Concile d'Oxford
Interdiction faite aux juifs d'avoir des serviteurs chrétiens
Item, quoniam absurdum est, quod filii libere ancille filiis famulentur, et quoniam ex cohabitatione iudeorum cum christianis non modicum solet in ecclesia dei scandalum plurimorum suborriri ; precipimus ut iudei de cetero non habeant mancipia christiana ; ad quod observandum tam ipsa mancipia per censuram ecclesiasticam quam ipsos Judaeos per penam canonicam sive extra ordinariam a dioecesano excogitandam volumus efficaciter induci. Et quoniam supra statuta iuris non habent a nobis foveri, ut pote qui per multa enormia his diebus commissa probantur multipliciter nobis ingrati, prohibemus ne de novo construant synagogas, et ut super decimis et oblationibus ad interesse teneantur ecclesiis, in quarum parochiis commorantur.
F. Powicke & C. Cheney, eds., Councils and Synods with other Documents relating to the English Church II: AD 1205-1313, 118-19
Sur les juifs et leurs esclaves Comme il est choquant que les enfants d'une femme libre puissent être traités en esclaves par les enfants d'une servante, et comme de la cohabitation de juifs avec des chrétiens il est courant que, par beaucoup, naisse un scandale qui n'est pas des moindres pour l’Église de Dieu, nous ordonnons qu'à l'avenir les juifs ne possèdent pas d'esclave chrétien ; afin que cette règle soit observée, nous voulons que soient efficacement soumis : les esclaves à la censure ecclésiastique, et les juifs à une peine canonique ou extraordinaire que le diocèse devra imaginer ; et comme ils ne sauraient tenir de nous aucune faveur par les statuts légaux, et vu que, par les nombreuses énormités qu'ils ont commises en ces temps, ils ont prouvé de nombreuses fois leur ingratitude à notre endroit, nous prohibons à l'avenir la construction de synagogues, mais ordonnons qu'ils soient contraints par les églises des paroisses desquelles ils résident à verser les dîmes et contributions qui leur viennent du prêt à intérêt.
C. Nemo-Pekelman
Ce canon compte parmi les nombreuses règles interdisant aux juifs la possession d'esclaves chrétiens. Dans le cas présent, le but poursuivi est explicitement d'empêcher la cohabitation de juifs et de chrétiens sous le même toit. Bien que les juifs de l'Angleterre du XIIIe siècle ne possédaient pas d'esclaves chrétiens, certains avaient probablement des serviteurs chrétiens qui parfois vivaient chez eux. C'est sans aucun doute ce que le concile veut dire par mancipia : Innocent III avait de même interdit aux juifs de posséder des serviteurs chrétiens, recourant également parfois au terme de mancipia et d'autres fois à la dénomination mieux adaptée de servientes. Il ne fait pas de doute que le scandale sexuel causé par l'union d'un diacre chrétien avec une femme juive était dans l'esprit des participants au concile (voir la notice auteur "concilium Oxoniensis"). Mais on peut aussi y voir la main de l'archevêque de Cantorbéry Etienne de Langton, qui plus généralement utilisa le présent concile comme un moyen de diffusion des décisions réformatrices prises à Rome, et en particulier au Quatrième concile du Latran. Les deux autres mesures du canons sont l'interdiction de construire de nouvelles synagogues et la demande de payer des dîmes aux églises dans les paroisses desquelles ils résident.
L'interdiction pour les juifs d'employer des serviteurs chrétiens était une préoccupation fréquente des hommes d’Église du XIIIe siècle, et il n'est donc pas surprenant que le présent concile aborde cette question. Les deux autres règles accolées à la fin du texte sont plus inhabituelles et paraissent constituer une tentative de l'archevêque (et plus généralement de l’Église anglaise) d'exercer un contrôle sur les juifs alors qu'ils étaient, normalement, sujets du roi et non soumis à la juridiction ecclésiastique. Le roi imposait de lourds impôts aux juifs en échange de la garantie de sa protection (limitée) et de privilèges. Ici les prélats proclament le droit des paroisses d'obtenir, par le biais de la dîme, leur part des revenus du prêt à intérêt que pratiquaient les juifs. On ignore s'ils réussirent à obtenir cette dîme des juifs anglais.
cohabitation ; dîme ; esclaves ; synagogue
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°246618, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246618/.