Latran III, c. 26
Juifs ou Sarrasins ne doivent pas avoir de domestiques chrétiens. Ils doivent accepter des témoins judiciaires chrétiens. Les biens de ceux qui apostasient le judaïsme doivent être protégés
Iudaei sive Sarraceni nec sub alendorum puerorum obtentu nec pro servitio nec alia qualibet causa christiana mancipia in domibus suis permittantur habere. Excommunicentur autem qui cum eis praesumpserint habitare. Testimonium quoque christianorum adversus Iudaeos in omnibus causis cum illi adversus christianos testibus suis utantur recipiendum esse censemus et anathemate decernimus feriendos quicumque Iudaeos christianis voluerint in hac parte praeferre cum eos subiacere christianis oporteat et ab eis pro sola humanitate foveri. Si qui praeterea deo inspirante ad fidem se converterint christianam a possessionibus suis nullatenus excludantur cum melioris conditionis conversos ad fidem esse oporteat quam antequam fidem acceperunt habebantur. Si autem secus factum fuerit principibus vel potestatibus eorumdem locorum sub poena excommunicationis iniungimus ut portionem hereditatis et bonorum suorum ex integro eis faciant exhiberi.
G. Alberigo et al., ed., Les conciles Œcuméniques: Les Décrits, vol. 1 (Paris, 1994), 202-203; modified.
Il n'est pas permis aux juifs ou aux sarrasins d'avoir dans leur maison des domestiques1 chrétiens, que ce soit sous prétexte de nourrir leurs enfants, pour les servir ou pour toute autre cause. Ceux qui oseraient habiter avec eux seront excommuniés. Nous décrétons qu'est recevable le témoignage de chrétiens contre les juifs dans tous les procès, puisque ceux-ci usent de leurs propres témoins contre les chrétiens ; nous décrétons aussi que doivent être frappés d'anathème tous ceux qui voudraient, dans ce domaine, préférer des juifs à des chrétiens, alors que ceux-ci doivent être soumis aux chrétiens qui les protègent uniquement par bonté d'âme. En outre, si certains, inspirés par Dieu se convertissent à la foi chrétienne, ils ne seront nullement dépouillés de leurs possessions puisqu'il faut que ceux qui se sont convertis à la foi jouissent d'une condition meilleure que celle dont ils jouissaient avant de recevoir la foi. Si on agissait autrement, nous enjoignons sous peine d'excommunication aux princes ou à ceux qui détiennent le pouvoir dans ces lieux de leur faire restituer leur part d'héritage et de biens personnels.
1 . Mancipia désigne les esclaves et parfois les domestiques et les personnes en position de dépendance.
G. Alberigo et al., ed., Les conciles Œcuméniques: Les Décrets, vol. 1 (Paris, 1994), 202-203; avec modifications.
Parmi les vingt-sept canons émis par le troisième concile de Latran, seuls deux concernaient les non-chrétiens, dont le présent texte. Il interdit aux chrétiens de vivre dans la demeure de juifs et de musulmans, notamment en qualité de nourrices ou de domestiques. Il décrète en outre que le témoignage judiciaire de chrétiens contre des juifs ne doit pas être rejeté. Enfin, il interdit de déposséder et de déshériter ceux qui se sont convertis au christianisme. Ces pratiques étaient courantes durant le XIème et le XIIème siècles. Non seulement les communautés juives déshéritaient souvent les apostats, mais la loi royale et impériale imposait aux convertis d’abandonner leurs biens au fisc lorsqu’ils devenaient chrétiens.
Comme beaucoup de canons émis par Latran III, le canon 26 dérive d'anciens canons qui avaient été incorporés au Decretum. Il réitère mais aussi revoit la législation existante concernant les juifs, leurs domestiques, le témoignage et la conversion, notamment en étendant les lois qui régulaient les relations entre chrétiens et juifs pour y inclure les musulmans. Son impact immédiat n’est pas clair, car il y a de nombreuses preuves suggérant à la fois que les chrétiens continuèrent à travailler comme domestiques chez les non-chrétiens, et que les autorités chrétiennes confisquaient encore les biens des convertis plusieurs décennies après. Le canon 26 représente néanmoins un tournant dans la législation, d’une part, parce qu’il introduit de nouvelles restrictions et, d’autre part, parce qu’il assimile le statut des musulmans à celui des juifs. Il a été repris dans la Compilatio Prima, 5, 5, 5 ainsi que dans le Liber Extra, 5, 8, 6 ; 2, 20, 21 et 5, 6, 5.
apostasie ; cohabitation ; conversion au christianisme ; nourrices ; semaine sainte ; serviteurs ; témoignage
Laurence Foschia : traduction
Notice n°1097, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait1097/.