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Codex Justinianus[1.9.8]

Auteur

Justinianus

Titre en français

Code Justinien

Titre descriptif

Interdiction faite aux juifs de régler leurs différends civils devant leurs juridictions internes, celles-ci ne pouvant être saisies que sur le mode de l'arbitrage

Type de texte

Constitution romaine

Texte

Imppp. Gratianus Valentinianus et Theodosius AAA. Eutychiano PP. Iudæi Romano communi iure viventes in his causis, quæ tam ad superstitionem eorum quam ad forum et leges ac iura pertinent, adeant solemni more iudicia omnesque romanis legibus conferant et excipiant actiones. Si qui vero ex his communi pactione ad similitudinem arbitrorum apud iudæos in civili dumtaxat negotio putaverint litigandum, sortiri eorum iudicium iure publico non vetentur. Eorum etiam sententias iudices exsequantur, tamquam ex sententia cognitoris arbitri fuerint attributi. D. III non. feb. Constantinopoli Honorio A. IIII et Eutychiano conss.

Langue

Latin

Source du texte original

P. Krueger, Codex Justinianus (Berlin, 1877, Ed. ster. 10, 1929), 61.

Datation

    Traduction française

    Les trois empereurs et augustes Gratien, Valentinien et Théodose à Eutychianus, préfet du prétoire. Les juifs, qui vivent en Romains selon le droit commun, doivent s’adresser aux tribunaux de la façon régulière, tant pour les causes qui appartiennent à leur superstition que pour celles qui relèvent des procès, des lois et du droit, et tous doivent engager des actions et se défendre suivant les lois romaines. Si certains jugent bon de porter leurs litiges, pourvu qu’il s’agisse d’affaires civiles, devant des juifs comme à des arbitres, par pacte commun, qu’il ne soit pas interdit d’accepter le verdict de ceux-ci selon le droit de la Respublica ; les juges feront exécuter leurs sentences comme si les arbitres avaient été affectés par sentence d’un juge. Donné le 3e jour avant les nonnes de février à Constantinople pendant le quatrième consulat d'Honorius Auguste et celui d'Eutychianus.

    Source traduction française

    C. Nemo-Pekelman

    Résumé et contexte

    La présente loi a donné lieu à des interprétations exactement opposées : pour certains commentateurs, elle dit le contraire de ce que signifiait originellement son modèle, la loi d'Arcadius du 3 février 398 (CTh.2.1.10), alors que pour d'autres, elle ne fait qu'en éclairer le sens. Le débat porte principalement sur l'effacement du « non ». Le modèle théodosien disait : « Les juifs [...] doivent s’adresser aux tribunaux de la façon régulière NON pour les causes qui appartiennent à leur superstition mais pour celles qui relèvent des procès » tandis que la version justinienne devient : « Les juifs [...] doivent s’adresser aux tribunaux de la façon régulière TANT pour les causes qui appartiennent à leur superstition que pour celles qui relèvent des procès. » Pour Jean Juster et Adolf Berger, les auteurs du Code Justinien ont voulu, par cette interpolation, priver pour la première fois les juifs de leur juridiction dans les causes religieuses. Pour Julien Reinach au contraire, cette modification ne modifie pas substantiellement son modèle. Nous partageons cette seconde analyse. De fait, le pouvoir romain n’hésita jamais à censurer les pratiques religieuses juives. Ainsi même venait-il, en 393, de prohiber les mariages réalisés selon la coutume juive (CJ.1.9.7), ce qui revenait à nier la compétence juridictionnelle des juifs dans un domaine essentiel de leur droit. En réalité, l’incise – « non pour les causes qui appartiennent à leur superstition » – qu'on lit dans loi du 3 février 398 avait probablement été ajoutée pour faire taire les oppositions, mais n’avait pas de réelle portée pratique. En effet, le critère de répartition des compétences rationae materiae n'était pas applicable, les droits juif et romain ayant vocation à régler les mêmes matières (mariage, donation, succession, propriété, vente...). La loi du 3 février 398 niait donc déjà tout pouvoir judiciaire aux cours juives, en leur rappelant que leurs compétences se réduisaient à celles de simples instances d'arbitrage. Les auteurs du Justinien paraissent avoir seulement clarifié le texte en éliminant cette distinction entre causes religieuse et civile qui n'avait pas de réalité pratique. Une autre transformation du texte donne lieu à débats quant à son sens et à sa portée. Le retrait de la locution « et » (« les juifs, qui vivent en Romains et selon le droit commun » devient « les juifs, qui vivent en Romains selon le droit commun ») est d’autant plus difficile à interpréter qu’il n’existe pas d’entente sur la traduction du texte original. Pour Gianni Ferrari dalle Spade, le texte de 398 distinguait entre les juifs citoyens romains et d’autres juifs n’ayant pas obtenu la citoyenneté. Pour Siro Solazzi, il distinguait ceux qui vivent sous un droit romain « général » et « spécial ». Pour Julien Reinach, il faudrait traduire par : « les juifs qui vivent à la fois selon le droit romain et selon le droit [qui leur est] commun. » Notre traduction veut montrer que, là encore, les auteurs du Justinien sont demeurés fidèles au texte, en en clarifiant la formulation. Les autres modifications (« inferant » remplacé par « conferant », suppression de « postremo sub legibus nostris sunt » et des « patriarchae », « compromissum » remplacé par « communi pactione ») découlent de la même volonté de simplifier le texte et de l’adapter aux évolutions institutionnelles survenues entre le Ve et le VIe siècle.

    Textes apparentés inclus dans le corpus

    Editions

    • P. Krueger, Codex Justinianus (Berlin, 1877, Ed. ster. 10, 1929), 61.

    Traductions

    • A. Linder, The Jews in Roman Imperial Legislation (Detroit-Jerusalem, 1987), 209.

    Etudes

    • A. Berger, "CTh 2, 1, 10 and CJ 1, 9, 8 pr. - A perfect example of an interpolation through cancellation of a "non"", Jura X (1959), 13-23.
    • G. Ferrari dalle Spade, "Privilegi degli ebrei nell'Impero romano-cristiano", Scritti giuridici III (Milano, 1956), 279-282.
    • A.M. Rabello, "Civil Jewish jurisdiction in the days of Emperor Justinian (527-565): Codex Justinianus 1.9.8", Israel Law Review (winter 1999).
    • J. Reinach, "Controverse et litige. Comparaison de C. Th., II, 1, 10 et de C. I., I, 9, 8", Jura 11 (1960), 184-189.
    • S. Solazzi, "Ancora glossemi e interpolazioni nel Codice Teodosiano", Studia e documenta Historiae et Iuris, XIII-XIV (1947-1948), 203-204.

    Mots-clés

    conflit de lois ; droit juif ; Juifs/Judaïsme ; juridiction ; procédure judiciaire

    Auteur de la notice

    Capucine   Nemo-Pekelman

    Collaborateurs de la notice

    Adam   Bishop  :  traduction

    Comment citer cette notice

    Notice n°238348, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

    Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait238348/.

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