Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Des douaniers sarrasins qui détournent les biens de leurs seigneurs
Ici orres la raison et le dreit con det faire des escriveins Sarasinois qui sont a la fonde et a la chaene ou en autre part, et cil emblent le dreit et la raison de leur seignor. Sil avient que I escrivein Sarasinois ou Fransois soit au servise dou seignor sur la fonde ou sur la chaene ou sur aucuns casaus, et celuy escrivein emble le droit de son seignor, ou le concente a embler as marchans ou as vileins por partir a iaus, ou retient de laver con a paie a la fonde ou a la chaene, et se fait il par son faus conte ou par faus escrit: la raison iuge et coumande enci a iuger que se celuy escrivein peut estre ataint de celuy larecin, ou par ces livres ou par le marchant, quil li avoit laisse traire sans dreit, ou quil li avet amerme la mite de la droiture quil devet au seignor por lautre mite ou por le tiers quil li paia derieres, sans seu dou bailly ni dou seignor, ou en est ataint par aucune autre maniere, ou por ce que le seignor ne treuve pas ces rentes si com il deit: la raison iuge que celuy escrivein deit estre tantost bendeles et frustes par la cite et menes as forches et pendus, et tout can que il aveit deit estre dou roy, par dreit et par lasise.
E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
Ici vous entendrez ce que doit être la raison et la loi pour les scribes sarrasins qui travaillent au marché et au port ou dans tout autre lieu, et qui volent ce qui est dû à leurs seigneurs. S'il arrive qu'un scribe, sarrasin ou franc, est au service de son seigneur dans le marché, au port ou dans n’importe quel village, et que ce scribe vole ce qui est dû à son seigneur, ou permet aux marchands ou aux vileins de le voler afin de le partager avec eux, ou garde pour lui ce qui doit être payé au marché ou au port, en falsifiant la comptabilité ou en tenant de faux registres, la loi considère et ordonne de considérer que si ce scribe peut être condamné pour ce vol, par le biais de ses registres ou par celui des marchands, parce qu'il les a laissé sortir leur biens du marché sans avoir payé les droits, ou qu'il a volé la moitié de ce qui est dû à son seigneur afin de prendre la moitié ou le tiers de ce qu’il devait verser, sans que le bailli ou le seigneur n’en aient connaissance, ou qu’il est condamné d’une quelque autre manière, ou parce que le seigneur ne trouve pas ses rentes comme il devait les trouver, la loi stipule que l’on bande immédiatement les yeux de ce scribe, qu’il soit traîné partout dans la ville et mené au gibet pour être pendu et que toute sa propriété revient au roi, conformément au droit et aux assises.
A. Bishop
Ce chapitre porte sur la « cour de la Fonde », le tribunal de commerce, qui était assujetti à la cour des bourgeois. Il ne se trouve pas avec les autres chapitres concernant le tribunal de commerce (chapitres 236-238), mais elle est incluse dans une section plus tard avec d'autres assises relatives à la fraude et aux contrefaçons. Ces assises interdisent aux scribes travaillant pour le tribunal de commerce de voler les biens du seigneur de la ville (à qui l'on devait payer les taxes commerciales). Il ne semble y avoir aucune différence dans les sanctions applicables au scribes musulmans et chrétiens.
La "cour de la Fonde" était l'un des tribunaux soumis à la cour des bourgeois. Il statuait sur les différends relatifs au marché (en particulier dans la ville de Saint-Jean d'Âcre, mais probablement aussi dans les autres villes du royaume de Jérusalem et de Chypre). Le tribunal était présidé par le bailli, un représentant du vicomte en charge de la cour des bourgeois. Mais parfois, le vicomte et le bailli n'étaient probablement qu'une seule et même personne.
Les fonctions du bailli sont les mêmes que celles que le vicomte avait au début de la cour d'assises des Bourgeois. Il est également probable que le bailli de la cour du marché, et sans doute aussi le vicomte, a repris les fonctions de l'institution musulmane du muḥtasib, qui était en charge des activités commerciales dans les villes musulmanes avant l'arrivée des croisés ; l'un des fonctionnaires de la cour du marché était en fait connu en français comme le "mathesep". Manifestement, le tribunal de commerce se composait de six jurés, dont quatre étaient des "Syriens" ou des chrétiens orientaux. Ainsi, les chrétiens d'Orient étaient représentés au tribunal, tandis que les juifs et les musulmans ne bénéficient pas d'un tel droit. 123
En plus du muḥtasib, les croisés employaient des scribes et des comptables, qui prélevaient les taxes et les droits sur les marchandises. Il y avait aussi des scribes dans les zones rurales, chargés de la collecte des impôts. Certains de ces fonctionnaires étaient d'origine européenne, mais d'autres étaient arabes, car le système commercial arabe fut largement maintenu et conservé intact par les croisés. Les préposés à la perception des taxes pouvaient conserver une partie des revenus qu'ils collectaient, mais, évidemment, s'ils prenaient plus que leur allocation, ils encouraient de sévères punitions.4.
1 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 253-262.
2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 85-92.
3 . M.Nader, Burgesses and Burgess Law in the Latin Kingdoms of Jerusalem and Cyprus, 1099-1325 (Ashgate, 2006), 18-19, 159-162.
4 . J. Riley-Smith, "Some lesser officials in Latin Syria" (The English Historical Review 87 (1972)), 22-24.
Ahmed Oulddali : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°136981, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136981/.