me consoles par un conseil correct, car c’est toi qui es le Maître, pour que nos lois ne soit pas considérées par d’autres peuples comme légères et honteuses. [Pour que] Dieu ramène [ce jugement] au cœur de Don Juan, que Dieu le protège et préserve, et pour que notre foi soit renforcée, nous devons rendre une décision stricte selon ton avis, et ne pas juger avec indulgence, comme nous apprîmes concernant un homme qui avait fait une sortie à cheval etc. (le Talmud de Babylone, Sanhedrin 46a) et un homme qui avait eu des relations sexuelles avec sa femme sous un figuier (Ibid). Car toutes les communautés habitant autour de Cuenca murmurent que l’affaire de cette fornicatrice se répandit parmi tous les gentils, étant un sujet de honte pour notre religion à leurs yeux et pour que toutes les femmes en tirent une leçon et ne répètent jamais ses actions, ce qui me passe par la tête est de la punir en conséquence (dans l’édition de Venise (1606) il est écrit “de couper son nez”) pour détruire la beauté de son visage qui l’ornait devant celui qui avait des relations sexuelles avec elle, et elle paiera quelque montant aux autorités de la ville. Désormais, si tu veux juger plus strictement selon ton avis ou si tu permets de poursuivre ma décision, je l’accomplirai absolument sans hésiter. J’étais obligé de t’envoyer ce jugement pour que tu établisses la vérité avec piété. Aide-moi fortement et courageusement et envoie-moi ta réponse immédiatement. Dieu ajoutera de la supériorité à ton altesse et de l’honneur à ton honorabilité. Ce discours fut signé le 44e jour de l’omer, l’an 80 (mai 17, 1320). Judah, fils d’Isaac, que son âme soit au Paradis, Waqar. Réponse. L’honorable sage rabbi Judah ben Waqar, celui qui observe les commandements, tu jugeas bien de la punir en conséquence (dans l’édition de Venise 1606 : tu jugeas que son nez soit coupé) pour la déshonorer en raison de ses débauches. Que cette peine soit administrée soudainement pour lui empêcher son comportement malhonnête et elle doit payer une amende conformément à la valeur de ses biens. Que la paix soit sur toi et tous ce que tu as selon le souhait d’Asher, fils de Yehiel que sa mémoire soit bénie.

Source traduction française

N. Koryakina

Résumé et contexte

Ce texte porte sur un jugement délivré sur une veuve juive qui eut des relations sexuelles avec un musulman et conçut deux enfants avec celui-ci. Son comportement provoqua l’hostilité dans la communauté juive de Cuenca en Espagne et il fut décidé qu’elle devait être condamnée à une peine corporelle sévère et une amende à être payée aux autorités chrétiennes de la ville. Car la responsabilité pour rendre une sentence impliquant une peine corporelle était très sérieuse, rabbi Judah ben Isaac demanda à rabbi Asher de vérifier son jugement. Ce responsum est exceptionnellement daté (1320) et contient des détails sur le juge lui-même et non exclusivement sur le cas mais aussi sur un voyage de rabbi Judah à la ville de Collioure qui n’était pas nécessairement associé avec le cas dont il s’agit dans le texte.

Signification historique

Ce responsum est très intéressant parce qu’il mentionne un juge juif qui prononça la peine corporelle dans le cas des relations sexuelles (et probablement de mariage) entre une femme juive et un homme musulman. Ce cas ne fut pas censé tomber dans la compétence d’un tribunal juif. Selon ce texte, ce cas fut présenté d’abord à l’attention des autorités locales chrétiennes, et puis il fut transmis aux juges juifs étant considéré comme une affaire intérieure, propre à la communauté juive. Cependant, les autorités chrétiennes gardèrent leur droit d’imposer une amende. Bien que les instances juives ne devaient pas normalement prononcer des peines corporelles, surtout de trancher les membres du corps, rabbi Judah poursuivit le procès. Bien qu’il ne fût pas prescrit par les sources classiques de la loi juive (comme, par exemple, Talmud) de couper le nez pour punir le crime de la fornication, il semble que cette punition était pratiquée par les communautés musulmane et juive de Cuenca comme une mesure cruelle et humiliante visant à faire briser les relations illicites. Un autre détail stupéfiant est ce que rabbi Judah ne trouva point de témoins attestant la fornication, mais, malgré tout, il prononça sa sentence comme si la culpabilité était établie. En le faisant, il profita d’une pratique répandue dans le milieu chrétien où la confession de l’accusé était considérée comme une preuve suffisante pour procéder au jugement. Puisque cette peine était vraiment très sévère, rabbi Judah demanda une autre autorité halachique (rabbi Asher) de soutenir sa décision, et son jugement fut accepté. Des détails complémentaires ne furent jamais préservés.

Etudes

  • R. Amran Cohen, La judería toledana desde finales del siglo XIII hasta la primera mitad del siglo XIV, la época de R. Asher‎, (Madrid, 1990).
  • A. Grossman, Pious and Rebellious: Jewish Women in Medieval Europe (Lebanon, NH 2004), 114 - 121.
  • D. Nirenberg, Communities of Violence: Persecution of Minorities in the Middle Ages (Princeton, 1996), 127-166.

Mots-clés

autonomie communautaire ; fornication ; Juifs/Judaïsme ; juridiction ; musulmans ; relations sexuelles

Auteur de la notice

Nadezda   Koryakina

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Claire   Chauvin  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°252584, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252584/.

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